Une heure dans la peau de ma vieille mère

  04 Novembre 2015    Lu: 1109
Une heure dans la peau de ma vieille mère
Prendre quarante ans en dix minutes, c’est possible. Je l’ai fait. Il suffit d’essayer le simulateur de vieillissement mis au point par Produkt + Projekt, une PME allemande dont le produit inattendu commence à faire un tabac auprès de tous ceux qui veulent mieux comprendre ce que vivent les personnes âgées.
Rendez-vous chez SCA, un fabricant de couches, vendues notamment en maison de retraite, qui a acheté deux de ces combinaisons. Cela commence comme lorsqu’on se prépare pour une course en rollers. Je mets d’abord des genouillères qui empêchent de plier correctement les jambes, à la manière d’une arthrose.

Puis des coudières qui rigidifient les bras. Des surchaussures à la semelle molle permettent aussi de simuler une démarche hésitante. D’autant que des poids sont placés en bas des jambes et aux poignets. Chaque geste devient plus difficile, plus lent. On ajoute ensuite une sorte de gilet pare-balles de 10 kg, suivi d’une minerve autour du cou. Soudain, je ressemble à un vieil Erich von Stroheim à la silhouette figée, qui peine à effectuer le tour de la salle.

« Plus fort, je n’entends rien ! »

L’étape suivante consiste à coiffer ses oreilles d’un casque qui rend à moitié sourd. Pour entendre la radio, il faut monter le son. « Plus fort, je n’entends rien ! » Le bruit devient vite insupportable pour les autres.

Reste à enfiler deux paires de gants. La première comporte des électrodes qui provoquent des picotements désagréables et font légèrement trembler, un peu comme un Parkinson. La seconde enserre les mains dans une gangue. Tenir un stylo devient ardu. Surtout avec les curieuses lunettes qui brouillent à présent ma vue : les unes comportent une grosse tache noire qui crée une fausse dégénérescence maculaire, les autres imitent la cataracte, le glaucome ou le décollement de la rétine.

Revêtu de tout cet attirail, boire un verre, lacer une chaussure ou marcher relève du défi, et je mesure ce qu’endure ma mère au quotidien, à 90 ans. C’est le but du jeu. Wolfgang Moll a conçu cette combinaison pour se mettre dans la peau de ses clients, à une époque où il travaillait pour un fabricant d’appareils de gymnastique douce destinés aux personnes âgées. « Avec le papy-boom, le nombre de seniors va exploser, et on nous demande ce produit dans le monde entier », explique sa sœur, Regina Moll. Prix : environ 1 500 euros pièce.

Le simulateur sert aux ingénieurs qui créent des douches pour le troisième âge, aux écoles de design, aux structures d’aide à domicile souhaitant sensibiliser leur personnel… « Nous l’utilisons dans les hôpitaux et les maisons de retraite dans le cadre de formations avec les aides-soignantes, indique Nadia Negarville, de Tena (conseil aux personnes souffrant de fuites urinaires, marque de SCA). Cela nous positionne comme un groupe qui s’occupe du vieillissement, pas seulement un vendeur de couches. »

Vient l’heure de retrouver la vue, l’ouïe, la mobilité. Chérie, je me sens rajeunir ! Si c’était possible dans la réalité…

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