Japon: haro sur les "privilèges" accordés aux jeunes mamans

  04 Mars 2016    Lu: 870
Japon: haro sur les "privilèges" accordés aux jeunes mamans
"Je pars, je n`en peux plus": Akane, trentenaire japonaise, quitte l`emploi qu`elle avait pourtant repris après la fin de son congé maternité. Pourquoi ? La jalousie de collègues qui lui reprochent des horaires moins longs, des absences plus fréquentes, pour cause de jeune enfant.
Employée à Tokyo d`une société d`intérimaires, Akane avait un bon souvenir de ses quatre années passées dans un centre d`accueil téléphonique, avant de devenir mère.

Contrairement à beaucoup de jeunes mamans japonaises, elle avait décidé de revenir assez vite travailler. Mais ce qu`elle a vécu ensuite, elle ne le souhaite à personne: des réflexions, une pression incessante ("pourquoi tu travailles moins que nous ? Tu pourrais confier ton gosse à ta mère quand il est malade, au lieu de prendre une journée") et la passivité du supérieur hiérarchique, "pourtant gentil", raconte-t-elle à l`AFP.

"Le plus étonnant est que ces attitudes étaient le fait de femmes, plus que d`hommes", souligne-t-elle.

Le cas d`Akane n`est pas unique. Le harcèlement envers les jeunes mamans ("matahara") tend à s`amplifier à mesure que, poussées par le gouvernement inquiet de la baisse de main-d`oeuvre et de la dénatalité, les entreprises leur accordent des avantages pour les inciter à revenir après avoir enfanté.

"La situation est franchement grave", alerte Maeko Takenobu, essayiste auteur de divers ouvrages sur l`activité féminine. "Car en réalité, beaucoup souffrent en silence, n`ayant économiquement pas d`autre choix que de travailler".

Le gouvernement a lancé une campagne "stop matahara", accompagnée de numéros de téléphone pour dénoncer "des attitudes et pratiques illégales", mais les femmes ont souvent peur de parler.

Horaires aménagés = handicap

Selon une récente enquête diligentée par le ministère japonais du Travail, 48% des femmes qui étaient intérimaires au moment de leur grossesse disent avoir subi des brimades (le plus souvent verbales) de la part de leur supérieur hiérarchique direct ou de collègues.

La proportion est de 21% pour les salariées à temps plein sous contrat à durée indéterminée.

L`an passé, la maison de cosmétiques Shiseido a, malgré elle, créé un choc. Elle a remisé une partie de la politique favorable aux jeunes mamans travaillant comme conseillères beauté dans les espaces Shiseido des grands magasins ou boutiques spécialisées. Depuis 1991, elles pouvaient bénéficier d`horaires plus courts et aménagés, mais du coup, elles étaient absentes aux heures auxquelles les clientes sont les plus nombreuses (en fin de journée et le week-end), ce qui a fait râler les autres.

Le groupe se défend de revenir en arrière, mais argue qu`en travaillant aux horaires les plus chargés, les mamans peuvent davantage améliorer leurs compétences et prétendre ainsi aux promotions au sein du groupe.

L`argument peut convaincre ou au contraire faire peur aux jeunes femmes qui songent à devenir mamans dans un pays où les mères culpabilisent à l`idée de confier leur enfant à quelqu`un d`autre, hormis les professionnels des crèches et écoles.

Fière d`être enceinte ?

En dehors du travail aussi, les femmes enceintes se sentent incomprises.

Il y a dix ans exactement, a été instauré au Japon un badge pour permettre de signaler un état de grossesse. Certaines futures mères refusent de porter ce petit macaron sur lequel est indiqué "j`ai un bébé dans le ventre" sous un dessin représentant une maman et son petit à naître.

"Le gynécologue m`a recommandé de ne montrer le badge qu`avec prudence, à cause des risques" (jalousie, remarques désobligeantes...), a écrit Masaki (@masaki77) sur son compte Twitter, un message qui a déclenché un flux continu de témoignages convergents depuis des mois.

Conçu pour créer "un environnement convivial pour les femmes enceintes dans les trains, lieux de travail et espaces publics" (dixit le ministère japonais de la Santé), ce macaron est aussi utile si la personne fait un malaise ou lors d`un accident ou d`une catastrophe naturelle pour que les secouristes n`emploient pas de traitement ou moyen potentiellement dangereux pour l`enfant à naître.

"Las, le sens de ce badge est souvent compris comme de la vanité relative à la grossesse alors que le but est seulement de signaler un état qui ne se devine pas nécessairement", souligne le site spécialisé "Akachan no heya".

Cette ambiance est un handicap de plus pour la maternité au moment où les pouvoirs publics ont toutes les peines du monde à trouver des mesures natalistes efficaces.

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