Venezuela: l`opposition devra batailler pour être un contre-pouvoir face au chavisme

  08 Décembre 2015    Lu: 511
Venezuela: l`opposition devra batailler pour être un contre-pouvoir face au chavisme
L`opposition vénézuélienne, qui a obtenu une historique majorité qualifiée au Parlement, a promis d`affronter la crise économique frappant le Venezuela, mais elle devra batailler pour s`affirmer en tant que contre-pouvoir face au chavisme.

Après avoir remporté non seulement la majorité absolue lors des élections législatives de dimanche, pour la première fois en 16 ans, mais aussi la majorité qualifiée des trois cinquièmes, la coalition Table de l`unité démocratique (MUD) «doit se réinventer» pour «faire face à la crise», a déclaré son porte-parole, Jesus Torrealba.

«Nous avons une immense responsabilité», a-t-il souligné, saluant le «tsunami électoral» de dimanche.

Pays dont les réserves pétrolières sont les plus grandes du monde, le Venezuela a vu son économie s`effondrer ces derniers mois au même rythme que les cours du brut. Pénuries au quotidien et inflation galopante (200% selon les experts) suscitent un mécontentement populaire qui a profité à l`opposition.

Le Conseil national électoral a annoncé lundi que la MUD avait obtenu 110 des 167 sièges du Parlement monocaméral, soit la majorité des trois cinquièmes, contre 55 sièges pour le Parti socialiste unifié du Venezuela (PSUV), qui en détenait 100 jusqu`alors. Deux sièges restent à pourvoir.

Dans l`attente des résultats complets, l`opposition assurait lundi compter 112 députés dans la nouvelle Assemblée qui sera installée le 5 janvier, soit la majorité des deux tiers, avec à la clé d`importantes prérogatives, notamment celle de mettre en place une Assemblée constituante et celle de destituer les magistrats du Tribunal suprême de justice.
Le fait de détenir la majorité des trois cinquièmes permet déjà à l`opposition de voter une motion de censure contre des ministres ou le vice-président pouvant entraîner leur destitution.

`Resserrer les rangs`

Cette victoire inédite a été saluée au plan international, le chef de la diplomatie de l`Union européenne Federica Mogherini la qualifiant de «vote pour le changement» et le secrétaire d`Etat américain John Kerry soulignant «l`irrésistible désir de changement exprimé par l`électorat vénézuélien».

Satisfait, le président-élu argentin Mauricio Macri (libéral) est revenu sur sa décision de demander l`exclusion provisoire du Venezuela du Mercosur, le marché commun sud-américain.

Dès l`annonce des résultats, le président Nicolas Maduro (élu en 2013 après la mort de son prédécesseur Hugo Chavez) est apparu à la télévision, veste de survêtement rouge et visage sombre, pour reconnaître sa défaite, «une gifle» selon lui.

Lundi, M. Maduro a appelé son camp à «resserrer les rangs» en réponse à ce qu`il a qualifié de situation politique «complexe». Il a convoqué un congrès du PSUV, espérant qu`y soient faites «critiques et autocritiques constructives».

«J`ai appelé à une discussion approfondie pour chercher des solutions aux affaires du pays. Une discussion pour plus de révolution (...) pour reconstruire une nouvelle majorité révolutionnaire», a-t-il déclaré depuis le palais présidentiel de Miraflores à Caracas.

Réformes économiques et amnisties

Pour la MUD, coalition qui devra surmonter les divisions entre la trentaine de partis la constituant, de la gauche à la droite dure, la bataille ne fait que commencer.

«Le pays a supporté 17 ans de chavisme, personne ne va le supporter six mois de plus» si l`on ne trouve pas de solutions à la crise, a déclaré M. Torrealba. La MUD a promis deux choses pour le premier semestre 2016: faire des réformes économiques et amnistier les 75 prisonniers politiques qu`elle a recensés.

Pour l`analyste Colette Capriles, «il va y avoir une tension entre la demande d`un changement politique et la demande de la vie quotidienne, de sortir de la crise économique et sociale».

Mais l`opposition aura, en cas de majorité encore plus large, «la possibilité de procéder à d`importants changements en matière politique et économique», assure Luis Vicente Leon, président de l`institut de sondages Datanalisis.

Edward Glossop, analyste de Capital Economics, est moins optimiste: «Même dans le scénario le plus favorable (de la majorité des deux tiers, ndlr), il est improbable que cela conduise à un grand virage vers une politique économique plus orthodoxe», dit-il, prévoyant, dans ce régime présidentiel où Nicolas Maduro a souvent le dernier mot, «une lutte désordonnée de pouvoir entre l`Assemblée et le président».

«Le risque de générer plus d`ingouvernabilité est très élevé, tant pour le gouvernement que pour l`opposition», estime la politologue Elsa Cardozo, de l`université Simon Bolivar.

Tags:


Fil d'info