Quitter ou rester, la dernière hésitation des migrants de Calais
Aziz, jeune Afghan qui continue son itinéraire migratoire depuis 6 ans après avoir quitté son pays natal à l`âge de 16 ans, est parmi ces migrants qui se voient obligés de retourner en Italie. Après avoir quitté la ville de Herat en Afghanistan, Aziz a travaillé pendant trois ans dans une boulangerie en Turquie.
"Nous travaillions 12 heures par jour et pétrissions plus de 1 000 pains. Je pétris non seulement le pain mais aussi les pita, simit et lavash", explique Aziz à Anadolu, s`exprimant en turc qu`il a appris dans la boulangerie.
Aziz est arrivé à la Jungle il y a deux mois, notamment pour aider son frère à atteindre le Royaume-Uni. "Si ce n`était pas pour lui, je ne serais jamais resté ici mais nous avons de la famille là-bas. Nous avons cru que les Anglais le laisseraient passer", confie-t-il.
Le jeune Afghan affirme même avoir pensé à payer 4 000 livres sterling aux passeurs pour son frère, qui, étant mineur, pourra finalement partir légalement au Royaume-Uni, dans le cadre du dispositif prévu pour les enfants.
Aziz est rassuré de ne plus avoir besoin de payer les passeurs et de voir son frère partir au Royaume-Uni, pourtant de son côté l`avenir semble plus incertain. Comme d`autres migrants qui ont déposé leurs empreintes digitales en Italie, Aziz devra bientôt retourner dans ce pays, après un court passage dans un centre d`accueil en France. En effet, les migrants ayant déjà effectué une demande d`asile en Italie ne pourront pas en déposer une autre en France ou ailleurs, selon le règlement de Dublin de l`Union européenne (UE). En revanche, s`ils refusent de partir, ils risquent d`être placés en centre de rétention en France, comme avait averti lundi Emmanuelle Cosse, ministre du Logement, sur RTL.
Pour Aziz, une dernière option serait de partir tout seul à Paris, en Ile-de-France, une des deux régions non concernées par le dispositif de l`accueil des migrants en France avec la Corse. "Je vais prendre le bus pour aller à Paris, j`ai beaucoup d`amis là-bas. Je travaillerai peut-être dans une boulangerie orientale", affirme-t-il.
Hadi, 23 ans, qui partageait la même tente qu`Aziz, n`arrive non plus à faire un choix. L`image de la France se résume à la Jungle comme la plupart des migrants à Calais.
"Je ne sais pas, pour l`instant. Je vais peut-être rester dans un centre d`accueil et partir ensuite", note le jeune migrant à Anadolu.
Une autre raison qui sème le doute chez les migrants, c`est le traitement qui les attend dans les centres d`accueil en province. Après avoir subi la violence policière à Calais, les migrants ont du mal à croire que le démantèlement serait une aubaine pour eux.
Les Afghans en particulier ne cachent pas leur colère dans le camp. "Qu`est-ce que l`Etat attendait tant avant d`intervenir? ", s`interrogent-ils. Ils sont par ailleurs très peu nombreux à avoir quitté le camp le premier jour du démantèlement, contrairement aux Soudanais et aux Erythréens.
Le camp laissé à l`abandon
Les rues de la Jungle donnent l`impression d`un village laissé à l`abandon suite au départ de près de 2 000 migrants en un jour et à la fermeture des commerces gérés par ses habitants.
Les commerces de "l`avenue David Cameron", rue principale de la Jungle, hautement fréquentée par les migrants jusqu`à récemment, sont dans un état de délabrement, depuis leur fermeture par une décision du Conseil d`Etat la semaine dernière.
Le camp n`est certes encore pas physiquement démantelé pourtant certains migrants ont déjà incendié les cabines de toilettes et les tentes.
Ce n`est pas seulement les tentes et commerces qui sont touchés par le démantèlement. Omar Masjid, la mosquée de la Jungle qui servait de lieu de rencontre pour les migrants à grande majorité musulmane, est aussi en partie détruite et n`attire que très peu de fidèles. Elle continuera à accueillir les migrants jusqu`au démantèlement complet du camp, assure Djamal, fondateur du réfectoire de la Jungle "Kitchen in Calais" et promoteur de la mosquée.