Accusé d’utiliser sa position de garde des Sceaux pour régler des contentieux personnels, l’ancien ténor du barreau Eric Dupont-Moretti est renvoyé devant la Cour de justice de la République. Il s’agit d’une grande première : si depuis sa création en 1993, huit ministres et deux secrétaires d’État ont été renvoyés devant la CJR, aucun ne l’a été alors qu’il exerçait encore ses fonctions au gouvernement.
Eric Dupond-Moretti était convoqué avec ses avocats à 9h devant la commission d’instruction de la CJR, seule habilitée à juger les membres du gouvernement pour des crimes ou délits commis dans l’exercice de leur mandat.
DEUX DOSSIERS SENSIBLES
Dans le détail, des plaintes de syndicats de magistrats et de l’association anticorruption Anticor accusent le garde des Sceaux d’avoir profité de sa fonction pour ordonner une enquête administrative contre trois magistrats du Parquet national financier en septembre 2020. Ces derniers avaient fait éplucher ses factures téléphoniques détaillées quand il était encore avocat au barreau, dans le but de débusquer une éventuelle taupe qui aurait informé Nicolas Sarkozy qu’il était sur écoutes dans l’affaire de corruption dite «Paul Bismuth».
Éric Dupond-Moretti est également accusé d’avoir diligenté des poursuites administratives contre un ancien juge d’instruction détaché à Monaco, Edouard Levrault, qui avait mis en examen un de ses ex-clients.
AUCUN MINISTRE EN EXERCICE RENVOYÉ DEVANT LA CJR
«Compte-tenu des conditions dans lesquelles l’instruction a été menée, nous n’avons malheureusement aucune illusion sur le sens de la décision qui doit être rendue ce lundi», ont expliqué ce vendredi les avocats du ministre auprès de l’AFP. Ils ont également précisé avoir déposé une nouvelle plainte pour violation du secret de l’instruction, déplorant que «des pans entiers du réquisitoire définitif du procureur général» aient été révélés par Le Monde «afin de nuire» à leur client, selon eux.
Tout au long de l’enquête, Éric Dupond-Moretti a répété n’avoir fait que «suivre les recommandations de son administration». Un argument qui n’a pas convaincu le ministère public, qui a requis un procès contre le ministre. Le procureur général avait alors jugé qu’il existait des «charges suffisantes» à son encontre pour qu’il soit jugé.
AFP
Tags: France