Interview d’Elmar Mammadyarov au magazine « La lettre Diplomatique »

  24 Janvier 2017    Lu: 982
Interview d’Elmar Mammadyarov au magazine « La lettre Diplomatique »
Le magazine La lettre Diplomatique a diffusé l’interview de M. Elmar Mammadyarov, ministre azerbaïdjanais des Affaires étrangères.

AzVision.az présente l’interview dans son intégralité :

Créé en 2011 à l’initiative du président azerbaïdjanais Ilham Aliyev, le Baku International Humanitarian Forum joue un rôle de plus en plus influent dans la réflexion globale sur les grands enjeux de société. Migrations de masse, rôle du journalisme, multiculturalisme et médecine moderne figuraient parmi les thèmes de la 5e édition de cet espace de dialogue qui s’est déroulé les 29 et 30 septembre 2016. Revenant sur les objectifs du Baku International Humanitarian Forum, M. Elmar Mammadyarov, ministre des Affaires étrangères de la République d’Azerbaïdjan, nous livre également ses réflexions sur ses atouts pour s’affirmer comme un rendez-vous incontournable des relations internationales.

Monsieur le Ministre, vous avez accueilli les 29 et 30 septembre 2016 la 5e édition du Baku International Humanitarian Forum inauguré par le président Ilham Aliyev. Pourriez-vous nous rappeler les origines et les spécificités de ces rencontres ?

E. Mammadyarov : Le Baku International Humanitarian Forum a pour but d’ouvrir le débat et de promouvoir les échanges et discussions sur un large éventail de questions d’intérêt majeur pour l’humanité. Il a été initié en 2011 et représente aujourd’hui un événement majeur qui réunit des personnalités publiques connues, des lauréats du prix Nobel dans les différentes disciplines scientifiques et des responsables d’organisations internationales, y compris des représentants de l’élite politique, universitaire et culturelle du monde entier. En 2016, nous avons assisté à la 5e édition de ce forum. Lors de la cérémonie d’ouverture, le président Ilham Aliyev a prononcé un discours sur les missions, les objectifs et les engagements du forum, tout en évoquant les succès du pays tout au long de ces années et en saluant le travail du forum.

Quelque 400 personnalités étaient réunies dont les anciens présidents croates Ivo Josipovic et Stjepan Mesic, de nombreux prix Nobel, responsables d’organisations internationales, diplomates, parlementaires ou journalistes de plusieurs pays. Comment expliquez-vous l’intérêt croissant que suscite ce forum ?

Comme vous l’avez souligné vous-même, de nombreux chefs d’Etat actuels et anciens, des fondateurs de sociétés transnationales, ainsi que des représentants d’Etat et de gouvernement, d’éminents scientifiques, des personnalités publiques figurent parmi les participants du Baku International Humanitarian Forum. La raison de l’intérêt croissant à l’égard du forum réside dans la possibilité qu’il ouvre pour assister et participer aux débats sur les défis auxquels l’humanité se trouve aujourd’hui confrontée.

Les sujets abordés lors de ce forum sont définis conformément aux grandes orientations actuelles des évolutions sociétales et de l’humanisme, avec la participation d’organisations internationales. En 2016, les thèmes débattus par le Forum étaient : «Différents modèles de multiculturalisme : de la théorie à la pratique humaniste», «L’importance de préserver le capital humain comme base du développement durable dans les conditions des migrations de masse», «Transformation du journalisme à l’ère de l’information et son rôle pour assurer le dialogue intercivilisationnel», «Développement durable et civilisation écologique», «Technologies convergentes et prédictions pour l’avenir : les principaux défis du XXIe siècle».

Au cours de la dernière édition du forum, j’ai notamment participé à l’une des sessions plénières en tant que modérateur. Parmi les participants à cette session, les chefs religieux et politiques, y compris les chefs religieux des communautés islamique, chrétienne (catholique et orthodoxe), juive et bouddhiste étaient unanimes dans leur appel très fort à la paix et au dialogue en faveur du respect du multiculturalisme.

Dans le cadre du Forum humanitaire de Bakou, 13 lauréats du prix Nobel, ont été réunis au cours d’une session unique qui leur était spécifiquement dédiée, pour partager leurs opinions sur les questions qui concerne le monde entier.

En d’autres termes, si le Forum de Davos représente aujourd’hui une plateforme d’échanges importante en matière de questions économiques internationales, la Conférence de Munich sur la sécurité pour les questions de sécurité, le Forum humanitaire de Bakou a acquis, quant à lui, un rôle de premier plan dans les débats sur les problématiques sociétales de l’agenda international auxquels il essaie d’apporter des solutions.

