McDonald’s dans le collimateur de Bruxelles

  03 Décembre 2015    Lu: 737
McDonald’s dans le collimateur de Bruxelles
Après Apple, Amazon, Starbucks et Google, c’est un autre géant du « business » américain, McDonald’s, qui se retrouve à son tour dans le collimateur de la Commission européenne.
Selon plusieurs sources bruxelloises, la commissaire à la concurrence, Margrethe Vestager, doit annoncer, jeudi 3 décembre, le lancement d’une enquête « approfondie » sur les accords fiscaux signés entre le roi du Big Mac et le Grand-Duché de Luxembourg.

Bruxelles soupçonne une aide d’Etat illégale, la base d’imposition négociée par McDonald’s avec l’administration fiscale du Luxembourg étant, dans le cadre de ces accords connus sous le nom de ruling (en français, rescrit fiscal), généreuse au point qu’elle pourrait introduire une distorsion de concurrence avec d’autres sociétés installées dans le Grand-Duché.

Planification fiscale agressive

A en croire une coalition de syndicats européens et américains, rejointe par l’association anti-pauvreté britannique War on Want, qui s’est mobilisée en début d’année, McDonald’s aurait mis au point une stratégie de planification fiscale agressive, qui lui aurait permis de diminuer son exposition fiscale en Europe d’un montant total de plus d’un milliard d’euros, sur une période de cinq ans.

« Cette stratégie a consisté essentiellement en un déplacement du siège européen du Royaume-Uni vers la Suisse ainsi que l’utilisation de “royalties” intra-groupe [redevances], rassemblés dans une filiale basée au Luxembourg », avait expliqué la coalition, dans un communiqué de presse paru le 25 février. Celle-ci ajoutait : « Entre 2009 et 2013, la structure luxembourgeoise, qui emploie 13 personnes, a enregistré un chiffre d’affaires cumulé de 3,7 milliards d’euros, sur lequel elle s’est contentée de payer 16 millions d’euros d’impôts. »

Le lancement d’une enquête approfondie, s’il ne préjuge pas du résultat (la Commission pouvant très bien conclure qu’il n’y a pas eu d’aide d’Etat illégale), prouve en tout cas, s’il en était encore besoin, le zèle avec lequel Mme Vestager s’est attaquée aux rulings possiblement illégaux.

300 autres dossiers en cours d’examen

Fin octobre, à l’issue d’une enquête de plus d’un an, ses services ont ainsi déclaré que les rescrits fiscaux obtenus par Starbucks aux Pays-Bas et Fiat au Luxembourg – déjà –, étaient contraires au droit communautaire. Les deux sociétés se sont vu signifier qu’elles devraient rembourser les Etats concernés, à hauteur de quelques dizaines de millions d’euros chacune.

Mme Vestager pourrait également sanctionner les rulings d’Apple en Irlande et d’Amazon au Luxembourg dans les semaines qui viennent. D’après nos informations, les Américains redoutent particulièrement le cas Apple : si elle est sanctionnée, l’emblématique firme de Cupertino, en Californie, fera, à n’en pas douter, la « une » de la presse mondiale… Près de 300 autres dossiers de rulings sont en cours d’examen par la direction générale de la concurrence, la puissante administration de la concurrence, au service de la commissaire.

Cet activisme de l’institution communautaire est en grande partie lié au scandale Luxleaks, qui a révélé, en novembre 2014, un système d’évasion fiscale organisé par le Luxembourg au profit d’un grand nombre de multinationales. Ce scandale mettant en cause indirectement son président, Jean-Claude Juncker, premier ministre du Grand-Duché pendant dix-huit ans, la Commission a choisi de faire de la lutte contre l’évasion et la fraude fiscale, des réalités jusqu’à présent négligées, une de ses priorités.

Taux d’imposition très faibles

Interrogé mercredi, le ministère des finances du Luxembourg s’est refusé, par l’entremise de son porte-parole, à commenter les rumeurs. Il a toutefois tenu à rappeler que, sur le plan du droit pur, le terme de ruling ne renvoie pas à « de quelconques arrangements secrets » entre l’administration fiscale et une société, mais à une interprétation fournie « de manière unilatérale » par la première à la seconde, sur la façon dont elle sera imposée.

En clair, le Luxembourg réitère le propos qu’il a toujours tenu, jusqu’ici, depuis sa mise en cause dans le cadre du Luxleaks : ses rulings, soutient-il, ont été établis dans le respect des règles et lois nationales et internationales. Des règles fiscales mondiales qui, admet-il, peuvent aboutir à des taux d’imposition très faibles sur les bénéfices pour certaines grandes entreprises opérant dans plusieurs pays.

« Nous avons récemment dit que ces règles sous-jacentes aux rulings ne nous convenaient plus et que nous soutenions à cet effet le plan dit Beps de l’Organisation de coopération et de développement économiques, qui vise à lutter contre l’optimisation fiscale agressive des multinationales. Nous le réaffirmons aujourd’hui, nous sommes partie prenante de ce plan », confirme au Monde le Grand-Duché.

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