En France, pays de la laïcité, la foi investit la campagne présidentielle

  08 Janvier 2017    Lu: 376
En France, pays de la laïcité, la foi investit la campagne présidentielle
"Avec l`émergence de l`islam, le débat s`est porté sur une autre religion et il n`y a plus ce sentiment que se présenter comme chrétien pose problème par rapport à un mandat politique", selon un politologue
Expliquer ses choix politiques par sa foi: en France, pays très attaché à la laïcité, le candidat de la droite à la présidentielle François Fillon a provoqué surprise et indignation en brandissant cet argument de campagne inédit.

"Je suis gaulliste et de surcroît chrétien, cela veut dire que je ne prendrai jamais de décisions contraires au respect de la dignité humaine, de la personne et de la solidarité", a-t-il argué cette semaine en réponse aux attaques sur son projet de réforme de la sécurité sociale et son programme qualifié de "brutal" par tous ses adversaires.

L`ex-Premier ministre de Nicolas Sarkozy, conservateur et catholique pratiquant, défend un programme économique "radical" pour la France, à coup de suppressions massives de fonctionnaires, de réformes du temps de travail hebdomadaire et du système de santé. Depuis sa nette victoire à la primaire de son camp fin novembre, ses propositions nourrissent les inquiétudes pour le modèle social du pays, d`autant qu`il est donné favori au second tour de la présidentielle, face à la chef de l`extrême droite Marine Le Pen.

Pour rassurer, le sexagénaire a brandi cette semaine un argument inattendu dans le débat politique : ses convictions religieuses. Sa profession de foi a provoqué un tollé, y compris dans son propre camp. "Le principe de la France, c`est qu`on ne mélange pas la religion et la politique", s`est indigné François Bayrou, chef du parti du centre MoDem, rappelant la loi de 1905 sur la stricte séparation de l`Eglise et de l`Etat. M. Bayrou, lui-même chrétien, a appelé à mettre un terme à "ce type de dérive".

Même son de cloche chez le député de droite Henri Guaino, qui dénonce une "faute": "Le catholicisme, ça n`est pas une catégorie électorale (...) Le président de la République, c`est l`homme de la Nation. Quand on oublie cela, ça ne fonctionne plus", a-t-il tancé.

Candidat à la primaire de la gauche les 22 et 29 janvier, le socialiste Vincent Peillon s`est aussi déclaré vendredi "absolument indigné". "Quelqu`un aurait dit `en tant que juif, je veux faire..`, vous auriez vu les réactions !", a-t-il ajouté.

Stratégie politique face à l`islam

Selon le politologue Bruno Jeanbar, la déclaration de M. Fillon relève de la stratégie politique "dans un pays où 55% des Français se déclarent catholiques" et dans une période marquée par l`émergence d`un débat sur l`islam nourri par la radicalisation jihadiste et les attentats.

"Pendant des années, s`affirmer comme chrétien était un tabou car la République s`était construite sur la dépossession du pouvoir politique à l`Eglise catholique". Mais "avec l`émergence de l`islam, le débat s`est porté sur une autre religion et il n`y a plus ce sentiment que se présenter comme chrétien pose problème par rapport à un mandat politique", dit-il à l`AFP.

Le vote des catholiques pratiquants ne représente néanmoins que 10% des Français, tempère M. Jeanbar.

Dans un pays frappé par une série d`attentats jihadistes sans précédent depuis deux ans, l`islam a été au coeur de vifs débats ces derniers mois au nom du respect de la laïcité.

M. Fillon, auteur d`un récent livre sur ce qu`il nomme le "totalitarisme islamique", a répondu aux critiques vendredi, assurant de sa "sincérité" : "moi, je suis comme je suis, je suis transparent. (...) Je pense que c`est comme ça qu`il faut faire de la politique".

Il a reçu le soutien de quelques membres de son camp, telle la députée européenne Nadine Morano pour qui la France est "malade quand on est obligé de s`expliquer (sur le fait) d`être chrétien dans un pays aux racines chrétiennes".

Pendant la primaire de la droite, l`affichage de sa foi lui a déjà valu une polémique : il avait dû s`expliquer après avoir déclaré que compte-tenu de ses convictions religieuses, il ne pouvait "pas approuver l`avortement" même s`il ne comptait pas modifier ce droit.

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