En Tanzanie, l’opposition rêve d’alternance

  23 Octobre 2015    Lu: 557
En Tanzanie, l’opposition rêve d’alternance
Des drapeaux à tous les coins de rue, des affiches de plusieurs mètres de haut à l’effigie des candidats placardées le long des avenues ou sur les devantures des maisons de Dar es Salaam, la capitale tanzanienne.

Dimanche 25 octobre, 24 millions d’électeurs – sur les 50 millions d’habitants que compte le pays – sont appelés à renouveler le Parlement et les collectivités locales. Ils doivent surtout élire leur cinquième président depuis l’indépendance du pays en 1961.

A l’angle d’une rue, un groupe de « boda boda », ces chauffeurs de motos-taxis qui chevauchent des cylindrées chinoises, s’égosillent au passage d’un bus aux couleurs de leur formation favorite, le Chadema (Parti pour la démocratie et le développement). « Mabadiliko ! » (changement, en swahili), scandent les motards.

Ce cri de ralliement symbolise l’état d’esprit d’une partie des électeurs tanzaniens qui espèrent une alternance au pouvoir à l’issue du scrutin de dimanche. La vie politique est dominée par le Chama Cha Mapindunzi (CCM, Parti de la Révolution) depuis une cinquantaine d’années, malgré l’instauration du multipartisme en 1992. L’actuel chef de l’Etat, Jakaya Kikwete, élu en 2005 puis en 2010, ne peut se représenter selon la Constitution.

Multiplication de scandales de corruption

« Cette présidentielle est un moment historique. Pour la première fois nous allons vivre une vraie compétition politique », assure l’un des conducteurs de « boda boda », drapeau du Chadema noué autour de la tête. Il se dit convaincu de la victoire d’Edward Lowassa. Ce Massai de 62 ans, ancien premier ministre de 2005 à 2008, a rejoint le principal mouvement d’opposition en juillet après sa défaite lors de la primaire organisée par le CCM. Malgré un scandale de corruption où son nom avait été cité – une histoire de contrats frauduleux entre une compagnie américaine et la société nationale d’électricité – et qui l’avait contraint à la démission en 2008, l’homme reste très populaire auprès des jeunes. « Il est un politicien charismatique et populaire qui a le profil pour remporter les élections et apporter enfin l’alternance », clame Deogratias Munishi du Chadema.

Sept autres candidats sont en lice pour ce scrutin. Parmi eux, John Mafuguli, ancien ministre des travaux publics, désigné par le parti au pouvoir pour éventuellement succéder à l’actuel chef de l’Etat. John Magufuli a été choisi pour sa discrétion et son intégrité, à l’écart des guerres intestines de son parti.

Un pouvoir d’achat en baisse

Si le CCM est moins sûr de remporter les élections cette année, ce n’est pas seulement parce que la nouvelle Constitution interdit au président Jakaya Kikwete de se représenter. Le bilan des dix années passées à la tête du pays y est pour beaucoup. Il n’a pas pu mettre un terme à la corruption qui gangrène l’appareil d’Etat. Selon une étude de la Banque mondiale en 2013, près de 60 % des entreprises travaillant en collaboration avec le gouvernement auraient eu recours à la corruption. Jakaya Kikwete n’a pas non plus tenu ses promesses en matière d’accès à l’éducation et aux services de santé. Le pouvoir d’achat ne cesse de diminuer dans un pays qui connaît une inflation galopante : le shilling tanzanien a chuté de 18,9 % en 2015.

« Si l’opposition a des chances, c’est aussi parce que les citoyens veulent exprimer un ras-le-bol face aux scandales de corruption à répétition », explique Kitila Mkumbo, professeur à l’université de Dar es Salaam, par ailleurs membre du parti ACT Wazalendo, une des huit formations engagées dans la compétition.
Pour le CCM, le scrutin du 25 octobre n’a rien d’historique. « En 2010 aussi, l’opposition était donnée favorite et avait tenu tête au CCM. Pourtant nous avions gagné », minimise Mathias Chikawe, actuel ministre de l’intérieur.

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