Ils avaient été recrutés par des trafiquants travaillant pour le compte des talibans, selon les autorités afghanes, avec la promesse d'une éducation gratuite dans une école coranique.
En réalité, ils auraient été endoctrinés par des mollahs fondamentalistes au Pakistan, puis formés pour mener des attentats en Afghanistan, selon Kaboul.
"Nos parents ont toujours voulu que nous fassions des études islamiques, mais nous ignorions qu'on nous tromperait et qu'on nous laverait le cerveau pour faire de nous des kamikazes", explique à l'AFP Shafiullah, 9 ans, après son sauvetage par la police.
- "Tarir le recrutement" -
Le recours aux enfants dans le cadre du conflit afghan est bien établi, y compris du côté des forces de l'ordre, parmi lesquelles la pratique pédophile du "bacha bazi" (esclavage sexuel de jeunes garçons) serait courante.
Le président américain Donald Trump s'est engagé le mois dernier, dans un discours sur l'Afghanistan, à "tarir le recrutement" des "terroristes".
Or le cas des mineurs de Ghazni illustre une technique dénoncée de longue date par les autorités afghanes et les ONG, notamment Human Right Watch (HRW), auteur en 2016 d'un rapport sur le sujet. Les insurgés démentent de telles pratiques.
Le principal facteur alimentant ce phénomène est la pauvreté, selon les experts. Les parents, incapables de pourvoir aux besoins des petits, peuvent être amenés à les confier sans le savoir à des extrémistes.
L'AFP a pu rencontrer plusieurs des enfants, placés dans un orphelinat de Ghazni en attendant de retrouver leurs familles.
"Ces gens voulaient nous emmener dans une madrasa à Quetta (au Pakistan, NDLR) pour suivre des études religieuses dans une école coranique, ils en ont parlé à mon père et il a donné son accord" a rapporté Nabihullah, 9 ans.
"Deux talibans sont venus dire qu'ils voulaient nous emmener dans une madrasa à Quetta, je n'en sais pas plus, mais ils ont été arrêtés" ajoutait un autre, âgé de 8 ans.
Selon le chef de la police provinciale Mohammad Mustafa Mayar, interrogé par l'AFP, les gamins étaient âgés de 4 à 14 ans. "Leurs ravisseurs leur avaient donné des drogues qui les faisaient dormir et les rendaient confus. Ils ont perdu le sens du temps".
- Comme une prison -
Les familles réfutent toutefois la thèse de l'enlèvement, comme ce grand-père de Paktika, Haji Nek Mohammad, 70 ans. Selon lui, ses trois petits-enfants, âgés de 8 à 13 ans, "se rendaient au Pakistan où ils étudient quand ils ont été arrêtés sur l'autoroute" à la frontière.
"On envoie des enfants faire des études dans les madrasa pakistanaises, mais je ne pense pas qu'ils soient entraînés pour devenir des kamikazes", se défend un chef tribal dans le même district.
Mais les autorités afghanes disent intercepter fréquemment des enfants-soldats.
L'un d'eux, âgé de 11 ans, a été arrêté à Kunduz en juin dernier alors qu'il s'apprêtait à attaquer des policiers, convaincu que les forces de l'ordre étaient soit "des infidèles, soit aux ordres des infidèles".
"Selon des proches des garçons recrutés, à l'âge de 13 ans, les enfants éduqués par les talibans ont acquis des compétences militaires dont l'usage d'armes à feu, et la production et la pose d'engins explosifs", note de son côté le rapport de HRW.
Ahmad Shaheer, auteur d'une thèse sur les madrasa pakistanaises à l'Université Al-Azhar du Caire, confirme que ces écoles ont coutume de recruter dans les familles pauvres d'Afghanistan. Et que parfois s'enclenche un processus de radicalisation des petits, coupés de leurs familles.
Dix à vingt mille enfants afghans seraient ainsi passés par les écoles pakistanaises, avance-t-il.
Or, la pauvreté absolue augmente en Afghanistan, notent la Banque mondiale et le gouvernement dans un rapport publié en mai, selon lequel 39% des Afghans sont incapables de faire face à leurs besoins de base.
"La vie est très dure pour eux là-bas: on ne leur donne rien à manger, ils doivent mendier aux portes. Quand vous avez 4 ou 5 ans, loin de vos parents et sans possibilité de rentrer à la maison, la madrasa c'est une prison", explique M. Shaheer. "Peu à peu ils commencent à détester leur famille qui n'a pas su les aider. Le lavage de cerveau commence ici".
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