L'Irlande du Nord sans gouvernail depuis un an

  09 Janvier 2018    Lu: 879
L'Irlande du Nord sans gouvernail depuis un an
L'Irlande du Nord est enlisée depuis un an dans une profonde crise politique. Les deux principaux partis de la province n'arrivent pas à s'entendre pour reformer un gouvernement.
Les unionistes du Democratic Unionist Party (DUP) et les nationalistes du Sinn Féin sont censés gouverner ensemble en vertu du principe de partage du pouvoir ancré dans l'Accord de paix de 1998. Mais depuis la démission du vice-Premier ministre Martin McGuinness le 9 janvier 2017, ils s'accusent mutuellement de blocage.

Les deux formations partenaires au pouvoir depuis 2007 ont même renoué avec des discours communautaires que le Brexit a renforcés puisqu'elles ont été «incapables de formuler une politique commune» sur le sujet, souligne John Coakley, professeur d'histoire à la Queen's University de Belfast.

Le DUP a appelé à voter pour la sortie de l'UE tandis que le Sinn Féin voulait au contraire un maintien dans l'Union. Les Nord-Irlandais ont eux voté à 56% pour rester dans l'UE.

Le dilemme du Sinn Féin

Depuis, le DUP, fort de son statut de force d'appoint des conservateurs de la Première ministre Theresa May au parlement de Westminster, s'est opposé vigoureusement à l'idée d'un statut particulier pour l'Irlande du Nord destiné à éviter une frontière physique avec l'Irlande après le Brexit, retardant même la conclusion d'un accord dans la première phase des négociations.

Cette influence des unionistes irrite au plus haut point le Sinn Féin qui fait face à un «dilemme», selon le professeur Coakley: reformer un gouvernement avec le DUP «et lui donner davantage de pouvoir» ou ne pas céder et «décevoir les électeurs».

Retour à l'administration directe ?

Les Nord-Irlandais s'impatientent en effet de l'absence de pouvoir politique à l'Assemblée de Stormont malgré des élections organisées en mars. Ce vide pourrait conduire à une reprise en main temporaire de la province par Londres. Une situation que le pays avait connue pour la dernière fois entre 2002 et 2007 lors d'une précédente crise institutionnelle.

Dans son message du Nouvel An, la cheffe du DUP Arlene Foster a estimé que l'administration directe «serait une moins bonne solution mais (que) cela permettrait d'avoir un gouvernement en place». Les nationalistes prônent, eux, une gouvernance temporaire conjointe du pays par Dublin et Londres si les négociations ne progressent pas.

Elles achoppent depuis des mois sur plusieurs revendications du Sinn Féin qui réclame une législation en faveur du mariage homosexuel, ainsi qu'une loi de reconnaissance de la langue irlandaise. Autant de sujets qu'Arlene Foster qualifie de «longue liste de lignes rouges».

Antagonisme traditionnel

Pour John Coakley, ce ne sont toutefois pas ces thèmes qui provoquent le blocage mais bien l'antagonisme traditionnel entre les deux partis, pour l'un partisan de l'union avec la Grande-Bretagne et pour l'autre favorable à une réunification de l'Irlande.

L'opinion publique montre quant à elle des signes de lassitude, avec de nombreux commentaires sur les réseaux sociaux dénonçant l'impasse et le besoin urgent de décisions dans les domaines de la santé et de l'éducation notamment.

«Les deux partis suscitent l'irritation et à ce titre ils ont sans doute autant à perdre l'un que l'autre», juge l'historien qui estime donc une résolution possible au vu des tensions nombreuses qui ont été surmontées par le passé.

Les négociations devraient reprendre au cours du mois de janvier. Mais la démission lundi du ministre britannique pour l'Irlande du Nord, James Brokenshire, remplacé par l'ex-secrétaire d'Etat à la Culture Karen Bradley, pourrait encore retarder le retour aux négociations puisque c'est au représentant de Londres d'organiser la médiation entre les deux camps.

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