La discrimination linguistique demeure un véritable fléau en UE

  09 Juin 2016    Lu: 698
La discrimination linguistique demeure un véritable fléau en UE
Des appels à l’élaboration d’un texte législatif ou même à la nomination d’un commissaire chargé des langues retentissent à travers l’Europe pour combattre les cas de plus en plus nombreux de discrimination.

Azvision.az rapporte à l`Euractiv que lors d’un événement organisé la semaine dernière par la gauche (GUE/NGL) et les verts (Verts/ALE) au Parlement européen, plusieurs eurodéputés et responsables d’autres institutions internationales se sont rencontrés pour débattre de la discrimination linguistique dans l’UE et partager des exemples concrets sur la manière dont elle affecte les citoyens européens.

L’eurodéputé Josu Juaristi (GUE/NGL), qui vient du Pays Basque, a raconté le parlement espagnol avait un jour tout simplement refusé d’examiner un projet de loi, car il n’avait pas été traduit du basque à l’espagnol. Pourtant, l’Espagne a signé et ratifié le Charte du Conseil de l’Europe sur les langues régionales ou minoritaires.

Paul Bilbao-Sarria, également basque, a également souligné que la constitution espagnole accorde aux citoyens le droit de parler leur propre langue, mais que les Espagnols avaient « le devoir » de parler castillan. Une disposition qui a mené à des situations où un enfant basque, par exemple, est incapable de communiquer avec un docteur qui parle espagnol. Rien que l’année dernière, plus de 1 000 cas de discrimination ont été enregistrés dans un grand nombre de secteurs.

France, l’État rebelle

Le Pays Basque, tout comme sa langue, est un cas unique, puisque les droits linguistiques varient selon le côté de la frontière nationale : le Pays Basque français ou l’espagnol. La France, qui n’a pas encore ratifié la charte du Conseil de l’Europe, a été qualifiée d’« État rebelle » par Alexis Quentin, de l’Institut occitan. Celui-ci a critiqué le cadre règlementaire de la France, qui n’octroie un financement aux écoles de langues qu’après cinq années de fonctionnement.

L’année dernière, l’eurodéputée Liadh Ní Riada (GUE/NGL) a carrément fait une « grève de la langue» en refusant de parler autre chose que sa langue natale, l’irlandais, au Parlement européen. Elle accusait son gouvernement de vouloir procéder au « démembrement » de cette langue. Présente lors du débat, elle a soutenu que les panneaux de signalisation devraient être seulement en irlandais, notamment dans les régions où cette langue est parlée. Pour elle, quand les panneaux sont traduits en anglais, cela rabaisse le statut de l’irlandais.

La plupart des participants ont contesté l’utilisation de l’expression « langues minoritaires ». Ramon Tremosa, eurodéputé ALDE, a ainsi expliqué que le catalan ne devrait pas être considéré comme une « langue minoritaire » puisque le terme suggère qu’il existe une hiérarchie linguistique. Il a aussi rappelé que le FC Barcelone, un des plus grands clubs de foot au monde, tweetait en catalan et avait plus de cinq millions de « followers ».

Dans le même esprit, Dayyth Hicks, secrétaire général du réseau européen pour l’égalité des langues (ELEN), qui parle le cornouaillais, a affirmé qu’il y avait plus de 60 langues régionales et minoritaires dans l’UE, parlées par plus de 55 millions de personnes, soit 10 % de la population européenne.

L’UE à la traine

Pour Dayyth Hicks, l’UE devrait élaborer un texte législatif comme elle le fait pour protéger d’autres choses, comme la directive Oiseaux et Habitats.

Certains ont proposé de mettre en place un observatoire indépendant pour s’assurer que les principes de non-discrimination de la Charte des droits fondamentaux sont pleinement respectés. D’autres enfin, veulent nommer un médiateur ou un commissaire chargé de la protection des droits et la diversité linguistiques.

La Commission a déjà nommé un commissaire en charge du multilinguisme entre 2007 et 2010. Le poste, attribué au roumain Leonard Orban, n’a cependant pas fait long feu, car l’exécutif considérait qu’il faisait doublon avec d’autres portefeuilles.

Conchúr Ó Giollagáin, expert des langues écossaises, a déclaré qu’il était remarquable que les langues gaéliques, comme l’écossais, l’irlandais ou le gallois, aient survécu étant donné « l’ethnocide » dont elles ont été victimes. Le professeur recommande la mise en place d’une commission d’urgence pour changer la vision selon laquelle les langues moins parlées sont de simples « accessoires esthétiques ».

Dans l’ensemble, les eurodéputés et spécialistes présents lors de l’événement ont reproché à l’UE de ne pas assez intervenir dans le domaine des langues. Kristina Cunningham, de la DG Éducation et Culture de la Commission a toutefois insisté sur le fait sur l’exécutif avait les mains liées en matière de discrimination linguistique. En effet, le traité de Lisbonne donne à la Commission le pouvoir de légiférer contre la discrimination basée sur le sexe, la race, l’origine ethnique, la religion, les croyances, le handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle – mais pas sur les langues.

Kristina Cunningham a poursuivi en disant que même si la Commission avait cette compétence, il était « dix fois plus difficile de proposer quelque chose maintenant que lors de la précédente Commission ».

Quand un membre de l’audience lui a demandé si l’échec de l’exécutif dans ce domaine pouvait mener à un sentiment anti-européen, elle a toutefois répondu : « si c’est le cas, c’est parce que les gouvernements nationaux rejettent la faute sur l’UE ».

Pour Kristina Cunningham et Iryna Ulasiuk, de la haute commission de l’OSCE sur les minorités nationales, ce n’est pas avec des sanctions et des mesures punitives que l’on peut convaincre les États membres de promouvoir la diversité linguistique. Un propos auquel Davyth Hicks s’est opposé. Selon lui, des sanctions devraient être imposées aux États membres qui ne respectent pas les chartes.

Davyth Hicks a aussi fait référence à une procédure d’infraction lancée en 2015 par la Commission contre la Slovaquie, qui discrimine les enfants roms. Même si la raison officielle de l’ouverture du dossier était le manque d’accès à l’éducation pour motifs raciaux ou ethniques, ELEN insiste sur l’aspect linguistique de cette discrimination.

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