La France doit renouer avec la Russie

  27 Juin 2016    Lu: 4451
La France doit renouer avec la Russie
La politique française vis-à-vis de la Russie n’a pas à être pro-russe ou anti-russe, elle doit correspondre à l’intérêt de la France et de l’Europe.
La Russie, même dans ses frontières réduites, est une pièce majeure de l’échiquier international. Mais elle n’a plus la puissance et les moyens de mener une politique impérialiste. La France doit souhaiter sa consolidation et non pas chercher son affaiblissement.

La géographie, l’histoire, l’économie et la culture font de la Russie un pays très proche de la France et souvent du reste de l’Europe. Par ses élites et sa classe moyenne, elle est largement européenne. Or les relations entre elle et l’Union Européenne n’ont cessé de se détériorer. Sans doute a-t-elle ses torts.

Une relation fondamentale

Mais l’Union a pris un certain nombre de décisions jugées hostiles par Moscou, en particulier son élargissement à des Républiques ex. soviétiques, suivi d’adhésions à l’OTAN. S’y est ajouté l’accord d’associations avec l’Ukraine obligeant celle-ci à un choix exclusif en faveur de l’Europe, quand Poutine de son côté ambitionnait de créer une union eurasiatique incorporant l’Ukraine.

Successeur de l’URSS, la Russie entend être l’interlocuteur stratégique des Etats-Unis. Mais les Américains se sont retirés unilatéralement du traité ABM , tandis que les Russes suspendaient l’application à leur territoire du traité sur les forces conventionnelles . Les Etats-Unis installent en Europe de l’Est un bouclier antimissile . Ils ne souhaitent pas le retour de la Russie dans le G8 et ils font obstacle à son entrée dans l’OCDE. D’autre part pour la Russie, l’Asie est un marché et non pas un allié stratégique. La Chine elle-même n’est pas une alternative.

Ainsi la relation entre la Russie et l’Europe reste fondamentale pour l’une et pour l’autre. L’intérêt de la France est que la Russie s’arrime à l’Europe. Notre objectif en particulier doit être que celle-ci établisse avec Moscou un partenariat global touchant à tous les domaines, économique, culturel, sécuritaire…, s’ouvrant à l’ensemble des problèmes du monde.

La question de l`Ukraine

Or notre politique actuelle ne va pas dans ce sens. Il importe au contraire de considérer nos rapports avec la Russie, sans angélisme, mais dans un esprit nouveau, exempt de l’esprit de guerre froide qui marque souvent l’attitude des Etats-Unis, de l’Union Européenne, ainsi que de l’OTAN.

Cette dernière mène une politique antirusse – comme tout récemment le déploiement de forces terrestres à l’Est - , qui est dangereuse pour la paix et n’est de l’intérêt de personne, serait-ce celui des pays de l’Est.

Mais aucun progrès notable ne pourra être envisagé dans les rapports de la France avec la Russie tant que durera la situation en Ukraine, dans laquelle celle-ci a une grande part de responsabilité au-delà même de l’annexion de la Crimée.

De son côté le Parlement de Kiev n’a pas accompli ce qu’il devait faire en vertu des accords de Minsk II . La France et l’Allemagne doivent à la fois faire pression sur Moscou pour ce qui le concerne, et être le moteur de la réforme constitutionnelle à Kiev avec mise en place d’un statut régional dans le Donbass.

La fin des sanctions

Les sanctions doivent être prorogées : elles sont pourtant un non sens. Sans influence sur la politique russe à l’égard de l’Ukraine, elles sont hautement dommageables pour les économies européennes.

En attendant que la situation permette de véritables avancées dans nos rapports avec la Russie, il est souhaitable de préparer ce moment par la reprise du dialogue à différents niveaux : meilleur fonctionnement des organes officiels franco-russes , mais aussi échanges et coopérations entre les milieux économique, académique, scientifique et culturel, coopérations décentralisées entre les Régions et les villes, échanges de jeunes scolaires, accueil d’étudiants russes, etc. Saisissons l’occasion de la visite de Vladimir Poutine à Paris en octobre pour l’inauguration de la nouvelle église russe et différentes manifestations culturelles.

De bonnes relations entre la Russie et les autres pays impliquent aussi de réagir à tout ce qui peut les compromettre, comme l’escalade dans les armements en général ou certaines décisions récentes de l’OTAN ou encore plus ponctuellement les provocations militaires russes à l’encontre de nos sous marins.

Francis Gutmann est ambassadeur de France et président du Club des Vingt dont les membres sont Hervé de CHARETTE, Roland Dumas, Bertrand Dufourcq, Gabriel Robin, Général Henri Bentegeat, Bertrand Badie, Henri Laurens, Denis Bauchard, Claude Blanchemaison, Hervé Bourges, Rony Brauman, Jean-François Colosimo, Jean-Claude Cousseran, Régis Debray, Anne Gazeau-secret, Jean-Louis Gergorin, Renaud Girard, Pierre Morel, François Nicoullaud.

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