Valls a dit que les seins nus sont un symbole de la France

  01 Septembre 2016    Lu: 1072
Valls a dit que les seins nus sont un symbole de la France
Le Premier ministre a opposé les seins nus de Marianne aux voiles des musulmanes. Mais il n’a jamais rien fait pour lutter contre le délit d’exhibition sexuelle, qui punit les femmes qui oseraient se montrer seins nus en ville. Pire, les condamnations se sont multipliées ces dernières années, alors qu’il n’y en avait pas eu depuis 1965.
Le Premier ministre Manuel Valls, qui était en meeting à Colomiers ce lundi 29 août, a fait une déclaration très commentée sur les réseaux sociaux et dans la presse:

«Marianne, elle, a le sein nu parce qu’elle nourrit le peuple, elle n’est pas voilée parce qu’elle est libre! C’est ça la République!»

Par ces déclarations, le Premier ministre oppose la liberté des femmes aux seins nus, représentées par Marianne, à la supposée absence de liberté des femmes voilées, soumises à une idéologie autoritaire.

C’est faux d’un point de vue historique, comme l’a fait remarquer l’historienne Mathilde Larrère dans une tweet-story très documentée, où elle explique que Marianne est une allégorie de la République, et n’a rien à voir avec la liberté des femmes. Si l’on a choisi une femme pour représenter la République, c’est pour faire «contre-poids aux représentations masculines des rois». Affirmer que Marianne est libre parce qu’elle est seins nus, explique l’historienne, c’est oublier que le siècle de Marianne, le XIXe, est aussi le «siècle du Code civil qui réduisait les femmes au statut de mineurs et leur interdisait le vote».

Mais c’est aussi une forme d’instrumentalisation politique, une escroquerie mensongère. Manuel Valls laisse accroire qu’il défend le droit des femmes à se montrer seins nus, alors que la Ve République n’a jamais autant condamné les femmes seins nus, pour «exhibition sexuelle», que sous sa direction.

Les Femen poursuivies trois fois

Ce délit, rappelons-le, punit les femmes qui souhaiteraient se découvrir le torse quand il fait chaud dehors, alors que les hommes ne se voient pas embêtés lorsqu’ils font tomber la chemise. Le code pénal précise ainsi:

«L`exhibition sexuelle imposée à la vue d`autrui dans un lieu accessible aux regards du public est punie d`un an d`emprisonnement et de 15.000 euros d`amende.»

La loi ne précise pas quelles sont les parties «sexuelles», et si elles sont différentes pour les hommes et les femmes, mais en pratique, les tribunaux n’ont jamais condamné d’hommes pour avoir exhibé leur torse. Ce sont les femmes qui ont toujours été visées. Et les lois locales sont en général plus explicites.

À Paris Plages, le maillot de bain est autorisé mais le monokini est strictement défendu et assimilé à une exhibition sexuelle. Les règlements des piscines municipales parisiennes proscrivent aussi très clairement les seins nus. Les femmes du collectif Les Tumultueuses, qui ont essayé de se baigner seins nus à la piscine Georges Vallerey en 2009 pour protester contre cet interdit, ont pu le vérifier, puisqu’elles ont été sorties du bassin manu militari au bout d’un quart d’heure seulement.

En 1965, une femme seins nus jouant au ping-pong à la plage avait été poursuivie et condamnée. Pendant des années, il n’y a plus eu ensuite de poursuites judiciaires. Mais ces dernières années ont cependant été particulièrement prolifiques, révélant une sorte de retour à l’ordre moral, principalement contre les militantes Femen qui manifestent seins nus.

Éloïse Bouton a été condamnée en décembre 2014 à ce titre à un mois de prison avec sursis pour avoir protesté dans cet attirail dans l`église de la Madeleine. Une militante ukrainienne, Iana Zhdanova, a été condamnée la même année à 1.500 euros d`amende. Et trois autres Femen ont été poursuivies pour cette raison à Lille en 2015, avant d’être relaxées. Les Hommen, des militants opposés au mariage pour tous qui manifestent torse nus, n’ont quant à eux jamais été inquiétés.

Maître Marie Dosé, l’avocate de Iana Zhdanova, a déposé devant la cour d’appel de Paris une question prioritaire de constitutionnalité sur ce sujet, qui doit être examinée en octobre 2016. Elle soutient que le fait de poursuivre des femmes torse nu, et pas des hommes, constitue une rupture d`égalité des hommes et des femmes face à la loi.

La nuque crée plus d`excitation que les seins

Pourquoi, en effet, considérer les seins des femmes comme des parties sexuelles, et pas le torse des hommes, qui sont pourtant nombreux à aimer les caresses à cet endroit? Ce cliché que les seins seraient une zone particulièrement érogène pour les femmes a été balayé récemment par une étude scientifique, qui a demandé à des hommes et des femmes de noter sur une échelle de un à dix l`intensité de l`excitation sexuelle que leur procuraient 41 zones de leur corps. Le résultat ne fait pas apparaître de différence fondamentale entre hommes et femmes. Les zones érogènes primaires sont situées au même endroit pour les deux sexes: pénis et testicules chez les hommes; clitoris et vagin chez les femmes.

Les femmes ont certes accordé des notes plus hautes que les hommes à d’autres zones, comme «le dos, la nuque, les hanches, l`intérieur des cuisses, la bouche et les lèvres, les épaules, le ventre et les poignets». Mais figurez-vous que le haut de la nuque a reçu une note plus élevée que les seins (7,5 contre 7,3). Faut-il en donc conclure qu’il faut cacher la nuque des femmes, et que la laisser à la vue des hommes constitue une exhibition sexuelle?

Si Manuel Valls pense donc vraiment que les seins nus sont un symbole de la liberté des femmes, qu’à cela ne tienne, prenons-le aux mots, et demandons-lui d’appliquer en la matière une stricte égalité entre hommes et femmes. Il n’aurait pour ce faire qu’à imiter la ville de New York, qui autorise les seins nus depuis 1992, en proposant d’amender la loi sur l’exhibition sexuelle. Et envoyer en attendant une instruction aux procureurs pour qu’ils cessent de poursuivre les femmes seins nus. Au lieu de quoi, le quinquennat sous lequel il exerce la première des fonctions est aujourd’hui celui qui aura le plus condamné les femmes qui ont osé montrer leurs seins.


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