Peine de mort: hausse alarmante des exécutions en 2015

  06 Avril 2016    Lu: 1150
Peine de mort: hausse alarmante des exécutions en 2015
Moins de pays ont prononcé la sentence capitale en 2015. Pourtant, selon les dernières données collectées par Amnesty International, les exécutions ont augmenté de 54% cette même année.

Le chiffre est alarmant : 1.634 exécutions en 2015. C’est 573 de plus qu’en 2014. Le rapport sur le recours à la peine de mort d’Amnesty International dresse un bilan paradoxal. Si les pays abolitionnistes étaient plus nombreux en 2015, ceux qui ont condamné à mort l’ont fait avec acharnement. Parmi eux, l’Arabie Saoudite, l’Iran et le Pakistan. Des pays qui ont connu une véritable frénésie d`exécutions après des procès inéquitables.

Et ces données ne prennent pas en compte les milliers d’exécutions en Chine où les informations sur les condamnations à mort sont classées "secret d’Etat". L’ONG a cessé de publier ses estimations qu’elle juge très en deçà de la réalité chinoise.

89% des exécutions dans trois pays



L’Arabie Saoudite, l’Iran et le Pakistan sont en tête de ce classement sinistre. Les trois pays sont responsables à eux seuls de près de 90% des exécutions dans le monde.

"L’Arabie saoudite, l’Iran et le Pakistan ont fait exécuter un nombre impressionnant de condamnés à mort, à l’issue bien souvent de procès d’une iniquité flagrante. Ce massacre doit cesser", a déclaré Salil Shetty, secrétaire général d’Amnesty International, dans un communiqué de presse publié mercredi 6 avril.

L’Iran a exécuté au moins 977 prisonniers en 2015, contre 743 l’année précédente. La république islamique est l’un des derniers pays au monde à condamner à mort des mineurs délinquants, ce qui constitue une violation flagrante du droit international.

Après un moratoire de six ans, le Pakistan, a repris les exécutions en 2014 suite au massacre de l’école de Peshawar qui a fait 141 morts dont 132 enfants. Avec 320 personnes exécutées, le pays enregistre le plus fort taux d’exécutions jamais constaté par Amnesty International en un an.

En Arabie Saoudite, 158 personnes, parmi lesquelles 73 personnes de nationalité étrangère, ont été exécutées. L`ONG dénonce l’exécution de travailleurs immigrés ne parlant pas l’Arabe et pouvant difficilement bénéficier des services d’un traducteur.

En Europe, le seul pays à appliquer la peine de mort était toujours la Biélorussie mais aucun prisonnier n`a été exécuté en 2015.

Outre-Atlantique, les États-Unis étaient également, pour la septième année consécutive, le seul pays de leur continent à avoir exécuté des prisonniers. 28 personnes ont subi l`une des formes de peine capitale dans six Etats. C`est le chiffre le plus faible enregistré depuis 25 ans. Cette baisse est notamment liée aux difficultés, pour certains Etats, d’obtenir les produits chimiques nécessaires aux injections létales.

Condamnations à mort en baisse

Amnesty International a enregistré 1998 condamnations à mort dans 61 pays en 2015. Un chiffre inférieur à celui de 2014 où 2446 condamnations avaient été prononcées. Selon l’organisation, c`est en fait la difficulté d’accéder aux chiffres dans des pays comme l’Iran, le Nigeria, l’Arabie Saoudite, la Somalie et le Vietnam, qui explique cette baisse.

L’Egypte a été le pays qui a le plus prononcé la peine capitale avec 538 sentences de mort. La condamnation de 183 islamistes ou sympathisants des Frères musulmans accusés d’avoir tué des policiers fait exploser ce chiffre. Fin 2015, 20.2992 personnes à travers le monde attendaient dans les couloirs de la mort.

Violation du droit international

Les chiffres sont inquiétants. La réalité derrière les décisions de justice l’est encore davantage. Les pays qui exécutent le plus violent le droit international et le Pacte international relatifs aux droits civils et politique de l’Onu, pourtant ratifiés par l’Iran, l’Indonésie ou le Pakistan.

"De part le monde, des centaines de prisonniers sont exécutés à l’issue de procès manifestement iniques : des "aveux" extorqués sous la torture sont retenus à titre de preuve, les accusés ne peuvent pas consulter un avocat et ne bénéficient pas d’une assistance juridique satisfaisante", dénonce Amnesty International.

Au Japon, Okunishi Masaru est décédé en octobre 2015, à l’âge de 89 ans, après 46 ans en prison à clamer son innocence. Au Pakistan, Aftab Bahadur, condamné à mort pour un crime commis à 15 ans, a été exécuté en juin 2015 alors que le seul témoin à charge était revenu sur son accusation faite sous la pression de la police.

Des pays comme l’Iran, la Malaisie, l’Arabie Saoudite et le Pakistan condamnent à mort des délinquant mineurs (personnes âgées de moins de dix-huit ans au moment du crime qui leur est reproché). Des prisonniers avec un handicap mental continuent à être exécutés ou attendent dans les couloirs de la mort en Biélorussie, Indonésie, Japon, Pakistan et Etats-Unis.

Selon le droit international, les pays non abolitionnistes doivent prononcer une sentence de mort pour les "crimes les plus graves" parmi lesquels ne figurent pas les infractions en relation avec les stupéfiants. L’Indonésie a pourtant exécuté 14 prisonniers pour des crimes liés à la drogue. Le Français Serge Atlaoui attend son exécution depuis 2005. En vertu de la législation iranienne, très dure en matière de stupéfiants, une personne trouvée en possession de 30 grammes d’héroïne ou de cocaïne ou autres drogues chimiques encourt la peine de mort.

L’Iran comme l’Arabie Saoudite punit également le blasphème et l’apostasie par la mort. Mohamed Ali Taheri, maître spirituel et scientifique iranien, a été condamné à la peine capitale pour "diffusion de la corruption dans le monde".

102 pays abolitionnistes

"2015 a été l’année des extrêmes. Elle a été marquée par des évolutions très inquiétantes, mais aussi par des raisons d’espérer", a déclaré Salil Shetty.

Malgré le bilan catastrophique de certains pays, la peine de mort reste une exception mondiale. L’année dernière, quatre pays ont aboli la peine de mort. Ainsi, pour la première fois, une majorité de pays du monde (102) ont pleinement aboli la peine capitale. En tout, ils sont 140 à être abolitionnistes en droit ou dans la pratique. En 1977, au début de la campagne contre la peine de mort d’Amnesty International, seul 16 pays avaient aboli la peine de mort.

"Quels que soient les revers à court terme, la tendance à long terme est nette : le monde abandonne progressivement la peine de mort. Les pays qui se livrent encore à des exécutions doivent comprendre qu’ils se situent du mauvais côté de l’histoire et abolir ce châtiment, le plus cruel et inhumain qui soit.", affirme Salil Shetty.


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