Le ministre marocain des Affaires étrangères Nasser Bourita a fait savoir que les vraies raisons de cette crise diplomatique avec Madrid, premier partenaire commercial du Royaume du Maroc, étaient principalement l’admission par le gouvernement espagnol du chef des séparatistes du polisario, Brahim Ghali, sur son territoire sous une fausse identité et un faux titre de voyage et sans informer Rabat de sa présence sur le sol espagnol.
Invité d'Europe Soir week-end le 23 mai dernier sur Europe1, le ministre marocain des Affaires étrangères, de la coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger, Nasser Bourita est revenu sur la crise actuelle diplomatique entre Rabat et Madrid. Selon lui, l’Espagne a créé la crise avec le Maroc et l’a fait assumer à l’Europe.
«L’Espagne n’a pas consulté l’Europe avant de prendre les décisions qui touchent les intérêts du Maroc. L’Espagne n’a pas consulté l’Europe avant de passer outre des normes Schengen pour accepter l’entrée de manière frauduleuse d’une personne recherchée par la justice espagnole. L’Espagne a créé une crise et elle veut l’assumer à l’Europe», a indiqué M. Bourita.
Selon le ministre, «il faut placer la crise entre le Maroc et l’Espagne dans un contexte». «Un contexte de crise bilatérale entre le Maroc et l’Espagne» et «une crise qui n’a rien à voir avec l’Europe, une crise qui a été créée par une décision nationale de l’Espagne sans concertation avec ses partenaires européens».
Cette personne fait l’objet de nombreuses plaintes pour crimes perpétrés en Espagne contre des victimes de nationalité espagnole. Il est accusé de crime de guerre, torture, disparitions volontaires, viol et terrorisme. La partie marocaine exige que l’intéressé réponde impérativement de ses actes devant la justice espagnole.
Donc il s’agit d’un cas d’Etat de droit, d’application de la loi d’abord espagnole et de l’intervention de la justice espagnole», a affirmé M. Bourita. Selon lui, «le Maroc a été clair dès le départ : il s’agit d’un acte contre ses intérêts, d’un acte déloyal qui ne respecte même pas la dignité et les intérêts des victimes espagnoles». Et, «les considérations humanitaires qui sont avancées, ne sont qu’un faux alibi». Car «l’humanitaire ne signifie pas qu’on manœuvre derrière le dos du partenaire. L’humanitaire pour un pays voisin ne signifie pas qu’on change de passeport et qu’on introduit une personne sur l’espace européen. L’humanitaire ce n’est pas oublier le droit des victimes espagnoles et de désactiver la justice espagnole. C’est cela le fond du problème».
L’admission sur le territoire ibérique de cet individu représente, selon les autorités marocaines, un « précédent dangereux » et porte « fortement préjudice » aux relations bilatérales entre les deux pays.
«Pour le Maroc, l’Espagne a créé une crise par des actes. Et l’Espagne par des actes encore doit résoudre cette crise», a assuré M. Bourita. «Il y a dans cette affaire beaucoup d’amalgames et beaucoup de discours fallacieux. Il s’agit d’abord d’un problème entre le Maroc et l’Espagne. Un problème politique», suite à la décision de Madrid d’accueillir le chef du «Polisario», le dénommé Brahim Ghali. La réalité est que l’Espagne a introduit cette personne sur son territoire avec des documents falsifiés et une identité usurpée sans même informer le Maroc», a indiqué le ministre des affaires étrangères.
Parlant de la question migratoire, le ministre a souligné: «Le Maroc n’a pas pour obligation de protéger les frontières autres que les siennes. Le Maroc n’a pas pour vocation d’être le gendarme de l’Europe ni son concierge. Le Maroc le fait dans le cadre d’un partenariat bien compris entre le Maroc et l’Espagne et entre le Maroc et l’Europe. Le Maroc le fait en partenaire. Et si les fondements de ce partenariat ne sont pas respectés, il faut demander à l’Espagne, pays européen, est-ce qu’elle a consulté l’Europe avant d’agir contre les intérêts de ce partenaire. Il faut demander à l’Espagne pourquoi elle a agi de manière frauduleuse pour un criminel de guerre dont elle connaît l’importance par rapport à un sujet important pour le Maroc et les Marocains».
Le Maroc est toujours dans l’attente d’éléments de réponse de la partie espagnole sur les raisons qui l’ont poussée à ne pas l’informer, ni à l’avertir de cette décision lorsqu’elle a été prise. Le Maroc affirme que les considérations humanitaires ne peuvent justifier des actions qui violent le droit international et les principes universels de justice.
En réponse aux critiques tendancieuses de Madrid, Rabat estime qu’il n’a de leçons à recevoir de personne sur sa politique migratoire et d’asile, saluée par les Nations Unies, de nombreuses organisations régionales ainsi que de nombreux Etats à travers le monde, y compris par l’UE.
Pour rappel, le pacte international sur la migration a été adopté en 2018 à Marrakech. Le Maroc a été le premier pays à poser la problématique migratoire dans le contexte international en accueillant la première conférence euro-africaine sur la migration et le développement, sanctionnée par la Déclaration de Rabat de 2006.
Source: ALM