Conflit chez Air France: les pilotes en ligne de mire

  17 Octobre 2015    Lu: 791
Conflit chez Air France: les pilotes en ligne de mire
Début octobre, Air France a détaillé son plan de restructuration, annonçant la suppression de près de 3 000 postes d’ici 2017. Cet ancien fleuron des compagnies d’aviation fait face à des difficultés financières et tarde à s’adapter au nouveau paysage aérien, notamment dans le domaine du low cost. Les pilotes refusent tout compromis permettant de trouver une issue à cette crise.

Toutes les négociations ont échoué. Et le dialogue est rompu depuis l’agression du directeur des ressources humaines, qui a suscité de vives réactions en France et à l’international. Mais Air France n’en est pas à sa première crise. Retour sur une année de turbulences.

Comment en est-on arrivé là ? Après avoir été le fleuron national et avoir damé le pion à tous ses concurrents jusqu’à la fin des années 1980, la compagnie française a traversé de sérieuses difficultés. Synonyme d’excellence en matière de transport aérien, elle a peu à peu perdu sa réputation... Les causes du malaise sont multiples, dans un paysage de l’aérien qui a beaucoup changé ces quinze dernières années. La compagnie française s’est trop souvent distinguée par des grèves à répétitions alors que ses concurrents faisaient des offres très compétitives. Forte de sa suprématie, elle n’a pas su anticiper le virage qui s’opérait. Après son mariage avec KLM en 2003, Air France rate tout simplement la marche du low cost.

Alors que son personnel négociait des avantages sociaux et des augmentations de salaires, de petites compagnies aux dents longues pratiquaient une politique commerciale agressive. C’est ainsi que Ryanair ou encore easyJet se sont fait très vite une place au soleil, au point qu’elles sont imbattables aujourd’hui en termes de prix sur les moyen-courriers. Sur les long-courriers, Air France doit faire face à de nouveaux acteurs, pour certains venus de pays émergents. Les compagnies asiatiques ainsi que celles du Golfe se sont positionnées sur du haut de gamme et offrent confort et raffinement. Dans ce nouveau contexte, Air France s’est retrouvée en étau entre ces deux segments de marché.

La direction du groupe a bien essayé de rattraper son retard en créant sa compagnie à bas coût, « Transavia » puis « Hop », sans pour autant réussir à être aussi compétitive que ses concurrentes. A qui la faute ? Selon la direction, à des charges salariales trop lourdes. Selon les syndicats, à une absence du soutien de l’Etat. Reste qu’aujourd’hui, la compagnie est réellement en danger. Sa flotte d’avions est trop importante et le climat social est dévasté. Les résultats d’Air France sont encore négatifs au premier semestre alors que British Airways et Lufthansa ont gagné de l’argent. La priorité pour Air France est de renouer avec les bénéfices pour investir.

Chez Air France, les pilotes bénéficient depuis longtemps des grâces de la direction. Ils ont été associés à de nombreuses décisions. Cette proximité leur a permis durant des années de négocier des conditions avantageuses, aussi bien en termes de salaire qu’en temps de travail. C’est cela même que la direction remet en cause aujourd’hui. On leur reproche de rester campés sur leurs positions et sourds à toute négociation. Pour mieux comprendre, revenons, en quelques dates, sur les points de crispations qui ont mené au blocage d’aujourd’hui.

Il y a un an, en septembre 2014, Air France lance Transavia, sa compagnie à bas coût, dans le cadre d’un plan baptisé « Perform 2020 ». Ce sera un échec. Les pilotes refusent les conditions de travail moins avantageuses que celles d’Air France et mènent une grève de quinze jours, la plus longue qu’a connue l’entreprise, et qui lui coûtera 500 millions d’euros. En décembre, un accord est enfin trouvé entre direction et syndicats. Seuls les pilotes volontaires voleront sur Transavia, dont la flotte doit passer de 14 à 40 avions.

En janvier 2015, Air France annonce un plan de départs volontaire de 800 postes. En avril, le groupe annonce devoir réduire ses coûts de 1 milliard 130 millions d’euros d’ici 2017. En juin, la direction prévient qu’en cas d’échec, elle fermera des lignes long-courriers et menace d’attaquer en justice le puissant syndicat des pilotes, le SNPL, pour entrave au précédent plan de restructuration. Fin septembre, encore un échec des négociations avec le personnel navigant sur de nouvelles mesures de productivité. Début octobre, la direction met à exécution le plan B qui prévoit la suppression de 2 900 postes et le retrait de 14 avions long-courriers. Enfin, le 5 octobre, c’est le désastre, avec ces scènes de violence lors de la tenue du Comité central d’entreprise (CCE). Les autres salariés du groupe accusent les pilotes d’avoir, de par leur corporatisme, bloqué la situation. Et ils leur renvoient la responsabilité de ce nouveau dégraissage.

Quel rôle a joué l’Etat dans la gestion de la crise ? Après avoir privatisé la compagnie en 2003, il est resté actionnaire à hauteur de 16%. Les syndicats lui reprochent d’avoir préféré la carte des demi-mesures, plus indolores, à celle d`une véritable restructuration. Par exemple, les salariés souhaiteraient que l’Etat mette en place des allègements de charges et qu’il encadre certaines taxes. Notamment celles d’ADP, Aéroport de Paris, qui gère les aéroports et impose aux compagnies des taxes beaucoup plus lourdes que celles d’autres grands aéroports européens. Aujourd`hui, la valeur boursière d`Air France n`est plus que de 2 milliards d`euros, alors que Ryanair en vaut 18 et que Delta Airlines avoisine les 32 milliards !

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