Azerbaïdjan: Dans les montagnes du Caucase

  25 Janvier 2018    Lu: 3035
Azerbaïdjan: Dans les montagnes du Caucase

Ce sont les derniers beaux jours d’octobre avant le rude hiver du Caucase. Depuis qu’il a neigé, voici une quinzaine de jours, les sommets étincellent sous un blanc manteau. En revanche, la neige a fondu sur les pentes, dès que le soleil est revenu.

Pour se rapprocher des sommets du grand Caucase -cette chaîne de montagne s’étend sur 1200 kms, de la Georgie à l’Azerbaïdjan-, non loin de la frontière avec le Daguestan, il faut, laissant derrière soi la capitale, Bakou, rouler, cahoter parfois, des heures et des heures dans des Ladas costauds qui datent du temps où l’Azerbaïdjan était une des multiples Républiques de l’Union soviétique. On traverse des gorges étroites, aperçoit des cascades impressionnantes et croise déjà quelques-uns des innombrables troupeaux de moutons qui peuplent ces pentes. Nous n’avons pas fini d’en voir : des centaines de milliers de moutons doivent vivre dans le Grand Caucase, des milliers de bovins aussi, et pas mal de chèvres. Peu à peu les routes goudronnées laissent la place à des pistes en terre. Et la végétation devient de plus en plus rase, déjà roussie par les morsures du froid.



À Khinalug, bourg perché à 2 200 mètres, les 170 familles se préparent à se terrer de longs mois dans leurs maisons de pierre trapues. A mi-pente, à côté des étables, des meules de foin ont été solidement arrimées. Lorsque le village disparaîtra sous un mètre de neige voire plus -surtout si le vent forme des congères-, il faudra bien nourrir le bétail. Comme ses voisines, la famille de Zaor s’y est préparée.

En attendant d’être coupée du monde par le rude hiver, Zaor et sa femme arrondissent leurs maigres revenus en ouvrant leur table aux rares randonneurs qui passent encore par là. Un déjeuner fait de délicieux dolmas (feuilles de chou farcie avec de la viande de mouton hachée et du riz, d’oeufs et de pommes de terre.

Une fois l’inévitable verre de thé noir dégusté, un rapide tour du village laisse facilement imaginer la vie rude de ces Caucasiens. Ici, cas particulier sur ces pentes, les maisons sont faites de pierres. Elles sont trapues, solides, sans grande fantaisie sinon l’alternance des l’appareillage des pierres qui change parfois, horizontales ici, en biais ailleurs. A Khinalug comme dans les bourgs environnants, le passage de quelques étrangers reste encore un mini-événement : il n’est pas rare de voir une mamie surgir sur le pas d’une porte, avec son petit-fils pour dévisager qui passe avec curiosité, mais quand même avec l’air un peu sauvage.



De Khinalug, il faut parcourir une mauvaise piste avec un 4×4 Lada, vieux mais solide, pour rejoindre ­Giriz, à 2 050 mètres d’altitude. Ou marcher, plusieurs heures, sur les mêmes pistes, en profitant d’une vue époustouflante sur les vallées en contrebas et sur les sommets. Ce jour d’octobre, notre petit groupe de randonneurs a déjà pris pas mal de retard sur son horaire. Aussi, pour gagner du temps les Lada vont nous monter un peu plus haut que prévu. Comme beaucoup d’habitants de l’Azerbaïdjan, nos chauffeurs ont des dents en or, une veste de costard trop grande et une casquette vissée sur la tête. Mais ce sont des as du volant car, bientôt, la piste de terre devient de plus en plus caillouteuse, de plus en plus malaisé : ici, point de Ponts et chaussées, sans doute, pour boucher les énormes ornières !

Finalement, les voitures nous laissent sur un col. Il ne reste que trois heures de marche pour rallier Giriz, un hameau perché au bord d’une falaise à deux pas de l’étroit canyon Gudialchai, mais le journée est plus qu’entamée. Qu’importe, nous y allons d’un bon pas ! Difficile quand même de ne pas se laisser distraire par la beauté des paysages, même si peu à peu, cet après-midi lumineux nous glisse entre les doigts.

À Giriz, les maisons sont en briques de terre et la vie aussi rude, sinon plus, qu’à Khinalug. Cela n’a pas découragé Agiv. L’homme a travaillé dix ans à Kiev, en Ukraine. C’était du temps où l’Azerbaïdjan était l’une des nombreuses Républiques de l’URSS. Finalement, Agiv est rentré chez lui pour devenir berger, comme son père avant lui. Ce quinquagénaire moustachu parle mal le russe mais s’esclaffe en apprenant qu’il a des Français en face de lui. « Ah, rit-il, Jacques Chirac, Jeanne d’Arc, Michel Platini, Tigana ! »

Agiv, lui aussi, s’inquiète de l’hiver qui vient, car, comme Khinagug et les autres bourgs des environs, Giriz va être isolé du reste du monde sous plusieurs mètres de neige pendant de longues semaines. Mais, pour l’heure, il a un autre souci en tête : le soir qui tombe. Aussi s’empresse-t-il, comme ses voisins, de rentrer ses 100 brebis dans l’enclos près de chez lui car la nuit, il n’est « pas question de laisser les bêtes dehors à cause des loups ».

Agiv n’est pas le seul à se presser dans le crépuscule qui tombe. C’est l’heure du retour des troupeaux et tous les bergers de Khinalug pousse leurs bêtes vers le village dans le petit soir blême. Tandis que les lumières s’allument dans les maisons où les femmes s’affairent, quelques unes, accoudées à la barrière de leur cour, profitent du spectacle que constitue, comme chaque jour, le retour des troupeaux au bercail. Déjà, il commence à faire frisquet : nous sommes tout de même à 2050 mètres d’altitude ! Il est temps de se retrouver bien au chaud, dans les maisons, autour du poêle à bois qui ronfle.

A l’extérieur, la nuit est maintenant tombée. Il n’y a bientôt plus, dehors, que les stèles des tombes disséminées un peu partout autour du village qui regardent la lune (à suivre)

Paula Boyer


Tags: Azerbajan  


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