Le «patient zéro» du Sida n`est pas celui qu`on pensait

  10 Mars 2016    Lu: 974
Le «patient zéro» du Sida n`est pas celui qu`on pensait
Une nouvelle étude génétique présentée à l`occasion de la Conference on Retroviruses and Opporunistic Infections (CROI), à Boston, montre que Gaëtan Dugas, un steward canadien, ne serait pas le fameux «patient zéro», ayant introduit le virus du Sida en Amérique de Nord.
En 1982, Gaëtan Dugas participe à une étude sur les premiers malades du Sida du Center for Disease Control (centre pour le contrôle des maladies). Très vite, le CDC établit un lien entre ce steward canadien, et 40 des 248 premiers cas de Sida aux États-Unis. En 1987, c`est le journaliste Randy Shilts, dans son best-seller And The Band Played On, qui contribue à démocratiser le terme de «patient zéro». Il avait fait de Gaëtan Dugas - homosexuel - «l`homme qui a transmis le Sida aux Américains», du fait d`une vie sexuelle très active.

Pourtant, comme le démontre le magazine américainScience, une nouvelle étude génétique réalisée par Michael Worobey, un biologiste moléculaire de l`université d`Arizona à Tuscon, vient de balayer cette thèse. Le scientifique a présenté son étude lors d`une conférence sur les rétrovirus et les infections opportunistes, à Boston. Il explique avoir analysé la séquence génétique de souches virales présentes dans des échantillons sanguins collectés en 1978 et 1979 chez des hommes homosexuels et bisexuels de San Fransisco et New York. Ces séquences ont été comparées à celle du virus contenu dans un échantillon de Gaëtan Dugas, collecté en 1983, et la biologie moléculaire a parlé: Gaëtan Dugas n`est pas le premier homme à avoir transmis le virus du Sida.

Une épidémie qui remonte aux années 1970

Le VIH, virus à ARN, (une molécule biologique), mute à chaque fois qu`il se reproduit. En partant de ce postulat, il est possible de dresser un arbre phylogénétique et d`estimer le temps qui sépare plusieurs isolats viraux en fonction d`une sorte d`horloge moléculaire. En d`autres termes, il est possible de situer le génome viral de Gaëtan Dugas dans le temps. Or l`épidémie américaine du Sida remonte aux années 1970 pour New York et 1975 pour San Fransisco. Michael Worobey explique, lui, que le génome viral hébergé par Dugas est proche de celui de souches virales qui circulaient à Haïti, «où il s`était rendu en 1977», soit bien après le début de l`épidémie new-yorkaise.

Atteint en juin 1980 d`un virus qui ne porte pas encore son nom, et identifié en en novembre 1982, les dates ne coïncident donc pas avec le début de l`épidémie. Gaëtan Dugas est simplement un homme infecté du VIH, comme des milliers d`autres à cette époque. Gilles Pialoux, auteur du Sida 2.0 et chef du service des maladies infectieuses et tropicales à l`hôpital Tenon, à Paris, avait déjà fait état de cette thèse. Pour lui, pas de doute, le «patient index», ou «patient zéro» est africain, et il ne sera jamais possible de le retrouver. En effet, l`histoire a déjà prouvé que l`épidémie n`était pas née aux États-Unis mais en Afrique centrale, entre le Cameroun, le Gabon et la République démocratique du Congo. Le virus aurait ensuite voyagé entre l`Afrique et Haïti en 1966, puis de Haïti en Amérique du Nord en 1972 et, enfin, de l`Amérique du Nord à l`Europe entre la fin des années 70 et le début des années 1980.

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