Politique infectieuse, ou le côté sombre du document signé par Lavrov à Erevan - RECHERCHE

  10 Mai 2021    Lu: 1734
  Politique infectieuse,  ou le côté sombre du document signé par Lavrov à Erevan -  RECHERCHE

Un seul document - un mémorandum visant à assurer la biosécurité entre les deux gouvernements - a été signé à l’issue de la visite du ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, en Arménie le 6 mai. Dans le contexte de la nouvelle réalité apparue après la guerre du Karabagh, cela peut sembler une question simple et insignifiante, mais Moscou menait des négociations tendues avec l'Arménie depuis deux ans. Cette question est même semblable à un film policier politique, mais parfois la réalité est plus intéressante que le film. Tel est le cas cette fois-ci.

Selon le mémorandum signé par Lavrov à Erevan, des experts des ministères russes de la Santé et de la Défense pourront suivre les activités des laboratoires biologiques créés par le Pentagone en Arménie. On sait que la  l'Agence pour la réduction des menaces (DTRA) auprès du ministère américain de la Défense a créé des laboratoires biologiques dans 25 pays à travers le monde. Cinq de ces pays - l'Arménie, la Géorgie, l'Ukraine, le Kazakhstan et le Tadjikistan - possèdent des frontières avec la Russie. Et trois sont même membres de l'Organisation du Traité de Sécurité Collective (OTSC)!

L'Arménie a rejoint ce programme en 2008. Selon des informations diffusées par WikiLeaks, le gouvernement américain de l'époque avait promis au gouvernement arménien d’allouer 9 millions de dollars pour la création de  deux laboratoires.

En 2018, un réseau complet de biolaboratoires a été créé en Arménie pour un coût de 50 millions de dollars. Aujourd'hui, les États-Unis possèdent au total 12 laboratoires biologiques en Arménie. Même à Gyumri, où la Russie possède une base militaire, le Pentagone a mis en place son biolaboratoire mystérieux. Bien que ces laboratoires soient officiellement subordonnés au gouvernement arménien, ils étaient dirigés par le représentant du Pentagone, le major Matthew Poppe.

Pourquoi «mystérieux»? Après la révélation de cette question, Moscou a déclaré à plusieurs reprises qu'il était gravement préoccupé par les activités de ces laboratoires, qui sont situés à proximité de ses frontières. Les Russes n'ont pas caché le fait qu'ils considéraient le travail de ces laboratoires comme «militaro-médico-biologique». Il y a exactement un an, le 29 mai 2020, Sergueï Lavrov avait également exprimé cette opinion lors d'une réunion des ministres des Affaires étrangères de l'OTSC.

Le centre, officiellement appelé «contrôle et prévention des maladies» en Arménie, étudie les agents pathogènes - virus et souches qui provoquent diverses épidémies. Il est parfaitement raisonnable que la Russie qualifie le déploiement par les Etats-Unis de ces laboratoires dans les pays membres de la CEI d’une menace pour sa sécurité: pourquoi les Yankees devraient-ils venir étudier leur virus préféré non pas dans leur propre pays ou dans les pays voisins, mais de l'autre côté du monde? Logiquement, le travail effectué dans ces laboratoires ne peut être effectué aux États-Unis car il viole la loi américaine. Mais ce n'est qu'un côté de la question …

Les allégations concernant la production des armes biologiques dans ces centres ont été diffusées à plusieurs reprises dans les médias. En septembre 2018, Igor Giorgadze, ancien chef des services de renseignements de la Géorgie, a affirmé qu'un laboratoire américain situé dans son pays et appelé le centre Lugar, fabriquait en fait des armes bactériologiques. Il n'a pas exclu les expérimentations sur les humains.

Il est intéressant que des employés de trois sociétés biologiques privées américaines - CH2M Hill, Battelle et Metabiota - travaillent dans le centre Lugar à Tbilissi. Tous les trois sont considérés dans le monde entier comme des entrepreneurs du Pentagone et de la CIA. Des laboratoires en Arménie ont été également installés par ces entreprises.

C'est étrange: aux États-Unis, il existe des Agences fédérales appelées des centres pour le contrôle et la prévention des maladies (Centers for Disease Control and Prevention ou CDC) auprès du ministère de la Santé. Le fait que le réseau de laboratoires établi dans les pays étrangers soit subordonné au Pentagone et non à cette institution suffit à susciter des doutes et des soupçons.

Après avoir pris connaissance de cette question, Moscou a commencé à insister sur la possibilité de contrôler ces laboratoires. Malgré des promesses, le gouvernement de Sarkissian ne l'a pas fait. Il est possible que ce facteur ait également joué un rôle dans la position calme de Moscou sur son renversement en 2018.

Le gouvernement de Pashinyan a d'abord entamé des pourparlers avec Moscou sur cette question, puis les a prolongés au maximum. À l'automne 2019, même Moscou et Erevan semblaient si proches pour signer un mémorandum d'accord sur le contrôle des laboratoires biologiques des Etats-Unis. Mais Pashinyan s'est arrêté au dernier moment. Les travaux sur le mémorandum ont été achevés en octobre 2019, le document devait être signé lors de la visite de Sergueï Lavrov à Erevan les 10 et 11 novembre, mais Lavrov a dû rentrer à la maison les mains vides.

Au lieu de cela, en 2019, des représentants de DTRA se sont rendus en Arménie et les parties ont convenu de prolonger le fonctionnement des laboratoires biologiques jusqu'en 2025 …

Au printemps de 2020, le président du parti «Les Aigles arméniens: Arménie unie», a exigé du Pentagone «d'arrêter les expériences biologiques dangereuses en Arménie».

Enfin, après la lourde défaite dans la deuxième guerre du Karabagh, Erevan a signé ce document exigé par Moscou depuis longtemps. Il est très intéressant que son texte soit gardé confidentiel. Très probablement, le document permet aux experts russes d'avoir un contrôle total sur les laboratoires américains ...

Aujourd'hui, Moscou ne cache pas le fait qu'elle souhaite que la Géorgie, l'Ukraine, le Kazakhstan et le Tadjikistan signent le même document.

Vussal Mammadov

Azvision.az


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