France: Prime électorale à l`islamophobie

  22 Février 2017    Lu: 963
France: Prime électorale à l`islamophobie
“Accuser son adversaire politique d’être complaisant face à toute forme d’appartenance musulmane (...), paie électoralement, et cela en dit long sur l’emprise de l’idéologie islamophobe sur le débat politique en France”
Si les dernières statistiques révèlent une baisse des actes islamophobes en France, ce fait n`annule guère l`ampleur de ce phénomène ni son exploitation par certains politiques à des fins électorales, note le directeur du Collectif Contre l’Islamophobie en France (CCIF), Marwan Muhammad, dans une interview à Anadolu.

Muhammad rapporte à ce propos qu`en 2016, 581 actes islamophobes ont été recensés par le CCIF contre 905 en 2015, soit une baisse de 35,9%.

Se félicitant de ce recul, il s`inquiète toutefois des raisons réelles de cette baisse, qui ne sont, selon lui, guère rassurantes.

Il souligne à ce propos que la baisse des actes déclarés reflète, en effet, une “réticence de certaines victimes à dénoncer ces actes parce qu’elles n`ont plus totalement confiance dans les pouvoirs publics ni pour les défendre ni pour rétablir leurs droits”.

“Plus les institutions valident certaines formes d’islamophobie, plus cette perte de confiance et ce scepticisme seront marqués", avertit encore le directeur du CCIF.

D’autre part, le dernier rapport du CCIF souligne l’émergence d’une islamophobie qu’il qualifie de "sécuritaire" légitimant "des pratiques qui, sous couvert d’anti-terrorisme visent de manière disproportionnée les familles musulmanes”.

En 2016, le CCIF a, ainsi, recensé 427 assignations à résidence, perquisitions, interdictions de sortie de territoire “abusives” car ciblant, selon lui, des “familles innocentes”. “Ces familles ont été visées non pas parce qu’elles ont fait un acte illégal, mais sur la base de critères totalement subjectifs liés à leurs pratiques religieuses”, explique le directeur du CCIF.

Marwan Muhammad juge ce dispositif anti-terroriste “pas efficace” et s’alarme de son impact “destructeur sur des milliers de familles innocentes”.

Revenant sur le rôle qui incombe au CCIF, Marwan Muhammad indique qu`il va au delà du simple soutien aux victimes pour toucher des domaines plus larges notamment en termes de sensibilisation de l’opinion publique.

Il rappelle à ce propos que la “solidarité exprimée vis-à-vis des victimes de l’islamophobie” s’est accrue grâce au “travail des universitaires, des journalistes et des associations et de l’effet dissuasif et pédagogique en matière de rappel de lois”.

Rappelant que les actes discriminatoires doivent absolument être sanctionnés, Marwan Muhammad insiste également sur l’importance de la prévention. Cette prévention consiste à organiser “des formations pour informer les gens sur leurs droits” et alerter “les pouvoirs publics sur les discriminations commises dans leurs services afin qu’elles cessent”, explique-t-il.

Sensibiliser “l’opinion publique sur la réalité de l’islamophobie en France afin que les musulmans ne soient plus considérés comme un problème politique et médiatique”, est l`une des priorités du CCIF, indique encore le directeur de ce collectif.

Il attire, par ailleurs, l`attention sur un autre fait alarmant à combattre, à savoir "l`exploitation de ce phénomène à des fins électorales".

Selon Marwan Muhammad, il existe “une prime électorale pour l’islamophobie visible dans plusieurs pays en Europe et dont la finalité n`est autre que de capter l’électorat de l’extrême-droite”.

“Accuser son adversaire politique d’être complaisant face à toute forme d’appartenance musulmane ou de ne pas partager le discours islamophobe, paie électoralement”, explique-t-il. Et “ça en dit long sur l’emprise que l’idéologie islamophobe a sur le débat politique en France”, déplore-t-il.

Il rappelle, dans ce cadre, que les primaires de la droite et du PS (gauche), pour les élections présidentielles en France, ont été marquées par de virulentes attaques à l’encontre des candidats Alain Juppé (droite) et Benoît Hamon (gauche), à qui on reprochait de "supposées connivences avec la communauté musulmane".

Au delà de son impact électoral et social, l`Islamophobie fait régresser les libertés fondamentales de toute la société, relève encore Muhammad.

“L’islamophobie a des répercussions sur toute la société, et pas seulement les Musulmans” alerte-t-il, citant, entre autres illustrations de cette répercussion de l’islamophobie, la loi de 2004 visant à bannir le foulard de l’école et qui “a interdit à toutes les communautés de porter des signes religieux à l’école publique”.

Le directeur du CCIF dénonce, enfin, "l’indignation sélective à l`égard des victimes musulmanes du terrorisme". En effet, selon Marwan Mohammed, si les attentats terroristes visant la Turquie ne suscitent pas autant d’indignation en Europe que ceux visant d’autres pays, c’est parce que les victimes sont “musulmanes dans un pays musulman”.

Fondé en 2000, le CCIF oeuvre à fournir un soutien aux victimes de l`Islamophobie pour faire valoir leurs droits.

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