Organisé autour de six thèmes que vous avez mentionnés, le Baku International Humanitarian Forum met en effet l’accent sur des enjeux de sociétés majeurs. Quels ont été, selon vous, les travaux les plus marquants au cours de cette édition ?

Comme je l’ai déjà évoqué, les sujets abordés lors du Forum ont été sélectionnés pour répondre aux problématiques de notre époque. Ils portent aussi sur des questions d’importance pour l’ensemble de l’humanité. C’est pourquoi il m’apparait difficile de faire une distinction entre les thèmes abordés et d’affirmer que certains seraient plus importants que d’autres.

L’édition 2016 du Forum a permis de débattre de chacun des sujets que j’ai mentionné dans le cadre de tables rondes et de présentations. A l’issue de ces travaux, la déclaration finale a mis en évidence de nombreuses problématiques sur la paix et le progrès, tout en faisant émerger des idées fortes et précieuses sur la promotion de la tolérance et de la compréhension internationale. Nous sommes convaincus que les activités du Baku International Humanitarian Forum nous permettrons de travailler ensemble afin d‘approfondir la concertation sur n’importe quel sujet lié à la coopération humaniste internationale.

Tenant compte des interventions des participants, quelle est votre perception des défis auxquels fait face l’humanité ?

Malheureusement, au cours de ces dernières années, les menaces et les défis dans le monde se sont accrus ; les différentes régions du monde se trouvent maintenant de plus en plus confrontées à des événements inquiétants et à de réels dangers : des affrontements sanglants, des guerres, des centaines de milliers d’innocents tués, sans compter les millions de personnes réfugiées et déplacées. De nombreux pays font face à une crise humanitaire. Dans le même temps, le radicalisme, l’extrémisme et les tendances séparatistes se sont intensifiées. A cause des guerres au Moyen-Orient, les gens ont commencé à se tourner en masse vers l’Europe, ce qui a entrainé dans ce continent le problème désormais bien connu des migrants, en renforçant le rejet de l’immigration.

Mon pays a lui aussi souffert et continue de souffrir du séparatisme ethnique, ainsi que de l’occupation militaire arménienne, de l’extrémisme violent et du terrorisme. Se trouvant ainsi confronté à l’agression de l’Arménie, à un nettoyage ethnique sanglant dans les territoires occupés ou encore au problème humanitaire que pose plus d’un million de réfugiés et de personnes déplacées, l’Azerbaïdjan est très engagé pour trouver une solution commune aux problèmes d’intérêt universel, en faisant usage de toutes les opportunités possibles.

Le multiculturalisme figurait parmi les six thèmes abordés. Comment décririez-vous l’apport de l’expérience azerbaïdjanaise dans ce domaine ?

L’Azerbaïdjan est un pays multi-religieux et multi-ethnique. Historiquement, tous ceux qui appartiennent aux différentes religions et communautés ethniques y ont vécu comme au sein d’une même famille. C’est notre politique, mais aussi un mode de vie.

En organisant ce genre d’événements internationaux dans notre pays, nous contribuons au développement du multiculturalisme et, dans le domaine sociétal, nous jouons un rôle actif dans le renforcement du dialogue interculturel et interconfessionnel. Dans le même temps, je tiens à souligner que l’année 2016 a été déclarée par le président de la République d’Azerbaïdjan comme année du multiculturalisme.

Dans ce cadre, un Centre international du multiculturalisme a été ouvert, suivi par l’inauguration d’un monument à Bakou. Les représentants des différentes nations et des organisations internationales apprécient largement la politique du multiculturalisme de l’Azerbaïdjan, dans le sens où il a été à l’origine de la promotion de l’idée du multiculturalisme partout dans le monde. Le multiculturalisme et l’outil le plus efficace pour créer la stabilité politique dans un pays multi-ethnique. Comme le président Ilham Aliyev l’a souligné lors de la cérémonie d’ouverture, l’alternative au multiculturalisme est la xénophobie, la discrimination raciale, l’islamophobie et l’antisémitisme.

Situé au cœur du Caucase, l’Azerbaïdjan joue historiquement un rôle de carrefour culturel et commercial. Ce Forum a-t-il vocation à faire de votre pays un carrefour des idées ? Comment percevez-vous les retombées pour son rayonnement sur la scène internationale ?

