Parmi eux, des centaines sont vraisemblablement morts au combat. Pour les autres, la question de leur retour "se pose avec acuité puisque l`étau se resserre sur le groupe État islamique (EI), en Syrie et en Irak, mais aussi en Libye", frontalière de la Tunisie, explique à l`AFP l`expert Hamza Meddeb, chercheur auprès de l`Institut universitaire européen de Florence (Italie).
Le récent attentat de Berlin perpétré au nom de l`EI par un Tunisien de 24 ans, Anis Amri, a aussi mis en exergue ce débat: classé islamiste "dangereux", Amri avait vu sa demande d`asile rejetée par l`Allemagne et devait, après des mois de tractations avec Tunis, être expulsé vers son pays.
"Non à la repentance"
Vendredi au Parlement, le ministre de l`Intérieur Hédi Majdoub a révélé que 800 jihadistes tunisiens étaient déjà rentrés, et assuré que les autorités détenaient "toutes les informations sur ces individus". Mais, dans un pays traumatisé par une série d`attaques sanglantes ces deux dernières années, ces déclarations n`ont pas suffi.
A l`appel d`un collectif citoyen, des centaines de personnes ont manifesté samedi à Tunis pour dire "Non à la repentance et à la liberté pour les groupes terroristes". Le lendemain, le syndicat national des forces de sécurité intérieure s`est alarmé d`un risque de "somalisation" de la Tunisie, déjà confrontée à des maquis djihadistes dans les monts de l`intérieur du pays.
Ces Tunisiens, qui "ont appris à manipuler toutes sortes d`armes de guerre", pourraient rejoindre les "cellules dormantes" du pays, et accepter leur retour (...) contribuera à élargir le cercle du terrorisme", a prévenu le syndicat, qui a appelé le gouvernement à les déchoir de leur nationalité.
Interdite par la Constitution, cette mesure a été balayée par le président Béji Caïd Essebsi, dont les propos au début du mois à Paris ont néanmoins contribué à faire monter le débat.
"On ne peut empêcher un Tunisien de revenir dans son pays", "mais évidemment, nous allons être vigilants", avait-il dit à l`AFP. Il avait jugé impossible de "les mettre tous en prison, parce que si nous le faisons, nous n`aurons pas assez de prisons". "Mais nous prenons les dispositions nécessaires pour qu`ils soient neutralisés", avait-il ajouté.
"Bombe à retardement"
Depuis, les prises de position se sont multipliées, du chef du parti islamiste Ennahdha Rached Ghannouchi à l`ex directeur de campagne de M. Essebsi, Mohsen Marzouk. Sur sa page Facebook, M. Marzouk, désormais à la tête de sa propre formation, a estimé lundi que "tout terroriste de retour" était une "bombe à retardement", faute "d`incarcération préventive".
Pour Hamza Meddeb, "ce débat, comme tous les débats importants (des dernières années), commence, malheureusement, à polariser". Si les causes du djihadisme tunisien sont connues --contrecoup de la répression anti-islamiste sous la dictature, désordre de l`après-révolution, crise sociale--, la grande conférence nationale contre le terrorisme prévue en 2015 "a sans cesse été repoussée" pour des "questions politiciennes", poursuit-il. Et il aura fallu attendre novembre 2016 pour voir l`adoption d`une "stratégie de lutte contre l`extrémisme", note l`expert.
Selon la présidence, celle-ci s`articule autour de quatre axes: prévention, protection, poursuites (judiciaires) et riposte. Mais pour M. Meddeb, elle demeure "un gros point d`interrogation, son contenu n`ayant toujours pas été publié". La Tunisie a "les capacités matérielles pour gérer ces retours, même s`il s`agit d`une opération compliquée", estime le professeur d`histoire contemporaine et analyste, Abdelatif Hannachi. "Il faut fonctionner par étapes, d`abord enquêter, puis recourir aux tribunaux et les isoler si nécessaire, afin de débuter leur réhabilitation", dit-il à l`AFP.
L`un des points faibles réside, selon lui, dans la trentaine de prisons tunisiennes où s`entassent déjà "près de 25.000 détenus". En mars, après s`être battues pour reprendre le contrôle des mosquées, les autorités ont lancé une campagne ("Ghodwa khir", "demain sera meilleur") centrée sur les jeunes pour lutter contre l`extrémisme. Elle compte un volet à destination des prisons, également touchées par ce phénomène.
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