« Gam zou létova », « ceci aussi est pour le bien » dit le Talmud. Qui aurait pensé que la polémique suscitée par les propos de l’ancien grand rabbin de France, Joseph Haïm Sitruk dans sa chronique hebdomadaire sur Radio J le 3 juin dernier, pourrait avoir une incidence bénéfique sur le débat concernant la place des minorités dans le judaïsme ?

Le mercredi 29 juin 2016, la soirée organisée à l’Espace Culturel et Universitaire Juif d’Europe entre le grand rabbin de France Haïm Korsia et Alain Beit, le président de l’association Beit Haverim, en présence du modérateur Jean-François Strouf et des journalistes Eva Soto et Pierre Gandus, s’inscrivait dans une réflexion "Pour un judaïsme engagé contre toutes les discriminations". Incontestablement, la rencontre était un événement car pour la première fois, un grand rabbin de France en exercice acceptait de dialoguer en public avec l’association LGBT qui fête pourtant cette année son 40e anniversaire.

Sans précédents également étaient à la fois la teneur et la fermeté des propos tenus car, avec audace, si ce n’est courage, la plus haute autorité religieuse du judaïsme français a martelé que l’homophobie est d’abord un délit pénalement condamnable et que « L`homophobie n`a absolument pas sa place dans le judaïsme, ni à la synagogue, ni à l`école juive ».

Il répondait ainsi à une question d’Alain Beit qui, après avoir expliqué les buts de son association, a rappelé que « dans l’inconscient collectif, on associe l’homosexualité à la jouissance, à une quête effrénée de plaisir, mais pourtant on oublie de la regarder comme une souffrance. […] On est démuni et la religion nous offre peu de réconfort et l’on se demande même si les gays sont les bienvenus dans les synagogues. […] L’homosexualité n’a aucune frontière. Nous sommes vos enfants, vos frères, vos sœurs, vos commerçants, vos médecins, vos forces de l’ordre… Pensez-y si vous pensez qu’aucun LGBT n’existe dans votre entourage ».

Ainsi, et afin que les discriminations cessent au sein de la communauté juive, le grand rabbin de France a rappelé la possibilité de saisir des médiateurs placés sous sa direction pour toute personne qui serait la victime d’actes ou de propos homophobes, notamment dans les lieux de culte juifs ([email protected]). Le grand rabbin Korsia a ainsi précisé qu’aucun individu juif ne devait être frappé d’exclusion et de rejet, notamment concernant la montée à la Torah, quelles que fussent sa sexualité ou son observance du Chabbat.

Discrimination envers les femmes

Un autre message fort était à retenir qui bousculera les préjugés : « Je vous mets au défi, a-t-il clairement dit saisissant les Textes du judaïsme, de trouver dans la Bible que c’est à cause d’un comportement sexuel supposé que les habitants de Sodome ont été exterminés ». En résumé, ce ne sont pas les déviances sexuelles qui ont abouti à la destruction de Sodome et Gomorrhe mais le rejet de l’étranger et de celui qui est différent, l`autre par excellence, quel qu’il fût.

Pour lutter contre les préjugés qui touchent malheureusement aussi la communauté juive, le grand rabbin a, par ailleurs, rappelé les mérites du programme de formation "Emouna" organisé à l’Institut d’Etudes Politiques (Sciences Po) pour sensibiliser les futurs rabbins aux différents types de discrimination dont l’homophobie.

Une autre discrimination a été abordée lors du débat, celle de la place des femmes dans le judaïsme. Il est à noter que le grand rabbin de France se penche actuellement sur la possibilité de lier juridiquement les divorces civil et religieux pour lutter contre les chantages au guett.

La soirée s’est conclue par les questions du public qui témoignaient de la satisfaction d’avoir assisté à un tel débat inédit, ouvert au dialogue et en butte aux luttes contre toute discrimination.

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