Le musée national de Beyrouth exhume les trésors de son sous-sol

  01 Novembre 2016    Lu: 834
Le musée national de Beyrouth exhume les trésors de son sous-sol
La plus grande collection de sarcophages anthropoïdes au monde, des stèles phéniciennes, des momies de chrétiens du Liban médiéval... Le musée national de Beyrouth dévoile d`exceptionnels vestiges jamais ou rarement exposés.
La collection de 520 pièces, toutes représentant l`art funéraire et datant du paléolithique jusqu`à l`époque ottomane, a été ouverte au public dans le sous-sol du musée.
Fermé durant la guerre civile du Liban (1975-1990), le musée, situé au c?ur de Beyrouth sur l`ancienne ligne de démarcation, renoue avec son passé en présentant des vestiges que les Libanais n`ont plus revus depuis les années 70.

"C`est une leçon de courage et d`espoir puisque 41 ans après la fermeture du musée en 1975, nous sommes aujourd`hui dans la possibilité de recevoir des visiteurs aux trois étages", explique à l`AFP la directrice du musée, Anne-Marie Maïla Afeiche. Seuls le rez-de-chaussée et le premier étage avaient été rouverts dans les années 90.

Parmi ces vestiges d`une beauté saisissante, un fragment d`un sarcophage romain retrouvé à Beyrouth dépeint un épisode du mythe d`Icare. Le jeune homme y est représenté aux côtés de son père Dédale en train de lui fabriquer les funestes ailes.

Patrimoine de l`Humanité

Autre joyau, l`extraordinaire hypogée --tombe creusée dans le sol-- découvert par hasard en 1937 par un paysan dans la région de Tyr (sud) et dont les fresques restaurées sont inspirées de la mythologie grecque -- supplice de Tantale ou Priam implorant à genoux Achille de lui rendre le corps d`Hector.

Pour Mme Afeiche, "il fallait absolument montrer au public ce patrimoine libanais et de l`Humanité qui reposait dans nos dépôts".

Comme pour l`ensemble des vestiges exposés du musée, toute la collection du sous-sol est issue de fouilles menées au Liban.

On débute avec une prémolaire de 70.000 ans avant l`ère chrétienne, appartenant à un premier exemple d`Homo sapiens qui a vécu sur le sol libanais, pour finir avec une stèle ottomane de 1830 ornée d`un turban.

Parmi les objets phares, une série de sarcophages phéniciens (VIe-IVe siècles av. J.-C.) découverts dans la région méridionale de Saida, l`antique Sidon.
"On expose actuellement 31 de ces sarcophages", mélange de style égyptien et grec, affirme la directrice du musée.

C`est "la plus grande collection au monde de sarcophages anthropoïdes (à visage humain)", explique Mme Afeiche, précisant que d`autres, découverts également à Saïda, se trouvent au Louvre et au musée archéologique d`Istanbul.

Momies de Qadicha

Mais la véritable nouveauté, c`est l`exposition inédite de trois momies.
Elles ont été trouvées en 1989 par des spéléologues dans la vallée sainte de Qadicha, classée au patrimoine mondial de l`Unesco et connue pour avoir été un refuge pour les maronites -- principale communauté chrétienne au Liban-- persécutés par les Mamelouks et les Byzantins.

"Ils ont découvert une grotte dans laquelle se trouvaient huit corps naturellement momifiés" avec leurs vêtements de femmes et d`enfants, certains brodés en fil de soie du XIIIe siècle, restés intacts.

Ont été retrouvés à leurs côtés des restes de noisettes, des pelures d`oignons, de la céramique, des outils en bronze, mais surtout des manuscrits en arabe et syriaque.
"Ce sont des psaumes et des chants liturgiques, qui indiquent qu`il s`agissait de chrétiens réfugiés dans cette grotte", explique Mme Afeiche.

Le Liban n`ayant pas de tradition de momification, Marco Samadelli, directeur du centre EURAC à Bolzano en Italie, a offert son expertise pour la conservation de ces momies uniques.

C`est d`ailleurs grâce à une enveloppe de 1,02 million d`euros de l`Italie, et l`aide précieuse de ses experts, notamment l`archéologue Antonio Giannarusti, que le musée national a pu restaurer cette collection du sous-sol.

Les dépôts du musée regorgent d`objets encore non exposés, si bien que le ministère de la Culture entend créer un Musée sur l`histoire de Beyrouth, tandis que deux autres musées sont en cours de construction: l`un à Saïda pour exposer des fouilles du British Museum et un autre à Tyr.

Tombe en berceau

Au sous-sol du musée, on découvre la progression des techniques d`inhumation comme la tombe "en berceau" au néolithique (VIe millénaire av.J.-C.) ou une jarre en guise de sépulture au chalcolithique (IVe millénaire av.J.-C.) retrouvée à Byblos.

A l`époque phénicienne, l`incinération était également d`usage. Des urnes funéraires en témoignent.

De l`ère byzantine est exposée la façade d`une tombe ornée du visage de la Vierge Marie et datée de 440. "Nous pensons que c`est la plus ancienne représentation de la Vierge à ce jour découverte au Liban", indique Mme Afeiche.

L`hypogée de Tyr reste le plus imposant, avec ses fresques rappelant celles de Pompéi. Sur l`un de ses quatres murs est gravée cette inscription: "Sois courageux, nul n`est immortel".

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