Apprenons à connaître l’Azerbaïdjan - Interview de Nathalie Goulet

  10 Octobre 2015    Lu: 1886
Apprenons à connaître l’Azerbaïdjan - Interview de Nathalie Goulet
Après l’Eurovision en 2012, puis les Jeux européens en 2015, la République d’Azerbaïdjan entend être reconnue au plan mondial. Nathalie Goulet, sénatrice de l’Orne, soutien cette action malgré les critiques apparues en France depuis quelques semaines.

L’Orne Combattante : - Pour quelles raisons avez-vous soutenu la venue de l’Azerbaïdjan à la foire de Montilly-surNoireau?

Nathalie Goulet : « D’abord, j’entretiens avec ce pays, et mon mari avant moi, des relations amicales suivies depuis 15 ans. Ambroise Dupont, ancien sénateur du Calvados, présidait le groupe d’amitié au Sénat et mon collègue, Pascal Allizard, est membre de ce groupe. D’un point de vue économique, il me paraît essentiel de me battre afin que notre territoire et ses habitants puissent profiter de marchés qui s’ouvrent, à l’étranger, et notamment avec ce pays du Caucase. L’Azerbaïdjan est un pays reconnu au plan international, une république stable, solvable à laquelle nous pouvons vendre des services et des biens dont ils ont besoin. Nous ne pouvons pas laisser passer l’occasion. L’Orne doit développer ses relations avec l’Azerbaïdjan.

« Il y a des marchés possibles au plan agro-alimentaire »

En février 2013, le Ministre de l’agriculture d’Azerbaïdjan est venu en France à acheter des vaches, avec son carnet de chèques dans la poche. Il est reparti de France en investissant sur 900 charolaises du département de l’Yonne, car sa réception dans l’Orne avait été, comment dire, fraîche… Je ne supporte pas que l’Yonne, ou dernièrement l’Alsace, conquiert des marchés sur lesquels nous avons la possibilité de tirer notre épingle du jeu alors que notre département était précurseur. C’est frustrant, surtout que les échanges avec la France progressent : les exportations ont crû de 26,5 % entre 2010 et  2011 et continuent sur le même rythme. François Hollande ne s’y est pas trompé pas d’ailleurs car, après Nicolas Sarkozy en 2011, il a visité ce pays en 2014 et aussi cette année.

Apprenons donc à nous connaître mutuellement, afin de travailler ensemble. Je pense qu’il y a beaucoup de choses à faire en ce qui concerne l’agroalimentaire par exemple. »

O.C. : Parmi les critiques émises ces dernières semaines, il apparaît que la liberté de la presse n’y est pas respectée. Qu’en pensez-vous ?

N.G. : « Les critiques viennent du fait que la « qualité démocratique » du pays n’est pas avé-rée. Elles sont excessives et peu objectives. L’Azerbaïdjan subit un double standard insupportable dans ces avalanches de critiques injustes. Souvent, on oublie que ce pays est occupé et en guerre. Je pense qu’il faut relativiser. L’Azerbaïdjan a 24 ans, c’est un pays très jeune. Ses pays voisins, la Russie au nord et l’Iran au sud, sont des pays turbulents. L’Azerbaïdjan est en guerre ouverte contre l’Arménie, il y a des morts tous les jours mais on n’en parle jamais. L’Azerbaïdjan travaille, dans le cadre du Conseil de l’Europe, dans lebut d’améliorer son fonctionnement démocratique. Rien ne se construit en un jour. Le processus électoral s’est amélioré. Certes, il reste des problèmes. La liberté de la presse fait partie des problèmes qui se posent. Il faut les accompagner pour les aider à évoluer. Mais l’« Azerbaïdjanbashing » quotidien est agaçant et non-constructif.

D’ailleurs, avec notre ambassadeur et le président du groupe d’amitié au Sénat, nous avons été mi-septembre rendre visite à des prisonniers incarcérés à Bakou, dont Mme Leyla Yunus. Preuve de la bonne volonté des dirigeants et de notre vigilance sur ces situations. »

« Les femmes ont eu le droit de vote dès 1921 »

O.C. : Comment se positionne l’Azerbaïdjan au plan international ?

N. G. : « Sur un plan géostratégique, l’Azerbaïdjan est l’allié de l’Europe. La Russie grignote la Géorgie tous les jours et noyaute son gouvernement. Elle occupe et manipule l’Arménie. Le seul pays du Caucase du sud à avoir une réelle souveraineté, c’est l’Azerbaïdjan. C’est un pays très occidentalisé qui résiste à la Russie. Il s’agit aussi d’un partenaire commercial important, notamment pour la France pour ce qui est du pétrole, du gaz et de la coopération agricole. L’Azerbaïdjan est en plein développement.

En Azerbaïdjan, les femmes ont eu le droit de vote en 1921. Si on persiste à regarder toujours les choses du mauvais côté sans mesurer les efforts accomplis, on va repousser le pays dans les bras de la Russie ou de l’Asie. Il faut garder l’Azerbaïdjan comme allié de l’Europe.

O.C. : Et face à l’islamisme radical ?

N.G. : « D’abord, l’Azerbaïdjan est une république laïque. Il y a une communauté juive, des églises et aucun problème avec les chrétiens. C’est un pays qui appartient à la conférence islamique, mais qui entretient des relations diplomatiques avec Israël. Il n’y a jamais eu de problème ’antisémitisme. L’Azerbaïdjan fait par ailleurs barrage à l’islamisme radical et fait partie de la coalition contre Daesh. Mais encore une fois, on ne peut pas tout obtenir en un jour, et il faut arrêter de s’obstiner sur ce qui ne va pas si c’est pour ignorer les évolutions positives. »

O.C. : Avec quels Etats devons-nous traiter ?

N.G. : « La question de savoir s’il ne faut traiter qu’avec les grandes démocraties est un sujet bien théorique. La diplomatie et la vie des affaires font que la politique de la France se réalise à l’extérieur de nos frontières. Nos clients et partenaires comme l’Arabie saoudite, la Chine ou d’autres pays encourent aussi des critiques des associations qui militent pour les droits de l’Homme, mais les situations sont incomparables.

L’Azerbaïdjan est un pays ami qu’il faut encourager dans son processus démocratique et je vous le dis très posément, si nous ne devions parler et commercer qu’avec les grandes démocraties, nous serions biens seuls.

Je ne sous-estime pas le débat éthique, mais la réalité de la vie politique est autre. L’Arabie saoudite a une balance commerciale de plus de 187.777 millions USD (Source  : OMC - Organisation Mondiale du Commerce ; Banque Mondiale, dernières données disponibles 2014). Donc, traitons l’Azerbaïdjan comme ce pays mérite de l’être, soit un pays ami et allié. Multiplions des coopérations culturelles qui réunissent les peuples et les cultures comme nous le faisons à Montilly. C’est ainsi que nous ferons progresser nos valeurs à l’extérieur de nos frontières. »

La main tendue de la France

Pascal Meunier, l’ambassadeur français en Azerbaïdjan, a écrit le 23 mai 2015 à aux maires du département qui ont reçu des subventions via la fondation du patrimoine : « Les autorités françaises sont parfaitement informées de la situation des droits de l’homme en Azerbaïdjan. La France entretient un dialogue suivi avec l’Azerbaïdjan à ce sujet et lui a fait connaître à de multiples reprises sa préoccupation. […] Je pense que c’est en développant des relations de tous ordres avec ce pays que nous l’aiderons à se rapprocher des valeurs auxquelles nous tenons. »

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