En dégainant le 49-3 pour la loi travail, Hollande et Valls prennent cette fois un gros risque politique

  11 Mai 2016    Lu: 498
En dégainant le 49-3 pour la loi travail, Hollande et Valls prennent cette fois un gros risque politique
par Said %usayev
LOI TRAVAIL - Convoqué ce mardi, le conseil des ministres extraordinaire a autorisé le premier ministre à recourir à l`article 49-3 sur la loi Travail.

AZVISiON.az rapporte le HuffPost que Valls a annoncé quelques minutes plus tard à l`Assemblée qu`il allait y avoir recours. En envisageant de passer en force, François Hollande et Manuel Valls jouent le tout pour le tout. Après avoir manié la carotte en cédant sur les points les plus sensibles du texte, le couple exécutif s`est résolu à brandir le bâton, faute d`avoir obtenu une majorité de compromis, pour tenter de faire fléchir les derniers réfractaires à gauche.

"Il faut être honnête intellectuellement! On ne peut pas dire que le gouvernement n`a pas cherché le compromis", a plaidé en vain le premier ministre pendant la réunion du groupe socialiste qui s`est tenue à huis-clos et où les frondeurs ont refusé de soutenir la voie médiane proposée par le rapporteur du texte, Christophe Sirugue. Résultat des courses, le gouvernement s`apprête à faire jouer l`article 49-3 qui entraîne l`adoption automatique d`un texte si l`exécutif n`est pas renversé dans la foulée par une motion de censure.

Une démonstration d`autorité qui expose toutefois François Hollande et Manuel Valls à un risque politique et un risque social. Car si la fracturation de la gauche était déjà à l`oeuvre au moment de la loi Macron, elle aussi adoptée au forceps, le contexte politique et social est désormais autrement plus explosif. Et le recours au 49-3 pourrait tout simplement mettre le feu aux poudres.

Vers un schisme parlementaire à gauche

Déjà fissurée de toutes parts, la majorité parlementaire risque désormais d`exploser pour du bon. Engagés dans une lutte de principe avec le gouvernement, les frondeurs et la gauche de la gauche semblent désormais décidés à aller jusqu`au bout de leurs menaces. Quitte à faire tomber le gouvernement.

Alors que la droite et les centristes se disent déjà prêts à déposer une motion de censure en cas de 49-3, le président des députés communistes, André Chassaigne, a confirmé que son groupe tenterait de réunir une "motion de censure de gauche" contre le gouvernement, et ce avec le soutien d`une partie du groupe socialiste. "Nous avons l`espoir de réunir les 58 députés nécessaires", a-t-il précisé devant la presse.

Le député Pouria Amirshahi (ex-PS) se dit prêt à voter la censure même si elle est déposée par la droite. Le chef de file des frondeurs Christian Paul ne l`exclut pas lui-même.

D`où qu`elles viennent, ces motions de censure ont très peu de chances d`aboutir, même si la droite et la gauche de la gauche unissent leurs voix contre l`exécutif. Mais le fait que des socialistes votent pour la chute d`un gouvernement du même bord serait en revanche une première qui ne resterait pas sans conséquence.

"Christian Paul a passé la ligne jaune en annonçant ce matin vouloir voter la censure de la droite en cas de 49.3", a immédiatement répliqué sur Twitter le patron du PS, Jean-Christophe Cambadélis. Manière de sous-entendre que des sanctions disciplinaires (suspension, exclusion du groupe voire exclusion du PS) pourraient être prises. Ce qui acterait l`implosion du groupe socialiste et achèverait de rendre irréconciliables, à un an de l`élection présidentielle, les deux gauches qui s`affrontent depuis la seconde moitié du quinquennat.

Des arguments pour doper la contestation sociale

A plus court terme, le recours au 49-3 risque surtout de nourrir la contestation sociale qui s`est manifestée dès le début de ce projet de loi. "Je peux comprendre qu`on puisse utiliser toutes les armes de la Constitution quand le Parlement bloque une réforme soutenue par l`opinion, par le mouvement social. Mais là, ce n`est absolument pas le cas", s`alarme l`ancien ministre Benoît Hamon, l`un des chefs de file de l`aile gauche du PS.

Face à la rue qui s`oppose encore et toujours à la réforme du code du travail, le gouvernement espérait opposer la légitimité d`un vote parlementaire à l`arraché mais indiscutable. Avec une adoption sans le moindre vote, cet argument de légitimité s`évanouit et risque au contraire de renforcer la mobilisation comme cela avait été le cas lors de l`adoption au forceps du CPE en 2006.

"Recourir au 49-3, ce n`est pas pour ça que la mobilisation s`arrêtera", assure le patron de FO Jean-Claude Mailly alors qu`une nouvelle journée de grèves et de manifestations est déjà programmée pour ce jeudi.

Le mouvement Nuit debout s`est lui fendu d`un rare communiqué sur Facebook pour dénoncer "une insulte au peuple". S`indignant contre "ce déni de démocratie après un mouvement social qui a regroupé des centaines de milliers de personnes dans la rue, dans les entreprises, les universités, les lycées et sur les places de France", le collectif se fait menaçant en promettant de répondre "par tous les moyens légitimes en proportion au mépris affiché".

"Nuit debout" appelle d`emblée à une action de "désobéissance civile, assumée et menée à visage découvert" devant l`Assemblée nationale ce mardi à 18h.

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