Au Pérou, le président Pedro Pablo Kuczynski a participé à une protestation similaire en août réunissant 50.000 personnes. Dans la région, syndicats et partis politiques se sont joints au mouvement.
"Oui, il y a un changement et c`est très important", salue l`Indienne Lakshmi Puri, directrice exécutive adjointe d`ONU Femmes, dans un entretien à l`AFP : "Ce cri de zéro tolérance (face aux violences machistes, ndlr) vient désormais de partout".
Cela lui rappelle son propre pays où le viol collectif et la torture d`une étudiante, fin 2012, avaient déclenché une mobilisation historique. En Amérique latine où règne "la culture du machisme", "c`est la même indignation que provoque actuellement cette violence brutale contre des femmes et des fillettes".La région offre un sombre panorama : sur les 25 pays au monde enregistrant le plus de meurtres machistes, la moitié sont latino-américains, explique Mme Puri.
L`aide des réseaux sociaux
"C`est terriblement dangereux d`être une femme en Amérique latine", se désole Ariadna Estevez, chercheuse à l`Université nationale autonome de Mexico.
Elle rappelle qu`au Mexique, "la mobilisation contre les meurtres de femmes dure depuis au moins 20 ans, à cause des femmes assassinées à Ciudad Juarez", mais est longtemps restée cantonnée aux proches des victimes.
Désormais dans la région, "il y a un réveil" : en Argentine, "depuis l`an dernier, une campagne a été créée avec le mot-clé #NiUnaMenos" (Pas une de moins) et au Mexique, le printemps violet (#Primaveravioleta) a éclos sur Twitter ou Facebook.
"Les réseaux sociaux ont joué un rôle fondamental", explique Ariadna Estevez, et pas seulement pour mobiliser les foules.
"Cela a servi de catharsis, car beaucoup de femmes n`avaient pas parlé du harcèlement et de la violence qu`elles avaient subis : elles se sont rendues compte que cela concernait pratiquement la majorité des femmes", comme au Brésil avec la campagne #Meuprimeiroassedio (mon premier harcèlement).
En Uruguay, l`assistante sociale Fanny Samuniski reçoit depuis des années, dans l`association Mujer Ahora, des femmes maltraitées.
Elle a noté une évolution : "au début, elles venaient en disant +je suis désespérée, je veux que vous lui parliez...+. Maintenant elles arrivent en demandant +quels sont mes droits ?+".
Dans ce petit pays réputé pour avoir été l`un des premiers de la région à autoriser le divorce et l`avortement, 19 femmes ont été assassinées par leur partenaire ou ex-partenaire depuis début 2016, selon un décompte d`associations.
Nouvelles générations
Un cas, en juin, a horrifié les Uruguayens : à Paysandu (nord), un homme a incendié la maison de son ancienne compagne, la blessant grièvement et tuant ses trois filles et une amie.
Face aux violences conjugales, "les femmes dénoncent beaucoup plus qu`avant mais elles supportent ça dix ans" avant de porter plainte, souvent parce qu`elles n`ont pas les moyens de vivre seules, soupire Fanny Samuniski.
Elle milite pour inclure dans le code pénal uruguayen le concept de "féminicide", comme l`ont déjà fait 16 pays latino-américains pour mieux comptabiliser et sanctionner ce fléau.
A presque 80 ans, elle se réjouit de voir ces mobilisations massives contre la violence machiste : "les femmes de ma génération, nous étions beaucoup plus timides, elles (les nouvelles générations, ndlr) sont plus guerrières".
L`Argentine Maria Nieves Rico, directrice du département des questions de genre à la Commission économique pour l`Amérique latine (Cepal), a participé à la manifestation régionale du 19 octobre, à Santiago du Chili, siège de cet organisme de l`ONU.
"Ce qui m`a frappée, de façon positive, c`est la quantité de jeunes filles", raconte-t-elle, soulignant que celles-ci "naissent et s`éduquent dans un autre contexte" qui leur donne plus d`armes pour réagir.
Il faudra du temps pour changer les mentalités dans la région, mais "on entend leurs voix, et cela aide toujours".
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