Une commission d’enquête sur les relations bilatérales entre la France et l’Azerbaïdjan crée à l’Assemblée française par l`UDI?
À l’agenda de la commission des Affaires étrangères figure une proposition de résolution du groupe centriste sur la création d’une commission d’enquête « chargée d’évaluer les relations politiques, économiques et diplomatiques entre la France et l’Azerbaïdjan ».
L’Union des démocrates et indépendants (UDI) a le droit, comme chaque groupe politique, de solliciter une commission d’enquête par session. Ces demandes sont généralement déclarées « recevables », sans débat sur le fond.
Mais, cette fois, la réunion de la commission des Affaires étrangères ne devrait pas être une simple formalité.
Relations bilatérales menacées
À peine l’UDI avait-elle annoncé son intention que tous ses députés recevaient le même courrier de l’ambassadeur d’Azerbaïdjan en France, Elchin Amirbayov.
« Une adoption de cette résolution aurait de graves conséquences sur les relations bilatérales entre nos deux pays et bien au-delà des intérêts économiques et commerciaux », prévenait-il dans ce courrier daté du 6 juin, dont l’AFP a eu copie.
Le sujet est diplomatiquement sensible, la France étant coprésidente du groupe de Minsk (avec les États-Unis et la Russie), qui cherche à résoudre le conflit du Nagorny-Karabakh, région séparatiste d’Azerbaïdjan à majorité arménienne.
« L’Azerbaïdjan sera obligé de reconsidérer sa position quant à la pertinence de la neutralité de l’État français, ce qui fait risquer à votre groupe parlementaire d’être à l’origine d’une crise diplomatique », affirmait l’ambassadeur.
Pourquoi l’UDI s’intéresse-t-elle à l’Azerbaïdjan, « pays du Caucase avec lequel la France a développé les relations économiques les plus importantes », selon le Quai d’Orsay, qui parle sur son site de « relations bilatérales excellentes », illustrées notamment par deux voyages de François Hollande en 2014 et 2015 ?
À l’origine de la résolution centriste, François Rochebloine invoque cette intensification d’échanges (dont du mécénat culturel de la fondation Heydar Aliev de l’épouse du Président) avec ce pays riche en hydrocarbures.
À la tête de ces élus, le député républicain Jean-François Mancel préside « l’Association des amis de l’Azerbaïdjan », financée par la fondation Heydar Aliev.
Interrogé par l’AFP, Jean-François Mancel « assume totalement » ses liens avec le régime. Le député de l’Oise, qui en relativise le caractère autoritaire et vante sa « tolérance religieuse », a ainsi emmené récemment quatre députés et deux sénateurs républicains« fans de sports mécaniques » au Grand Prix de Formule 1 le 19 juin à Bakou.
Il raconte que la délégation a rencontré le président Heydar Aliev et l’a assuré, comme rapporté par l’agence d’information d’État de l’Azerbaïdjan, de sa « mobilisation à l’Assemblée nationale pour empêcher les initiatives négatives contre l’Azerbaïdjan ».
Jean-François Mancel accuse François Rochebloine de vouloir « régler ses comptes » après avoir été mis en examen pour avoir qualifié l’Azerbaïdjan « d’État terroriste ». « Moi, je ne demande pas de commission d’enquête sur le chantage électoral des Franco-Arméniens sur l’UDI », grince-t-il.
« Procès en sorcellerie », rétorque le président du groupe UDI, Philippe Vigier, balayant aussi de « faux arguments » sur cette ingérence inédite du Parlement dans des relations bilatérales.
Ce sera à Elisabeth Guigou (PS), comme présidente de la commission des Affaires étrangères, de présenter mercredi la recevabilité formelle de la demande UDI.
Elisabeth Guigou, qui n’a pas répondu à l’AFP, a plaidé en vain auprès de l’UDI pour une simple « mission d’information », qui serait symboliquement moins forte et n’obligerait pas des diplomates français à venir témoigner sous serment, alors qu’il est peu probable que des Azéris s’y présentent de leur côté.
par Said Musayev