Turquie: la police prend de force le contrôle de médias indépendants

  28 Octobre 2015    Lu: 747
Turquie: la police prend de force le contrôle de médias indépendants
A seulement quatre jours des éléctions législatives anticipées, la police a donné, en direct, l`assault contre le siège de deux chaînes de télévision proches de l`opposition.

La dérive autoritaire du Président Recep Tayyip Erdogan ne cesse de s`accentuer en Turquie. Ce mercredi, la police turque a en effet pris, de force, le contrôle de Bugün TV et Kanaltürk, deux chaînes de télévision proches de l`opposition.

A quatre jours des élections législatives anticipées, les forces de l`ordre ont pris d`assaut, en direct devant les caméras, le siège de Bugün TV et Kanaltürk, dont la maison-mère a fait l`objet lundi d`une mise sous tutelle judiciaire très controversée. Le groupe de médias Koza-Ipek est en effet réputé proche de l`imam Fethullah Gülen, "l`ennemi public numéro 1" du chef de l`Etat.

>> Lire aussi: Fethullah Gülen, l`imam qui fait trembler Erdogan

"Ici, c`est ma chaîne!"
Avec des gaz lacrymogènes et des canons à eau, les forces de l`ordre ont d`abord dispersé les salariés du groupe qui défendaient alors leur siège derrière un mur de pancartes "Bugün ne se taira pas". Elles ont ensuite forcé l`entrée du bâtiment avec d`énormes pinces coupantes, selon les images publiées sur le site internet de Bugün TV.

Des policiers ainsi que l`un des nouveaux administrateurs du groupe - nommés par la justice - ont ensuite investi la régie des deux télévisions et en ont pris le contrôle manu militari, malgré l`opposition d`un des rédacteurs en chef. "Quel est votre titre ? Ici, c`est ma chaîne", a lancé Tarik Toros.

Pendant ce face à face dans les étages, des affrontements ont également éclaté devant le bâtiment entre la police et les manifestants, parmi lesquels des députés de l`opposition. Plusieurs personnes ont été arrêtées, a rapporté la chaîne de télévision privée NTV.

"Tous ceux qui sont responsables de cette décision devront répondre de leurs crimes devant l`histoire", a dénoncé sur place un député de l`opposition, Baris Yarkadas.

"Il y a désormais un précédent", s`est inquiété sur Twitter un autre député de l`opposition, Eren Erdem. "Le pouvoir a montré aujourd`hui ce qu`il adviendra de ce pays si on ne met pas un terme à cette oppression dimanche". Le hashtag "#nousnenoustaironspas" était le plus utilisé par les utilisateurs de Twitter en Turquie, qui partageaient des photos de cartes de presse ensanglantées.

Inquiétude dans les capitales occidentales

La justice turque a prononcé lundi la mise sous tutelle du groupe Koza-Ipek, accusé selon un procureur d`Ankara de "financer", "recruter" et "faire de la propagande" pour le compte de Fethullah Gülen, qui dirige depuis les Etats-Unis un influent réseau d`ONG, médias et entreprises qualifié par les autorités d`"organisation terroriste".

M. Erdogan reproche à son ex-allié d`avoir bâti un "Etat parallèle" pour le renverser et a multiplié depuis les poursuites judiciaires et les purges contre ses partisans.

Après celle de Bank Asya, le 10e réseau bancaire du pays également proche de M. Gülen, la prise de contrôle de Koza-Ipek a suscité l`inquiétude dans les capitales occidentales. "Nous continuons de presser les autorités turques de faire en sorte que leurs actions respectent les valeurs démocratiques universelles" (...) dont la liberté de la presse et de réunion", a déclaré mardi le porte-parole du département d`Etat américain, John Kirby.

"Très inquiet de la mise sous tutelle d`Ipek Koza juste avant les élections du 1er novembre en Turquie", a par ailleurs tweeté le président du Parlement européen, Martin Schulz.

Le quartier général stambouliote du quotidien Hürriyet a été la cible le mois dernier de deux attaques de manifestants qui chantaient des slogans favorables au chef de l`Etat. Et l`un de ses chroniqueurs vedettes, Ahmet Hakan, a été passé à tabac devant son domicile, peu de temps après avoir été menacé d`être "écrasé comme un insecte" par un éditorialiste du quotidien Star, proche du régime.

Le gouvernement turc se défend de vouloir étouffer les médias et M. Erdogan répète régulièrement que la presse de son pays est "la plus libre du monde". Pourtant, la Turquie pointe à la 149e place, sur 180, au classement mondial de la liberté de la presse établi le mois dernier par l`ONG Reporters sans frontières, derrière la Birmanie (144e) et juste devant la Russie (152e).

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