Après un léger ralentissement entre 2000 et 2006, la concentration de méthane dans l`atmosphère a crû dix fois plus rapidement la décennie suivante, relève l`étude parue dans le journal Earth System Science Data.
"Contenir le réchauffement sous 2°C est déjà un défi considérable," soulignent ces mêmes chercheurs dans le bulletin Environmental Research Letters, à propos de l`objectif que la communauté internationale s`est fixée fin 2015 dans l`accord de Paris.
"Un tel objectif deviendra de plus en plus difficile à tenir si l`on ne réduit pas les émissions de méthane fortement et rapidement", ajoutent-ils.
Résultat de l`exploitation des énergies fossiles ou plus probablement des activités agricoles... Les chercheurs formulent plusieurs hypothèses pour tenter d`expliquer cet emballement.
Les concentrations augmentent de plus en plus vite depuis 2007, avec en particulier une forte accélération en 2014 et 2015.
Au point qu`aucun scénario moyen du dernier rapport du Giec, synthèse de référence sur le climat, ne montrait cette évolution.
"De façon inquiétante, la vitesse d`augmentation se rapproche du scénario le plus pessimiste", souligne Marielle Saunois, de l`Université de Versailles Saint Quentin (UVSQ).
Deuxième grand gaz à effet de serre lié aux activités humaines, après le dioxyde de carbone (CO2), le méthane contribue pour quelque 20% au réchauffement en cours.
28 fois plus "réchauffant" que le CO2
Jusqu`ici les mesures contre le réchauffement se sont largement concentrées sur le CO2, issu pour une large part des énergies fossiles (charbon, pétrole, gaz), et qui représente 70% des gaz à effet de serre.
Or, le méthane est 28 fois plus "réchauffant" que le CO2, tout en persistant moins longtemps dans l`air (environ 10 ans).
Il est plus difficile à pister que le CO2, car plus diffus et une bonne part provient de sources "naturelles" (zones humides, formations géologiques, etc.).
Cependant, selon l`étude, 60% de ses émissions sont liées aux activités humaines: notamment 36% viennent de l`agriculture (éructations des ruminants et rizières) et du traitement des déchets.
D`ailleurs les chercheurs privilégient cette hypothèse pour expliquer la hausse des émissions (selon la FAO, le nombre de têtes de bétail est passé d`1,3 milliard en 1994 à 1,5 milliard 20 ans plus tard).
Mais ils n`excluent pas non plus le rôle des énergies fossiles dans ce boom.
Quelque 21% des émanations de méthane sont de fait dues à l`exploitation du charbon, du pétrole et du gaz: de l`extraction jusqu`aux réseaux de distribution, les fuites de méthane sont très fréquentes.
"A partir des années 2000, il y a eu une grosse exploitation du charbon en Chine, et l`exploitation du gaz aux Etats-Unis a aussi augmenté", rappelle Mme Saunois.
Concernant le permafrost, ces sols gelés des hautes latitudes, ils peuvent aussi dégager du méthane en dégelant, une grande crainte des climatologues. Mais à ce stade, "on ne voit pas d`augmentation anormale des concentrations", dit le chercheur et co-auteur Philippe Bousquet, pour qui ces "émissions risquent d`augmenter dans le temps mais sur des décennies".
Un boom difficilement explicable
Quant au boom particulièrement spectaculaire des deux dernières années, les scientifiques ont encore plus de mal à l`expliquer.
"Cela peut être d`origine naturelle", dit M. Bousquet. "Mais s`il se prolongeait au-delà de trois ou quatre ans, cela signifierait forcément un lien avec l`homme".
Il est en tout cas possible d`agir d`ores et déjà et très concrètement pour réduire ou capter le méthane, soulignent les scientifiques: méthaniseurs dans les fermes, modification des protocoles d`irrigation des rizières, chasse aux fuites...
"On peut réduire ces émissions plus facilement, de manière moins coercitive, que celles de CO2, en encourageant aussi l`innovation et les emplois. Alors il ne faut pas s`en priver!", insiste Philippe Bousquet.
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