Les femmes représentent 39% de la population active mondiale, gagnent en moyenne 18% de moins que les hommes, sont seulement 13% à siéger dans les conseils d`administration et 9% au poste de PDG: l`égalité professionnelle progresse, mais à petits pas.
«Où sont les femmes?» Au vu de la très faible présence féminine au sein de l`écosystème numérique français, le célèbre tube de 1977 de Patrick Juvet peut continuer d`inonder les ondes. Car la révolution numérique semble reproduire les inégalités hommes/femmes, alors qu`elle se targue de «disrupter» les consciences.
Selon une étude du cabinet EY réalisée conjointement avec l`association France Digitale, 91% des start-ups hexagonales sont dirigées par des hommes.
Pis, dans la première promotion des 48 start-ups ayant bénéficié du pass «French Tech» -- dispositif visant notamment à faciliter l`accès aux financements -- seulement une était dirigée par une femme, Céline Lazorthes, la fondatrice du service de cagnottes en ligne Leetchi.
«Clairement c`est préoccupant, on a l`impression d`être dans une phase de régression», s`inquiète la secrétaire d`Etat au numérique Axelle Lemaire, dans un entretien accordé à l`AFP.
«Aujourd`hui en 2015, le constat que je suis obligée de faire, c`est que dans le secteur économique le plus porteur, celui qui créé des emplois et de la valeur, les femmes sont quasiment absentes», déplore-t-elle.
Alors qu`il se targue de renverser l`ordre établi de la «vieille économie» et ses principes jugés archaïques, et est porté par une nouvelle génération n`ayant pas forcément hérité des préjugés du passé, le numérique reproduit paradoxalement les mêmes schémas d`exclusion, voire même les approfondit.
«J`ai parfois le sentiment que l’avènement du numérique emmène une nouvelle forme d`exclusion», s`alarme Mme Lemaire. «C`est inquiétant car pourtant la création d`entreprises, c`est une manière de faire voler en éclat le plafond de verre», ajoute-t-elle.
Dès la formation, les femmes sont sous représentées, très peu nombreuses étant celles sortant des écoles d`ingénieur, amenant les rares à s`y aventurer à être parfois préemptées par des entreprises soucieuses de diversité.
«La proportion de femmes dans certaines écoles d`ingénieurs ne dépasse pas les 5 à 10%, ça n`incite pas forcément les femmes à y aller. Pourtant, il y a un gros besoin de féminisation du secteur», estime pour sa part Erwan Kezzar, cofondateur de l`école de programmation informatique Simplon.co.
Véronique di Benedetto, présidente de la commission femmes du numérique pour l`organisation Syntec Numérique le reconnaît aisément, le problème se situe au niveau du vivier: «il y a autant de jeunes hommes que de jeunes femmes en terminale S (scientifique) mais beaucoup d`entre elles s`orientent vers des métiers qu`elles voient avec du contact humain, médecine, le commerce, il y a un stéréotype qui s`est créé sur le numérique que l`on voit comme un métier d`homme et solitaire».
Manque de modèles
«Dès le plus jeune âge on montre, volontairement ou non, que c`est un univers d`hommes avant tout, ce qui joue sur la conscience et l`inconscient des enfants», pense Charlotte de Broglie, organisatrice de l`Ada week, semaine consacrée à la question.
L`événement, qui s`est déroulé du 12 au 17 octobre à Paris, a regroupé 500 femmes qui «étaient confrontées à la problématique et (avaient) la volonté de tenter de la résoudre».
Parmi les femmes ayant choisi la voie du numérique, la question ne se pose pas en ces termes. Si barrières il y a, les femmes «se les mettent toutes seules», estime Diane, 25 ans, développeuse de programme chez Criteo.
«L`informatique ou les nouvelles technologies, ça s`apprend de la même manière pour un homme ou une femme, ce n`est pas inné», rappelle la jeune femme.
Pour Arbia Smiti, fondatrice de «Carnet de mode», plateforme de distribution pour les jeunes créateurs, le manque d`héroïnes ou de modèles de réussite auxquels s`identifier reste préjudiciable.
«Si vous demandez à tous les entrepreneurs hommes qui les ont inspiré, ils vont vous répondre Steve Jobs ou Elon Musk», explique-t-elle.
«Mais pour les femmes, il y en a très peu malheureusement, à part peut-être Sheryl Sandberg...et elle n`est pas entrepreneuse», explique la jeune dirigeante trentenaire et ingénieure de formation, en référence à la numéro 2 de Facebook devenue égérie de la lutte pour la promotion des femmes dans le numérique grâce au succès de son livre «En avant toutes», paru en 2013 et vendu à des centaines de milliers d`exemplaires.
Mais toutes le disent, il n`est pas question pour elles d`être mises en avant parce qu`elles sont des femmes. Si elles veulent être reconnues, c`est uniquement pour leurs compétences professionnelles.
Si la prise de conscience est là, les solutions commencent à apparaître, mais pourraient prendre du temps. L`école Simplon.co a tenté de mettre en place une promotion de femmes pour sa prochaine session, de novembre, et d`autres écoles tentent d`attirer des jeunes femmes.
Dans le cadre de la création de la Grande école du numérique lancée en septembre, qui permettra notamment à des jeunes sans diplôme ou à la recherche d`un emploi de se former aux nouvelles technologies, le gouvernement a de son côté fixé «un objectif de 30% de recrutement de jeunes femmes parmi les apprenants», indique Mme Lemaire.
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