Sport, gloire et argent: les combats de béliers au Nigeria

  27 Mars 2016    Lu: 426
Sport, gloire et argent: les combats de béliers au Nigeria
Aucune trace de stress dans les yeux ambre de Roi du Pétrole avant d`entrer dans l`arène: ce bélier champion des poids moyens va affronter l`un de ses congénères en demi-finale au Stade national de Lagos, la capitale économique du Nigeria.
Le bélier tout blanc semble à peine se rendre compte du tapage causé par la foule, à 50 mètres de là. Mais sous ses airs de mouton placide, se cachent une ténacité et une agressivité à toute épreuve.

Dayo Folami a acheté Roi du Pétrole il y a trois ans pour moins de 50.000 nairas (250 euros). Cet homme d`affaires presque quadragénaire assure que son bélier est aujourd`hui «inestimable».

«J`ai gagné beaucoup d`argent grâce à sa force», déclare Folami à l`AFP. «Il n`abandonne jamais».

Qu`est-ce qui motive les béliers à s`affronter devant des spectateurs humains ? C`est un mystère, même pour Folami. «Il n`y a pas de secret, et vous ne pouvez pas les forcer à se battre».

Pour lui, c`est cette volonté innée des béliers à se mettre des coups de tête qui distingue ces combats des autres sports impliquant des animaux.

Avec 8 catégories de poids et des arbitres, l`Association nigériane des amoureux des béliers (Ram Lovers Association of Nigeria, RLAM) s`efforce d`appliquer des règles strictes pour assurer la reconnaissance de ce sport, ainsi que le fair-play entre les animaux.

«C`est comme la boxe. Et les béliers sont comme n`importe quels athlètes», explique Basheer «Bash» Agusto, membre de l`association et propriétaire de Petit Tigre, un champion des poids plume.

Dès qu`un animal fait preuve d`aptitudes au combat, «on s`assure qu`il ne manque de rien. Il faut leur donner des vitamines et bien nettoyer leurs sabots», recommande Agusto.

Pour cet autre homme d`affaires à la chaîne en or et aux cheveux gris coiffés façon punk, les combats de béliers sont une échappatoire à la vie quotidienne au Nigeria où la pauvreté reste endémique, malgré les énormes ressources pétrolières du pays.

«Les gens n`ont pas les moyens d`aller au club de golf ou au club de voile... Donc ils viennent ici, c`est une distraction abordable».

Ebola contre Attila

Sous un soleil de plomb ce dimanche-là, des centaines de personnes sont venues assister aux combats, maintenus à distance des béliers seulement par une corde orange et bleue.

Des vendeurs proposent du popcorn et de la suya - de la viande grillée, salée et épicée, servie avec des oignons rouges et des tomates - tandis que des contorsionnistes habillés de rayures jaunes et vertes se donnent en représentation devant les VIP assis à l`ombre des tentes.

Sur le sable, des béliers aux noms de guerriers historiques (Attila, Spartacus) croisent des congénères affublés de noms de maladies souvent fatales (Ebola, Malaria).

D`après les règles nigérianes, en début de tournoi, les béliers ont droit à trente «coups» avant que l`arbitre ne déclare le match nul. En finale, un animal peut donner jusqu`à 100 coups de tête.

Mais parfois le combat n`a pas lieu, quand les béliers non belliqueux se réfugient précipitamment derrière leur propriétaire, sous les rires et les huées du public.

Les arbitres décident du gagnant en fonction de la puissance des coups, ou simplement quand l`un des adversaires bat en retraite.

A la clef, toute une gamme de prix officiels, allant des voitures aux ustensiles de cuisine. Mais l`essentiel des gains se fait chez les parieurs: des dizaines de milliers de nairas sont mis en jeu à chaque grande compétition.

«Après le football, c`est ça qui rapproche les gens», commente Segun Odulate, assistant de l`arbitre. «Quand vous venez ici, vous ne pensez plus à rien, vous vous concentrez sur les béliers et vous êtes heureux».

Le plus heureux de tous, ce jour-là, c`était Folami, après la victoire de Roi du Pétrole en demi-finale de ce tournoi annuel, en seulement 10 coups. «Je suis très content, je vais en finale !», s`est-il exclamé.

D`ici le match ultime le weekend prochain, Folami ne va rien refuser à son champion. «Il va avoir droit au traitement de faveur, à de la nourriture spéciale», déclare-t-il. «Je sais que nous allons gagner».

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