Londres autorise les expulsions de migrants au Rwanda

  10 Juin 2022    Lu: 683
Londres autorise les expulsions de migrants au Rwanda

À quelques jours des premiers départs prévus, la justice britannique a autorisé vendredi 10 juin le projet controversé du gouvernement de renvoyer au Rwanda des demandeurs d'asile, rejetant le recours d'associations de défense des droits humains.

Le juge de la Haute Cour de Londres Jonathan Swift, qui examinait l'affaire en urgence, a jugé «important dans l'intérêt public que la ministre de l'Intérieur puisse mettre en œuvre des décisions de contrôle de l'immigration». Les plaignants, dont les associations Care4Calais et Detention Action, ont interjeté appel, qui sera entendu lundi à la veille d'un premier vol transportant une trentaine de demandeurs d'asile vers le pays d'Afrique de l'Est, au grand dam de l'ONU et d'associations d'aide aux réfugiés qui dénoncent une politique «illégale». Lundi, la Haute Cour doit entendre un autre recours, intenté par l'association d'aide aux réfugiés Asylum Aid.

Un «programme néocolonial»
Sonya Sceats, directrice générale de l'association Freedom From Torture, s'est dit «déçue» mais a souligné que le combat était «loin d'être terminé», promettant d'utiliser «tous les moyens disponibles» pour que soit abandonné ce qu'elle considère comme un «programme néocolonial». Ce projet très décrié a aussi été dénoncé vendredi par l'opposition travailliste comme une tentative de «diversion» face aux scandales politiques affaiblissant le premier ministre Boris Johnson. En envoyant des demandeurs d'asile à plus de 6000 kilomètres de Londres, ce qui rappelle la politique menée par l'Australie, le gouvernement conservateur compte dissuader les traversées clandestines de la Manche, toujours plus nombreuses.

Depuis le début de l'année, plus de 10.000 migrants ont traversé illégalement la Manche pour atteindre les côtes britanniques sur de petites embarcations, une hausse considérable par rapport aux années précédentes, déjà record. Lors de l'audience, l'ONU a vivement condamné cette stratégie, par la voix de son avocate. Représentant le Haut-commissariat aux réfugiés (HCR), Me Laura Dubinsky a déclaré que l'agence onusienne s'inquiétait du risque de «préjudice grave et irréparable» causé aux réfugiés renvoyés au Rwanda, et n'approuvait «en aucun cas l'arrangement anglo-rwandais». «Le HCR n'est pas impliqué dans l'arrangement entre le Royaume-Uni et le Rwanda, malgré les affirmations contraires de la ministre d'État», a-t-elle souligné, accusant le gouvernement de mensonges.

Plus de 130 demandeurs d'asile
Selon l'organisation Care4Calais, quelque 35 Soudanais, 18 Syriens, 14 Iraniens, 11 Égyptiens mais aussi 9 Afghans ayant fui les talibans font partie des plus de 130 demandeurs d'asile qui se sont vus notifier leur possible départ. Selon l'avocat du gouvernement britannique, Mathew Gullick, 32 migrants doivent être envoyés au Rwanda la semaine prochaine et d'autres vols devraient suivre dans les prochains mois. Le Rwanda, dirigé par Paul Kagame depuis la fin du génocide de 1994 qui a fait 800.000 morts, selon l'ONU, est régulièrement accusé par des ONG de réprimer la liberté d'expression, les critiques et l'opposition politique.

Vendredi, vingt-trois ONG ont appelé les dirigeants du Commonwealth à faire pression sur le Rwanda, qui accueille à partir du 20 juin une réunion de l'organisation, pour que ce pays libère des critiques du pouvoir et permette une plus grande liberté d'expression. Pour autant, le ministère de l'Intérieur britannique se dit «déterminé» de mettre en œuvre son projet, martelant qu'il est «pleinement conforme au droit international et national».

Pour le porte-parole de Boris Johnson, ce plan est «la bonne approche, notamment pour lutter contre les gangs criminels qui exploitent les migrants sur les côtes françaises et les forcent à monter dans des embarcations inaptes à la navigation pour effectuer une traversée incroyablement dangereuse vers le Royaume-Uni». Le gouvernement a laissé entendre que les demandeurs d'asile pourraient s'installer définitivement au Rwanda. Au Hope Hostel, à Kigali, qui se prépare à les accueillir, le gérant, a souligné que son établissement «n'est pas une prison» mais un hôtel dont les résidents seront «libres» de sortir.

AFP


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