"Je suis gaulliste et de surcroît chrétien, cela veut dire que je ne prendrai jamais de décisions contraires au respect de la dignité humaine, de la personne et de la solidarité", a-t-il argué cette semaine en réponse aux attaques sur son projet de réforme de la sécurité sociale et son programme qualifié de "brutal" par tous ses adversaires.
L`ex-Premier ministre de Nicolas Sarkozy, conservateur et catholique pratiquant, défend un programme économique "radical" pour la France, à coup de suppressions massives de fonctionnaires, de réformes du temps de travail hebdomadaire et du système de santé. Depuis sa nette victoire à la primaire de son camp fin novembre, ses propositions nourrissent les inquiétudes pour le modèle social du pays, d`autant qu`il est donné favori au second tour de la présidentielle, face à la chef de l`extrême droite Marine Le Pen.
Pour rassurer, le sexagénaire a brandi cette semaine un argument inattendu dans le débat politique : ses convictions religieuses. Sa profession de foi a provoqué un tollé, y compris dans son propre camp. "Le principe de la France, c`est qu`on ne mélange pas la religion et la politique", s`est indigné François Bayrou, chef du parti du centre MoDem, rappelant la loi de 1905 sur la stricte séparation de l`Eglise et de l`Etat. M. Bayrou, lui-même chrétien, a appelé à mettre un terme à "ce type de dérive".
Même son de cloche chez le député de droite Henri Guaino, qui dénonce une "faute": "Le catholicisme, ça n`est pas une catégorie électorale (...) Le président de la République, c`est l`homme de la Nation. Quand on oublie cela, ça ne fonctionne plus", a-t-il tancé.
Candidat à la primaire de la gauche les 22 et 29 janvier, le socialiste Vincent Peillon s`est aussi déclaré vendredi "absolument indigné". "Quelqu`un aurait dit `en tant que juif, je veux faire..`, vous auriez vu les réactions !", a-t-il ajouté.
Stratégie politique face à l`islam
Selon le politologue Bruno Jeanbar, la déclaration de M. Fillon relève de la stratégie politique "dans un pays où 55% des Français se déclarent catholiques" et dans une période marquée par l`émergence d`un débat sur l`islam nourri par la radicalisation jihadiste et les attentats.
"Pendant des années, s`affirmer comme chrétien était un tabou car la République s`était construite sur la dépossession du pouvoir politique à l`Eglise catholique". Mais "avec l`émergence de l`islam, le débat s`est porté sur une autre religion et il n`y a plus ce sentiment que se présenter comme chrétien pose problème par rapport à un mandat politique", dit-il à l`AFP.
Le vote des catholiques pratiquants ne représente néanmoins que 10% des Français, tempère M. Jeanbar.
Dans un pays frappé par une série d`attentats jihadistes sans précédent depuis deux ans, l`islam a été au coeur de vifs débats ces derniers mois au nom du respect de la laïcité.
M. Fillon, auteur d`un récent livre sur ce qu`il nomme le "totalitarisme islamique", a répondu aux critiques vendredi, assurant de sa "sincérité" : "moi, je suis comme je suis, je suis transparent. (...) Je pense que c`est comme ça qu`il faut faire de la politique".
Il a reçu le soutien de quelques membres de son camp, telle la députée européenne Nadine Morano pour qui la France est "malade quand on est obligé de s`expliquer (sur le fait) d`être chrétien dans un pays aux racines chrétiennes".
Pendant la primaire de la droite, l`affichage de sa foi lui a déjà valu une polémique : il avait dû s`expliquer après avoir déclaré que compte-tenu de ses convictions religieuses, il ne pouvait "pas approuver l`avortement" même s`il ne comptait pas modifier ce droit.
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