Angela Merkel refuse de se voir en cheffe de guerre

  18 Novembre 2015    Lu: 656
Angela Merkel refuse de se voir en cheffe de guerre
Alors que pour François Hollande la réponse de la France aux attentats consiste à mener une « guerre » contre l’Etat islamique (EI), Angela Merkel a une tout autre réponse : certes, l’Allemagne va « tout faire pour mener ensemble la lutte contre les terroristes », mais, a-t-elle ajouté samedi matin, en tant que « citoyens », nous avons une « réponse claire » : « Nous vivons de la compassion, de l’amour du prochain, de la joie de faire partie d’une communauté. » Difficile de trouver deux registres lexicaux plus différents.
Depuis dimanche, les dirigeants allemands évitent soigneusement d’employer le terme de « guerre ». A l’exception de Joachim Gauck, le président de la République, qui a évoqué « les victimes d’une nouvelle sorte de guerre », les responsables politiques allemands font le grand écart entre soutenir la France et ne pas se déclarer en guerre. Mardi, Mme Merkel, qui a présidé un sommet sur l’intégration à la chancellerie, a évoqué les attentats mais pas les propos de François Hollande. Quant à Sigmar Gabriel, président du Parti social-démocrate et vice-chancelier, il a déclaré mardi : « Nous voyons que l’EI mène une guerre contre le monde libre, mais, malgré tout, si nous commençons à parler de guerre, c’est un premier succès pour l’EI, parce que plus notre société a peur, y compris de la guerre, plus le terrorisme a de succès à faire valoir. » Une différence de taille avec le discours de M. Hollande.

L’expression est d’autant plus taboue en Allemagne qu’elle a des conséquences juridiques importantes, puisque le commandement des armées passe, en cas de conflit armé, du ministre de la défense à la chancellerie.

Quant à l’expression « guerre totale », employée par Nicolas Sarkozy, elle renvoie pour tout Allemand à la formule, datant de 1943, de Joseph Goebbels, ministre de la propagande d’Adolf Hitler, et n’est même pas concevable dans un cadre démocratique.

Hostilité de l’opinion

De plus, jusqu’ici, Mme Merkel s’est montrée très réservée sur les engagements extérieurs de la Bundeswehr. Contrairement au président de la République, à Frank-Walter Steinmeier, au ministre des affaires étrangères (SPD), et à Ursula von der Leyen, la ministre de la défense (CDU), la chancelière n’a pas pris part au débat, au début de 2014, sur le supposé grand retour de l’Allemagne sur la scène internationale. Ou, si retour il y a, il ne faut surtout pas penser qu’il va essentiellement concerner un rôle accru de la Bundeswehr à l’étranger.

Deux arguments expliquent la réserve de la chancelière : l’hostilité de l’opinion allemande face à ce type d’intervention, et surtout la conviction qu’aucune intervention militaire ne résout à elle seule un conflit. Les situations de la Libye et de l’Afghanistan le prouvent. C’est la position actuelle de l’Allemagne sur la Syrie : ce conflit nécessite l’engagement de toutes les parties – Bachar Al-Assad fait donc, comme Moscou, partie de la solution –, et il ne pourra pas être résolu par le seul recours à la force.

Eviter de trop s’engager

Mardi, à Bruxelles, lors du conseil européen de la défense, il était frappant de voir comment Mme von der Leyen était physiquement proche de Jean-Yves Le Drian, son homologue français – impossible de ne pas penser à la photographie montrant Mme Merkel s’appuyant sur l’épaule de M. Hollande après les attaques de janvier – tout en évitant de trop s’engager au côté de la France.

L’Allemagne propose à ce stade de ne renforcer sa présence qu’au Mali, où elle compte deux cents instructeurs mais seulement neuf soldats dans le cadre de la mission des Nations unies dans le pays (Minusma) exposée à un certain danger. Mardi, Mme von der Leyen a fait valoir que la France « n’avait fait aucune demande concrète ».
Si nul ne croit en Allemagne que la France peut vaincre seule l’EI, une partie de la presse juge cependant que le gouvernement allemand pourrait l’aider davantage qu’il s’apprête à le faire. « L’EI doit aussi être combattu militairement », affirme ainsi le quotidien Süddeutsche Zeitung mardi.

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