De Kim Jong-nam à Litvinenko, la longue tradition des empoisonnements politiques

  26 Février 2017    Lu: 4481
De Kim Jong-nam à Litvinenko, la longue tradition des empoisonnements politiques
Avant le demi-frère du dirigeant nord-coréen, des substances toxiques ont été plusieurs fois utilisées pour éliminer opposants ou "gêneurs". Passage en revue.
Kim Jong-nam n`est jamais arrivé à l`hôpital, le 13 février, après avoir été aspergé de VX, un agent neurotoxique, à l`aéroport de Kuala Lumpur. Le demi-frère du dirigeant nord-coréen Kim Jong-un n`a survécu que quelques heures à ce poison classé comme arme de destruction.

Plutôt rare en Asie, l`empoisonnement est d`un usage plus répandu -mais non exclusif- pour se débarrasser des "gêneurs" en Europe de l`Est et en Russie.

Le dernier en date, Vladimir Kara-Murza



Le dernier à en avoir fait les frais est le journaliste Vladimir Kara-Murza. Ce proche de l`opposant Boris Nemtsov -lui-même assassiné en 2015-, a été intoxiqué par une substance inconnue, le 2 février dernier. Admis aux urgences après une défaillance de plusieurs organes vitaux, il a survécu et a été envoyé à l`étranger en début de semaine pour la poursuite des soins, selon son avocat.

L`opposant avait déjà souffert d`une défaillance rénale aiguë il y a deux ans. Les médecins avaient alors trouvé dans son sang les traces d`une intoxication aux métaux lourds.

Alexandre Litvinenko

Ancien agent des services secrets russes, le FSB, Alexandre Litvinenko, lui, n`a pas réchappé à ses assassins. Du polonium radioactif a été versé dans son thé, à Londres, en 2006, lors d`une rencontre avec deux ex-agents russes, Andreï Lougovoï, aujourd`hui député d`un parti nationaliste, et l`homme d`affaires Dmitri Kovtoun.



Réfugié en Angleterre depuis plusieurs années, Litvinenko était proche du principal opposant tchétchène, Akhmed Zakaïev lui aussi en exil. Dans un livre, l`ex-agent avait accusé le FSB d`être responsable de la vague d`attentats de 1999 responsable de la mort de près de 300 Moscovites, attribuées aux indépendantistes tchétchènes. Ces attaques, survenues un mois après la nomination par Boris Eltsine de Vladimir Poutine à la tête du gouvernement, ont été l`origine de la seconde guerre de Tchétchénie, guerre qui a permis la consolidation du pouvoir de l`actuel président russe.

Victimes collatérales de la crise tchétchène

La crise tchétchène a envenimé à plus d`un titre le sort de ceux qui ont voulu y regarder de trop près: hospitalisé pour une réaction allergique, en juillet 2003 le député d`opposition Iouri Chtchekotchikhine a succombé dix jours après avoir été admis dans le coma. Il n`avait plus que la peau sur les os et ses organes ont lâché les uns après les autres. L`enquête officielle, quelques années plus tard a écarté l`hypothèse d`un empoisonnement, sans convaincre ses collègues de Novaya Gazeta. Le journaliste-député soupçonnait, lui aussi, le FSB d`être derrière les attentats de 1999.



Sa collègue Anna Politkovskaïa, critique infatigable des exactions commises en Tchétchénie, a présenté les mêmes symptômes, en 2004, après avoir avalé un thé dans un avion de la compagnie nationale. La nature de la substance ingérée reste inconnue, les examens sanguins ayant été "égarés". La reportrice s`en sort. Mais deux ans plus tard, elle est retrouvée morte au pied de son immeuble, tuée par balle.

L`Ukrainien Iouchtchenko

De l`autre côté de la frontière, en Ukraine, Victor Iouchtchenko, est favorable à l`intégration européenne lorsqu`il se porte candidat pour la présidentielle d`octobre 2004. Un mois avant le scrutin, il tombe gravement malade après un dîner avec le chef des services secrets de son pays, alors sous orbite russe. Des examens menés en Autriche et en Allemagne établissent des concentrations de dioxine 1000 fois supérieures à la norme. Iouchtchenko survit à son empoisonnement, mais garde toujours les stigmates de son intoxication.



Parapluies bulgares

Le précieux savoir-faire rue en matière d`usage de toxines remonte au temps de l`URSS. La patrie des travailleurs a créé, dans les années 1920, un "Laboratoire des poisons", chargé d`expérimenter toutes sortes d`artifices destinés à faire disparaître les gêneurs sans -trop- laisser de traces. C`est là que fut fabriqué le "parapluie bulgare" qui servit à éliminer l`écrivain Georgi Markov, en 1978 à Londres, d`où il s`obstinait à décrier sur les ondes le régime communiste. Le dissident mourut quatre jours après avoir reçu une injection de ricine.

Le raté du Mossad

Hors de la sphère russo-soviétique, l`usage du poison est moins fréquent. Deux affaires mémorables pourtant: celle du militant indonésien des droits de l`homme Munir Said Thalib, intoxiqué à l`arsenic à bord d`un avion à destination des Pays-Bas, en 2004.

La tentative d`assassinat par le Mossad du leader du Hamas, en 1997, elle, tourne au fiasco, faute de préparation. Elle aurait pourtant pu être parfaite. Fabriqué à l`Institut de recherche biologique de Ness Ziona, près de Tel-Aviv, le poison devait créer simuler une mort naturelle, une crise cardiaque.



Mais les agents des services secrets israéliens qui ont aspergé Mechaal, se perdent dans Amman et se font prendre. L`affaire éclate au grand jour. Menaçant de rompre les relations diplomatiques avec son voisin, le roi Hussein de Jordanie exige l`envoi d`un antidote qui sauve Mechaal. Quant à l`hypothèse d`un empoisonnement du plus célèbre des Palestiniens, Yasser Arafat, un épais mystère l`entoure toujours, peut-être à jamais.

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