Les djihadistes américains agissent seuls

  05 Novembre 2017    Lu: 642
Les djihadistes américains agissent seuls
Faute de pouvoir bâtir un réseau, les djihadistes américains agissent bien souvent dans leur coin.
L'Ouzbek radicalisé Sayfullo Saipov, qui a tué huit personnes mardi à New York, a semble-t-il fomenté son attentat tout seul dans son coin, comme la plupart des djihadistes passés à l'action aux Etats-Unis.

En Europe, en revanche, beaucoup bénéficient du soutien de leur communauté, disposent d'un réseau clandestin voire même sont guidés par un mentor religieux extrémiste. Pourquoi cette différence?

Selon des experts, elle s'explique en partie par le fait que la communauté musulmane, mieux assimilée dans la société américaine et plus aisée, ne tolère personne affichant une sympathie pour des groupes djihadistes comme l'Etat islamique (EI) ou Al-Qaïda. Autre facteur, avancent-ils: une législation américaine plus stricte et plus vaste. Tout cela mis bout à bout, les aspirants djihadistes aux Etats-Unis se retrouvent isolés avec pour uniques contacts les réseaux sociaux et, parfois, quelques amis.

La distance joue beaucoup

Les enquêteurs pensent toujours à ce stade que Sayfullo Saipov, qui a volontairement renversé piétons et cyclistes à Manhattan avec une camionnette de location, s'est «auto-radicalisé» sur internet, sans bénéficier d'aucun soutien sur le sol américain.

«Nous avons tendance à ne pas avoir des groupes importants (d'extrémistes) aux Etats-Unis (...) En majorité, on ne parle que d'une ou deux personnes», relève Seamus Hughes, directeur adjoint du programme sur l'extrémisme à l'université George Washington. La raison principale, pour lui, est la distance: le pays est beaucoup plus éloigné des réseaux djihadistes et il est plus difficile de voyager au Moyen-Orient à cause des listes officielles d'interdiction de vol. Alors qu'il est beaucoup plus facile de voyager depuis l'Europe vers les régions où opèrent des groupes comme l'EI. Par conséquent, «nous n'avons pas ce type de recrutement de visu qui existe en Europe».

La large interprétation par les autorités américaines de l'accusation de «soutien matériel au terrorisme» permet également au FBI «de s'interposer beaucoup plus tôt que nos partenaires européens», souligne M. Hughes.

La police va-t-elle trop loin?

Mais, pour certains, la police fédérale va parfois trop loin dans cette interprétation en organisant des missions sous couverture pour piéger des personnes qui ne représentent pas vraiment une menace. L'objectif est de les empêcher d'établir des connexions et de dissuader quiconque envisagerait de tisser des réseaux.

D'après Daveed Gartenstein-Ross, membre du groupe de réflexion Fondation pour la défense des démocraties, des peines de prison plus lourdes aux Etats-Unis dans les affaires de terrorisme jouent également un rôle. Quand aux Etats-Unis, elles sont de quinze à vingt ans, elles ne sont que de quatre à sept ans en Europe. Cela favorise, souligne M. Gartenstein-Ross, la pérennisation de dangereuses cellules islamistes. Mais cela ne veut pas dire que les Etats-Unis n'ont pas leurs propres cellules ou chefs de bande, tempère-t-il.

L'imam Anwar al-Awlaki, ex-recruteur très influent d'Al-Qaïda, est né et a été élevé aux Etats-Unis avant de rejoindre le réseau d'Oussama ben Laden au Yémen. Il y a été tué en 2011 par une frappe de drone.

La cellule somalienne

A partir de la fin des années 2000, une cellule composée d'une vingtaine de personnes s'est développée autour de la communauté somalienne de Minneapolis, dans le Minnesota (nord), qui est finalement devenue un organe efficace de recrutement pour l'EI. «C'est clairement un réseau» comme ceux d'Europe, relève M. Gartenstein-Ross. Et «ils n'ont pas été éliminés, ils existent toujours».

Ce groupe somalien est assez similaire à ceux constitués en Europe, plongeant ses racines dans une communauté d'immigrants plus récents, moins fortunés et peu éduqués. La communauté musulmane américaine, dans sa grande majorité, est plus riche et plus éduquée que les communautés musulmanes du Vieux Continent et se trouve donc moins en décalage par rapport au reste de la société, selon Corey Saylor, expert en islamophobie au Conseil des relations américano-islamiques (Cair). «Si quelqu'un dans la congrégation évoque (des idées extrémistes), il va se faire exclure très rapidement», relève-t-il.

Et, même si personne n'en parle ouvertement, les communautés musulmanes américaines sont plus susceptibles de signaler une menace aux forces de l'ordre qu'en Europe. Mais tout ceci pourrait bien s'être dissipé avec la rhétorique anti-musulmans du président Donald Trump. «Le manque de confiance a entravé la coopération, la suspicion a enflé», affirme M. Gartenstein-Ross.

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