En Algérie, la campagne présidentielle commence en catimini

  17 Novembre 2019    Lu: 862
En Algérie, la campagne présidentielle commence en catimini

La campagne électorale pour la présidentielle en Algérie a débuté dimanche dans la discrétion, sept mois après la démission d'Abdelaziz Bouteflika, alors que le déroulement et l'issue de ce scrutin sont incertains en raison de son rejet total par le mouvement de contestation.

Les cinq candidats en lice ont tous participé à ou soutenu les deux décennies de présidence Bouteflika et sont vilipendés par une bonne partie de la population.

Parmi eux, les ex-premiers ministres de M. Bouteflika Ali Benflis et Abdelmajid Tebboune, des septuagénaires, font figure de favoris. À leurs côtés: Azzedine Mihoubi, Abdelaziz Belaid et Abdelkader Bengrina.

La campagne, qui se terminera le 8 décembre à minuit, trois jours avant le scrutin, «s'annonce très difficile», avertit l'universitaire Mohamed Hennad. «J'espère qu'il n'y aura pas de violence et que la contestation demeurera pacifique».

Le «Hirak», mouvement de contestation inédit apparu en février, ne faiblit pas -des manifestations massives continuent chaque semaine- et refuse en bloc ce scrutin présidentiel.

Après avoir obtenu en avril le départ d'Abdelaziz Bouteflika, les contestataires s'étaient déjà opposés à une élection présidentielle prévue le 4 juillet, annulée faute de candidats.

Preuve que cette campagne est «rejetée», explique M. Hennad à l'AFP, aucun candidat n'a osé apposer ses affiches électorales sur les panneaux prévus à cet effet dans la capitale.

Si la plupart des panneaux sont restés vierges, certains ont été détruits et d'autres ont été «recouverts d'insultes». Dans certains endroits, «des affiches de détenus d'opinion ou la liste de leurs noms ont été collées sur ces panneaux. C'est tout un symbole», estime encore cet ancien professeur en Sciences politiques à l'université d'Alger.

Près d'une centaine de manifestants du Hirak sont détenus et/ou sont poursuivis en Algérie, selon le comité national de libération des détenus (CNLD).

Pour M. Hennad, «le grande inconnue demeure la réaction du pouvoir» face à ce rejet catégorique du mouvement de contestation.

Le général Ahmed Gaïd Salah, homme fort du pays depuis la démission de M. Bouteflika, et le haut commandement militaire refusent tout autre scénario de sortie de crise qu'une élection présidentielle et la mise en place d'institutions de transition réclamée par les manifestants.

Samedi soir, le haut commandement a lancé un appel aux Algériens pour les «exhorter» à «participer activement aux côtés des forces» de sécurité afin d'«assurer la réussite de ce rendez-vous crucial pour l'avenir du pays».

«Loin des yeux»
Le communiqué de l'armée précise que les dispositions ont été prises afin de «permettre au peuple algérien de participer massivement à la campagne électorale et au prochain scrutin présidentiel en toute liberté et transparence.»

Depuis près d'un mois, la télévision publique montre des manifestations dans certaines villes en faveur des élections et soutenant le général Gaïd Salah.

A Alger, Youssef, étudiant de 22 ans, regarde les panneaux d'affichages vierges. «Loin des yeux, loin de la colère du peuple», dit-il. «Chiche! Qu'ils viennent dans les quartiers populaires afficher leurs portraits et essayer de nous convaincre», lance son ami Mohamed Amine, 23 ans, également étudiant.

Aucun candidat n'a organisé de meeting dans la capitale ou dans une des principales villes du nord, où le refus d'une présidentielle est clamé chaque semaine.

M. Bengrina a planifié dimanche une tournée dans la capitale avec la presse tout en refusant d'indiquer à l'avance les endroits où il se rendait, les médias étant priés de l'accompagner dans le cortège.

«Si ces élections sont honnêtes, alors la participation se résumera aux cinq candidats, leurs familles, leurs proches, les opportunistes qui les entourent et quelques milliers de votants. En étant très généreux, le taux de participation sera de moins de 10%», relève avec le sourire Mohamed Benbrahim, un octogénaire.

Dans le quartier populaire de Bab el Oued à Alger, Ahmed, un enseignant à la retraite, assure que «cette présidentielle sera enseignée dans les livres d'histoire». «Une élection avec des candidats, mais sans le peuple... C'est vrai que nous (les Algériens) sommes uniques». (AFP)


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