COP28 : un accord historique pour une «transition hors des énergies fossiles» d’ici 2050

  13 Décembre 2023    Lu: 647
COP28 : un accord historique pour une «transition hors des énergies fossiles» d’ici 2050

Après une nuit de prolongation, les pays du monde entier ont approuvé mercredi 13 décembre à la COP28 à Dubaï une décision historique appelant à une «transition» vers l'abandon des énergies fossiles, une première dans l'histoire des conférences sur le climat de l'ONU. Jusqu’ici, les énergies fossiles n’avaient jamais figuré dans les déclarations finales de COP: il avait fallu attendre celle de Glasgow en 2021 pour qu'apparaisse la « réduction du charbon».

Le texte issu de douloureuses négociations a été adopté par consensus à Dubaï, aucune voix ne s'élevant parmi les quelque 200 nations représentées en séance plénière avant le coup de maillet entérinant son adoption. Dès l'ouverture de cette session - expéditive - de clôture, les délégués ont adopté la décision préparée par les Émirats arabes unis, déclenchant une ovation debout et un tonnerre d'applaudissements des délégués. Il s'agit d'une décision «historique pour accélérer l'action climatique», a déclaré Sultan al-Jaber, président de la conférence de l'ONU et patron de la compagnie pétrolière émiratie, Adnoc.

«Victoire du multilatéralisme»
«Nous avons une formulation sur les énergies fossiles dans l'accord final, pour la première fois», a-t-il ajouté, déclenchant de nouveaux applaudissements. «Nous devons être fiers de ce succès historique, et les Émirats arabes unis, mon pays, sont fiers de leur rôle pour y parvenir», a-t-il encore déclaré. «Nous quittons Dubaï la tête haute.» «L'accord de la COP28 qui vient d'être adopté est une victoire du multilatéralisme et de la diplomatie climatique», a pour sa part réagi la ministre française de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher, présente à Dubaï. Elle a ajouté que la mention de l'énergie nucléaire dans l'accord constituait une «reconnaissance historique et une victoire diplomatique pour la France». Le texte «marque le début de l'ère post-fossiles», a déclaré la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen.

Une source proche de la présidence émiratie estime que le texte a été finement «calibré» pour tenter de réconcilier des points de vues opposés, et notamment éviter un blocage de l'Arabie saoudite. Tout en laissant volontairement un peu d'ambiguïté dans les formulations pour que chacun y trouve son compte.

La dernière version du texte adopté à Dubaï est ainsi assez «inventive» pourrait-on dire. Chaque mot a été négocié. Il y a nettement moins d'options et de conditionnel que dans les précédentes versions qui circulaient ces derniers jours. L'expression «énergies fossiles» revient deux fois. Mais il n'est plus question d'en sortir d'ici à 2050, mais de «transitionner hors des énergies fossiles dans les systèmes énergétiques, d'une manière juste, ordonnée et équitable, en accélérant l'action dans cette décennie cruciale, afin d'atteindre la neutralité carbone en 2050 conformément aux préconisations scientifiques». Un barbarisme proposé par la québécoise Caroline Brouillette, directrice du Réseau action climat Canada. « Cela veut dire la même chose, autrement », confirme un délégué d'un pays africain.

Ce dernier remarque toutefois que le texte ne fait pas la part belle aux pays africains qui doivent faire autant d'efforts que les pays riches, sans avoir de moyens adéquats, ni obtenu de différenciation. Il est toutefois prévu de doubler les fonds pour l'adaptation. Le texte constate que les financements (pour l'atténuation et l'adaptation) promis à 100 milliards de dollars par an, n'ont hélas pas été atteints en 2021.

Ce texte évoque aussi la lutte contre les émissions de méthane d'ici à 2030 et des autres gaz à effet de serre, et, par ailleurs, le triplement de l'usage des énergies renouvelables d'ici à 2030. Enfin, les technologies de captage et de stockage de carbone sont évoquées, comme réclamé par les pays de l'OPEP, de même que le nucléaire et des énergies de transition moins émettrices « qui pourrait être un jupon pour l'utilisation du gaz naturel », explique de manière imagée Caroline Brouillette. Par ailleurs, le terme « unabated » (sans atténuation) est utilisé, mais seulement pour le charbon, comme le réclamait l'Inde.

«Un pas en avant»
«Nous avons fait un pas en avant par rapport au statu quo mais c'est d'un changement exponentiel dont nous avions vraiment besoin», a déclaré Anne Rasmussen, dont le pays préside l'alliance des petits États insulaires (Aosis), suscitant des applaudissements debout de représentants européens et d'autres nations.

Un seul pays pouvait objecter à l'adoption d'une décision à la COP, selon les règles de l'ONU Climat, et une possible objection de dernière minute de l'Arabie saoudite ou de l'Inde rendait nerveux les observateurs. «Si Glasgow (2021) était la première fissure dans le barrage avec l'appel à réduire le charbon, maintenant c'est une grosse rupture avec l'extension au pétrole et au gaz», s'est félicité auprès de l'AFP Alden Meyer, du groupe de réflexion E3G. «Les Saoudiens essaient de colmater furieusement le barrage mais le sens de l'histoire est clair», juge-t-il.

Sultan al-Jaber s'évertuait depuis plus de 24 heures à sauver une COP qu'il avait annoncée comme «un tournant», à même de préserver l'objectif le plus ambitieux de l'accord de Paris, adopté il y a huit ans : limiter l'élévation de la température mondiale à 1,5°C. Le premier projet de texte émirati, lundi, avait suscité un tollé car il listait trop d'options au choix et n'appelait pas à la «sortie» des énergies fossiles, dont la combustion depuis le XIXe siècle est largement responsable de l'élévation actuelle des températures mondiales de 1,2°C, par rapport à l'ère préindustrielle.

«Je pense que tout le monde sera content que, dans un monde secoué par la guerre en Ukraine et au Moyen-Orient et tous les autres défis d'une planète qui patauge», «il y ait une raison d'être optimiste, d'avoir de la gratitude et de se féliciter tous ensemble ici», a déclaré l'émissaire américain pour le climat, John Kerry. «L'ère des énergies fossiles doit se terminer, et elle doit se terminer avec justice et équité», a déclaré le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres après l'accord.

afp


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