D`une cage abandonnée où un panneau au message quasiment effacé remercie les visiteurs de "respecter la propreté des lieux", une odeur pestilentielle se dégage. Des cadavres de crocodiles et d`un lion figé dans une posture incongrue achèvent de pourrir au soleil. Des os de biches gisent alentour.
L`écaille des crocodiles a été percée.
Le propriétaire du zoo, Mohammed Aweda, explique qu`il a extrait les entrailles avec l`intention d`empailler les reptiles.
Toutes les autres cages sont vides et envahies par la végétation. Des chats couverts de poussière se jouent des barreaux dont la peinture vert bouteille s`écaille. Un chiot hurle à la mort dans sa cage, son strident dans ce mouroir.
Le tigre "n`a pas mangé de viande depuis quatre jours. Le nourrir représente un budget de 250 shekels par jour", soit près de 60 euros, "une somme que je n`ai même pas réussi à gagner avec les visites du zoo en un an", explique M. Aweda dans les allées désertées et envahies par les mauvaises herbes.
Pourtant, il y a quelques années, dans son petit zoo de 2.000 mètres carrés au milieu des terres agricoles de Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, familles et enfants se pressaient chaque jour pour découvrir, pour trois shekels seulement (70 centimes d`euros) des aigles, des lions, un tigre, une petite troupe de cervidés, une demi-douzaine de pélicans, des crocodiles.
La guerre aussi pour les animaux
Mais entre 2008 et 2014, la bande de Gaza, territoire gouverné son partage par le mouvement islamiste palestinien Hamas, ennemi d`Israël, a connu trois guerres.
Les bêtes ont elles aussi été touchées par les bombardements. Mohammed Aweda raconte avoir perdu 80 animaux. Les hostilités terminées, "j`ai attendu des jours avant de pouvoir entrer tellement l`odeur de mort était forte. J`ai trouvé des cadavres un peu partout".
La guerre de 2014 a dévasté le territoire et tué 2.251 personnes côté palestinien selon l?ONU. Côté israélien, elle a fait 73 morts, dont 67 soldats.
Le blocus israélien imposé à l`enclave, la fermeture par l`Egypte de sa frontière asphyxient l`économie. Les visiteurs d`autrefois ne peuvent plus se payer le luxe de dépenser leur argent dans des loisirs.
Le cimetière à ciel ouvert qu`est devenu le zoo de Khan Younès, probablement l`un des plus ravagés du monde, contraste avec les beaux jours qu`a connu l`établissement.
Un tigre à vendre
Naguère, se souvient Tamer al-Nirab, qui conduit un bus scolaire, des dizaines d`enfants venaient tous les jours par autocars entiers. "Plus personne ne peut se permettre cette dépense", explique-t-il. Quatre-vingts pour cent de la population dépend de l`aide internationale.
A l`époque, les soixante cages du zoo étaient remplies de pensionnaires bien nourris, qui faisaient vivre confortablement la famille Aweda et ses 13 membres.
Pour continuer à assurer au minimum la nourriture et l`entretien des animaux, tous ont dû se mettre à travailler à l`extérieur.
"Certains de mes frères sont devenus chauffeurs, d`autres ont trouvé à s`employer dans de petits commerces", explique Mohammed Aweda devant la cage où s`agite et gronde son tigre de huit ans qui en impose encore avec ses 180 kilos et son pelage luisant.
Pour venir ici, "il a pris l`avion", explique pas peu fier Mohammed. "Du Sénégal à l`Egypte, puis du Sinaï à Gaza en passant par un tunnel", amener ce tigre lui a donné du fil à retordre. Aujourd`hui, il mise tout sur lui. Il lui cherche un acheteur qui en donnerait 30.000 dollars (27.250 euros).
Ensuite, assure-t-il, il vendra aussi la terre. Et c`en sera fini du petit zoo de Khan Younès.
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