Un criminel de guerre croate avale du poison à l'annonce de sa sentence

  30 Novembre 2017    Lu: 888
Un criminel de guerre croate avale du poison à l'annonce de sa sentence
Condamné par le Tribunal pénal international, ce mercredi, en appel, à 20 ans de prison, l'ex-chef militaire des Croates de Bosnie, Slobodan Praljak, a bu le contenu d'une fiole dissimulée dans sa poche. Il est décédé peu après à l'hôpital.
«Praljak n'est pas un criminel. Je rejette votre verdict.» À l'annonce de sa sentence, l'ex-chef militaire des Croates de Bosnie, Slobodan Praljak, 72 ans, a sorti une fiole de sa poche et pris du «poison». Le Tribunal pénal international (TPIY) à la Haye venait tout juste de confirmer mercredi la condamnation à 20 ans de prison de cet ancien officier supérieur dans l'armée croate. Immédiatement, le juge président Carmel Agius a ordonné la suspension de l'audience et les rideaux entourant la salle du tribunal ont été tirés. «Mon client a pris du poison ce matin», a par la suite expliqué l'avocate de la défense, Natasa Faveau-Ivanovic. Pris en charge par une ambulance, Slobodan Praljak est décédé dans un hôpital de la ville, d'après l'agence Hina. La police néerlandaise a ouvert une enquête et considère la salle d'audience comme une «scène de crime».

Ingénieur devenu directeur de théâtre, Slobodan Praljak n'était pas un militaire à l'origine, mais la guerre venue, il a vite gravi les échelons des forces croates. Haut responsable des forces armées de la république croate de Herceg-Bosna, qui a combattu les Bosniaques en 1993-94, il a été cité comme l'un des responsables de la destruction du pont ottoman de Mostar. Mais pour de nombreux Croates, il reste un héros. La semaine dernière, la présidente Kolinda Grabar-Kitarovic avait rédigé un message d'hommage, lu lors d'une promotion d'un ouvrage en son honneur, «Général Praljak». «La contribution du général Slobodan Praljak a été d'une immense importance à la fois pour la défense de la Croatie et de la Bosnie contre l'agression “grand serbe” et pour la survie du peuple croate sur son territoire historique durant la guerre patriotique», avait déclaré la président. Elle a interrompu «en urgence» un voyage en Islande. À ses yeux, il incarnait la «vérité qu'il a sans relâche défendue après la guerre».

Deux accusés avaient déjà mis fin à leurs jours

Cet incident inédit s'est produit alors que le tribunal de La Haye jugeait six ex-dirigeants et chefs militaires des Croates de Bosnie, accusés notamment de crimes de guerre pendant le conflit croato-musulman qui a éclaté durant la guerre en Bosnie. Au premier rang des accusés: Jadranko Prlic. L'ex-premier ministre de la «République croate d'Herceg-Bosna» avait été condamné en 2013 à 25 ans de prison. Une peine de 40 ans de détention a été requise en appel contre lui et trois de ses coaccusés: Bruno Stojic, son ancien ministre de la Défense, Milivoj Petkovic, ancien responsable des forces armées de la Herceg-Bosna, et Slobodan Praljak, responsable de la destruction de l'emblématique «Stari Most» de Mostar, pont ottoman du XVIe siècle. En premier instance, ils avaient tous été reconnus coupables d'une «entreprise criminelle commune» pour imposer une domination croate. L'énoncé du jugement contre les six accusés a repris dans une autre salle.

Si la guerre de Bosnie a essentiellement opposé les musulmans aux Serbes, Croates et musulmans se sont également combattus. «Des dizaines de milliers de musulmans ont été expulsés de leur maison... des milliers ont été arrêtés et détenus dans d'horribles conditions», avait expliqué la représentante du procureur, Barbara Goy, lors des réquisitions en appel. «Des musulmans ont été tués lors d'attaques ou lorsqu'ils étaient forcés de travailler au front. Ils ont été violés», leurs «maisons et mosquées détruites», avait-elle poursuivi. «Je ne faisais pas partie de la chaîne de commandement» des forces croates de Bosnie, le HVO, s'est défaussé Jadranko Prlic devant les cinq juges du TPIY lors du procès en appel, assurant que les Croates avaient été «forcés» de se défendre.

Deux accusés attendant leur jugement devant le TPIY avaient déjà mis fin à leurs jours avant d'avoir été jugés. En 1998, l'ancien maire de Vukovar, Slavko Dokmanovic, accusé de crimes contre des civils, s'est pendu dans sa cellule en juin 1995. Huit ans plus tard, Milan Babic, ancien président de la République autoproclamée des Serbes de la Krajina, en Croatie, était retrouvé sans vie dans sa cellule. Le président serbe, Slobodan Milosevic, est également décédé la même année d'un cancer sans avoir été jugé. Sur 161 cas instruits, le TPIY aura procédé à 83 condamnations. Dernier jugement en date: le «Boucher des Balkans» Ratko Mladic, ancien chef militaire des Serbes de Bosnie, écopait la semaine dernière de la perpétuité pour génocide, crimes contre l'humanité et crimes de guerre. Après l'ultime coup de théâtre de mercredi, le tribunal mis sur pied en 1993 baissera dans un mois le rideau. Le Mécanisme pour les tribunaux pénaux internationaux (MTPI), compétent pour reprendre toute affaire du TPIY, prendra le relais. (Le Figaro)

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