A Moscou, une émission de radio par et pour des malades psychiatriques

  04 Septembre 2016    Lu: 770
A Moscou, une émission de radio par et pour des malades psychiatriques
La plupart vivent chez eux, et pour participer à l`émission, certains n`hésitent pas à faire plus d`une heure trente de trajet
L`émission doit commencer dans moins d`une minute. Dans le studio, le jingle retentit. Une radio comme une autre, sauf qu`elle émet d`un hôpital psychiatrique à Moscou et que ses présentateurs souffrent tous de schizophrénie.

Chaque samedi, une dizaine de personnes internées ou ayant été internées dans des hôpitaux psychiatriques se retrouvent à l`hôpital moscovite Alexeïev, plus connu sous son ancien nom, Kachtchenko, pour enregistrer cette émission d`une heure.

La plupart vivent chez eux, et pour participer à l`émission, certains n`hésitent pas à faire plus d`une heure trente de trajet.

Avant que ne débute l`émission, certains fument ou bavardent. Et regardent l`aiguille de l`horloge se rapprocher de 15H00, heure à laquelle commence l`émission.

"Bonjour tout le monde, ici +Radio à travers le miroir+. Et comme d`habitude le samedi, nous sommes en direct de Kachtchenko!", lance le présentateur Daniil.

Le thème de l`émission est "les limites de la sympathie et de la compassion", rappelle-t-il, avant de laisser le micro aux autres patients.

Âgés de 20 à 50 ans, la plupart d`entre eux s`expriment avec éloquence, mais refusent de donner à l`antenne leur vrai nom.

"Je ne raconte pas à tous mon histoire, même si aucun des amis à qui j`ai confié avoir une maladie mentale ne m`a rejeté", raconte ainsi Mikhaïl Larsov.

"Soyons honnêtes: même nous, nous ne savons pas ce qui se passe à l`intérieur de nous, alors allez donc l`expliquer aux autres!", plaisante Daniil.

Journaliste, il a travaillé pour deux grands journaux nationaux. Souvent, explique-t-il, il a l`impression qu`"un mur opaque se dresse entre (lui) et le reste du monde".

La radio m`a sauvé

Mikhaïl Larsov a lui aussi été journaliste de radio avant d`être interné en psychiatrie. A son retour, ses employeurs lui ont annoncé qu`il était licencié.

"La radio m`a sauvé", raconte-t-il. "J`ai pu continuer le journalisme, m`épanouir."

"Je suis arrivé (à la radio) alors que j`étais au plus bas. J`avais perdu mon travail et je prenais beaucoup de médicaments", se souvient-il, avant de confier qu`il avait alors tenté de se suicider.

Pour Nikolaï Voronovski, lui aussi patient à l`hôpital, l`émission de radio a été une bouée de sauvetage.

"Au lieu de perdre mon temps à déprimer, je fais quelque chose de productif et qui m`enrichit", affirme-t-il. "On peut partager des choses avec les autres, acquérir de l`expérience, apprendre des choses et socialiser".

Sous l`URSS, l`hôpital Kachtchenko, dont le nom est devenu synonyme de "cinglé" dans le langage courant, a accueilli de nombreux dissidents, comme le mathématicien Alexandre Essenine-Volpine ou la poétesse Natalia Gorbanevskaïa, diagnostiqués malades mentaux par le pouvoir pour mieux les discréditer.

Mais l`hôpital est depuis devenu "l`un des plus civilisés", assure Mikhaïl Larsov. Plusieurs activités sont proposées à ses patients, comme cette émission de radio, sponsorisée par un fonds caritatif russe.

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