Pourquoi les supporteurs turcs ont sifflé la minute de silence?

  21 Novembre 2015    Lu: 467
Pourquoi les supporteurs turcs ont sifflé la minute de silence?
La scène s’est produite, mardi 15 novembre, quelques minutes avant le coup d’envoi du match qui se jouait ce jour-là entre la Turquie et la Grèce au stade Basaksehir d’Istanbul, plein à craquer.
Dix sept mille tickets avaient été vendus pour cette rencontre amicale.
Une minute de silence est alors observée à la mémoire des 129 victimes des attentats de Paris et de Saint-Denis. Assis côte à côte dans la tribune d’honneur, le premier ministre turc, Ahmet Davutoglu, et son homologue grec, Alexis Tsipras, tout sourire, entendent montrer combien les relations gréco-turques, jadis tumultueuses, sont apaisées par la « diplomatie du football ».

Soudain, un groupe de supporteurs turcs se met à siffler et à crier « Allahou Akbar ! » (Dieu est grand). Des chants et des slogans favorables au président islamo-conservateur, Recep Tayyip Erdogan, retentissent dans la foulée.



Figés dans la minute de silence sur la pelouse, les joueurs turcs adressent des signes de la main aux supporteurs, sur le mode autoritaire, mais rien n’y fait. Le premier ministre, Davutoglu, ne réagit pas. « Les martyrs sont éternels, le pays est indivisible ! » (Sehitler ölmez, Vatan bölünmez), clament les supporteurs déchaînés.

On ne sait si cette hostilité d’une partie du public visait les victimes des attentats du 13 novembre, le premier ministre grec ou les deux. La phrase en question est d’ordinaire scandée par les patriotes turcs lorsqu’un soldat (qualifié de « martyr ») tombe sous les balles des rebelles kurdes du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK).
Méthodes des « loups gris »

Avec la reprise des hostilités entre le PKK et les forces régulières d’Ankara, en juillet, ce genre de slogan est revenu en force dans les rues et dans les stades. Le 13 octobre, au moment d’un match qualificatif pour l’Euro 2016 à Konya, une ville conservatrice de l’Anatolie centrale, des « Allahou Akbar ! » avaient là aussi retenti depuis les tribunes. Ces cris étaient venus briser la minute de silence observée à la mémoire des 102 victimes (tous des militants de la gauche prokurde) du double attentat-suicide survenu à Ankara trois jours plus tôt.

Le mélange « Allahou Akbar » et « le pays est indivisible » consacre le retour de l’idéologie en vogue chez les militants ultranationalistes durant les années 1970. Adeptes de la «synthèse islamo-turque», ils professaient un nationalisme «qui ne conçoit pas la grandeur de la Turquie autrement que dans une défense et une promotion des valeurs religieuses et culturelles de l’islam », selon le chercheur Etienne Copeaux.

Visiblement, la synthèse a le vent en poupe chez les jeunes militants du Parti de la justice et du développement (AKP, islamo-conservateur). Récemment, une nouvelle organisation de jeunesse a vu le jour au sein de l’AKP. Baptisée Foyers ottomans, elle mime la gestuelle, le discours et les méthodes des « Loups gris », soit le mouvement de jeunesse ultranationaliste.

Au début du mois de novembre, quelques jours après la victoire de l’AKP aux législatives, les jeunes « Ottomans » de l’AKP avaient sillonné à bord de plusieurs voitures les quartiers réputés laïcs d’Istanbul sur un mode assez agressif, scandant des slogans hostiles à l’endroit des buveurs d’alcool.

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