Se trouvant à la frontière entre l’Europe et l’Asie, l’Azerbaïdjan a toujours été un lieu où, pendant des siècles, les religions, les cultures et les civilisations se rencontraient. Notre pays ne représente pas seulement un «pont» géographique entre l’Est et l’Ouest, mais aussi un «pont» culturel. Pendant des siècles, les représentants des différentes religions et cultures y vivaient en paix et en dignité. La tolérance et le multiculturalisme ont toujours existé ici.

Le Forum humanitaire international de Bakou n’est pas le seul dans ce sens – tous les deux ans se tient également le Forum de dialogue interculturel en Azerbaïdjan. En avril, Bakou a également accueilli le 7e Forum mondial de l’Alliance des civilisations des Nations Unies. En outre, nous avons été à l’origine du «processus de Bakou» qui est devenu une importante plateforme pour le dialogue interculturel. Enfin, nous avons accueilli les réunions des Ministres de la Culture du Conseil de l’Europe et de l’Organisation de la coopération islamique (OCI), ainsi que le Sommet mondial des leaders religieux. Nous ne limitons pas seulement aux forums culturels et humanitaires : l’Azerbaïdjan est aussi connu pour l’organisation d’événements internationaux dans le domaine du sport. Ainsi, nous avons accueilli avec succès, en 2015, les premiers Jeux Européens, les compétitions du championnat de Formule 1 et l’Olympiade mondiale d’Echecs. En 2017, nous organiseront à Bakou les IVe Jeux de la Solidarité islamique. Toutes ces actions contribuent beaucoup au rapprochement des peuples et à leur coexistence pacifique.

Comment souhaiteriez-vous voir se consolider les liens entre le Baku International Humanitarian Forum et d‘autres organisations et institutions internationales en vue de partager les fruits de ces réflexions sur les enjeux de sociétés ?

Comme je l’ai déjà mentionné, les hauts fonctionnaires des organisations internationales sont invités régulièrement au Baku International Humanitarian Forum et y prennent une part active. L’objectif principal est de rassembler des représentants de diverses organisations internationales et de créer un espace de compréhension mutuelle. Nous avons testé cette initiative avec succès non seulement à travers le Baku International Humanitarian Forum, mais aussi à travers nos diverses actions au sein des Nations Unies. En 2012-2013, l’Azerbaïdjan a ainsi initié en tant que membre non permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, une première réunion plénière entre le Conseil de sécurité et l’OCI. En même temps, l’élection de notre pays en tant que membre du Conseil économique et social des Nations Unies pour les années 2017-2019, nous donnera l’occasion de contribuer encore davantage au développement international dans ce domaine.

En marge du Forum, une délégation de parlementaires français qui y participaient, a rencontré le président Ilham Aliyev. A l’image de l’Université franco-azerbaïdjanaise inaugurée le 15 septembre 2016, quelles sont, à vos yeux, les avancées les plus emblématiques de la coopération entre les deux pays, non seulement au plan culturel, mais également économique et diplomatique ?

La coopération entre l’Azerbaïdjan et la France existe sous plusieurs formes et s’étend à de nombreux domaines. Nos relations politiques sont assez étroites et cela crée des opportunités supplémentaires pour le développement de la coopération économique bilatérale. Plus de 50 entreprises françaises sont présentes en Azerbaïdjan et leurs activités servent à diversifier l’économie du pays.

Les relations bilatérales entre l’Azerbaïdjan et la France dans le domaine de la coopération interparlementaire ont accompli de grand progrès. Je voudrais souligner surtout le rôle de la présidente de la Fondation Heydar Aliyev, Mme Mehriban Aliyeva. Comme vous le savez, la Première dame de l’Azerbaïdjan dirige également le groupe d’amitié interparlementaire Azerbaïdjan-France au sein de notre parlement. Son activité fructueuse en France, dans le cadre des actions de la Fondation Heydar Aliyev dans divers domaines, a apporté une grande contribution à la coopération bilatérale.

La France co-préside également la réunion des pays du Groupe de Minsk de l’OSCE qui cherche à résoudre le conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan.

Dans le même temps, nos deux pays participent ensemble et avec succès à de nombreux projets dans les secteurs de l’énergie, des transports, de l’agriculture, du tourisme, de l’information et de la communication, ainsi que ceux de l’industrie aérospatiale et de la construction. Je suis convaincu que cette coopération qui concourt aux intérêts communs des deux pays dans divers domaines permettra de développer encore plus et avec succès l’amitié entre la France et l’Azerbaïdjan.

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