Venezuela: Vote pour la Constituante sous tension

  30 Juillet 2017    Lu: 858
Venezuela: Vote pour la Constituante sous tension
Malgré l'opposition des anti-Maduro, l'élection pour la Constituante se tient dimanche, dans un climat plus que tendu.
Le président du Venezuela, Nicolas Maduro, a réussi: ses partisans élisent dimanche une Assemblée constituante sans opposition, en dépit des violentes manifestations, qui se soldent par plus d'une centaine de morts, et une forte réprobation internationale.

Dans un climat tendu, les bureaux de vote doivent ouvrir à 06H00 (10H00 GMT) pour désigner les 545 membres de cette assemblée, un super-pouvoir qui va diriger le pays pour un temps indéterminé.

«Nous sommes à la veille d'une grande victoire électorale. Ils n'ont pu empêcher la Constituante. C'est déjà une réalité politique», a lancé Nicolas Maduro samedi lors d'un meeting.

Pays paralysé

Contre vents et marées, le président a mené son projet à bon port: un atout qu'il a sorti de sa manche au milieu des manifestations qui, depuis quatre mois, réclament son départ du pouvoir.

Morts par balles, lynchages, vandalisme, immeubles et camions incendiés, villes quasi paralysées par des nuages de gaz lacrymogènes, jets de pierres et cocktails Molotov ont aggravé la crise dans ce pays polarisé et au bord de l'effondrement économique.

Après avoir échoué à arrêter ce projet par ses manifestations, grèves, barrages, l'opposition a appelé à un rassemblement massif dimanche à Caracas et à dresser des barricades dans tout le pays, bien que le gouvernement ait menacé d'emprisonner ceux qui feraient obstacle au scrutin.

Le problème d'une révolutio

«Il en restera que cette fraude constitutionnelle et électorale est la plus grave erreur historique qu'ait pu commettre Maduro», a affirmé le député Freddy Guevara, au nom de la coalition Table de l'unité démocratique (MUD).

La MUD rejette la Constituante, arguant qu'elle n'a pas été convoquée par un référendum préalable et que le mode de scrutin a été organisé de manière à ce que le gouvernement la contrôle et rédige une Constitution instaurant une dictature communiste.

«Elle n'a pas été convoquée pour résoudre les problèmes du pays, mais celui d'une révolution qui ne peut gagner des élections», selon Luis Vicente Leon, président de Datanalisis.

Menaces

Nicolas Maduro et sa Constituante ont le soutien des pouvoirs judiciaire, électoral et militaire. Mais plus de 80% des Vénézuéliens désapprouvent sa gestion du pays et 72% son projet, selon cet institut de sondages.

Le président juge néanmoins la Constituante nécessaire pour freiner la violence et sauver l'économie d'un pays qui, en dépit de sa richesse pétrolière, est confronté à une grave pénurie d'aliments et de médicaments.

Bien qu'il dise vouloir la paix, des personnalités qui siègeront dans cette assemblée, comme le puissant Diosdado Cabello, ont menacé de s'en servir pour envoyer des gens en prison ou dissoudre le Parlement, dominé par l'opposition, et démanteler le Parquet.

Chaviste de longue date, la Procureure générale, Luisa Ortega, a dénoncé une rupture de l'ordre constitutionnel et appelé à rejeter la Constituante, provoquant une débandade au sein du mouvement.

Isolement international

Avec ce projet, Nicolas Maduro s'est mis à dos les Etats-Unis, importateurs de 800'000 des 1,9 million de barils de brut que produit le Venezuela, ainsi que plusieurs pays d'Amérique latine et d'Europe.

L'ex-chef du gouvernement espagnol, José Luis Zapatero, a insisté samedi dans un communiqué, sur la nécessité d'une nouvelle table de dialogue, après celle qui a échoué en décembre, estimant que «le premier responsable est le gouvernement (...) bien que sans la volonté et la détermination de l'opposition, rien n'est possible».

Washington a imposé des sanctions à 13 fonctionnaires et militaires proches du chef de l'Etat, dont la présidente du pouvoir électoral, Tibisay Lucena, accusés d'attenter à la démocratie, de violations des droits humains ou de corruption.

La Colombie et le Panama ont annoncé qu'ils ne reconnaîtraient pas la Constituante, les Etats-Unis ont menacé d'autres sanctions. «La dictature s'auto-isole», a affirmé le député Guevara.

Caracas suspecte Washington

Le président socialiste accuse l'opposition de fomenter un coup d'Etat avec l'appui de Washington et de «gouvernements laquais».

L'élection suscite des craintes d'une aggravation du chaos. Nombre de Vénézuéliens ont stocké de la nourriture, voire quitter le pays. Les Etats-Unis, le Canada et le Mexique ont appelé leurs ressortissants à ne pas se rendre au Venezuela et plusieurs compagnies aériennes ont suspendu leurs vols.

Le Conseil national électoral (CNE) a cependant indiqué que tout est prêt et que les militaires garantissent le déroulement du scrutin. Arguant de «menaces de l'opposition», il a permis aux électeurs de voter dans n'importe quel bureau de leur commune. Samedi, la responsable du pouvoir électoral a indiqué que la quasi-totalité des bureaux de vote ont été installés. Elle a cependant indiqué que des machines de vote ont été «attaquées et brûlées» dans certaines villes.

Selon l'analyste Benigno Alarcon, le gouvernement cherche à éviter une forte abstention, après les 7,6 millions de votes que la MUD assure avoir réunis lors d'un référendum symbolique organisé il y a deux semaines contre le projet.

Mais grâce au mode de scrutin, combinant vote territorial et par secteurs sociaux, 62% des 19,8 millions d'électeurs pourront se prononcer deux fois. Ce qui va compliquer le calcul des résultats, selon l'expert électoral Eugenio Martinez.

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