L'Inde révoque la citoyenneté d'un journaliste critique de Modi

  08 Novembre 2019    Lu: 937
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Les défenseurs de la liberté de la presse s'insurgeaient vendredi de la révocation par New Delhi du statut migratoire d'un journaliste britannique d'origine indienne, auteur d'un retentissant article critique du premier ministre Narendra Modi.

Fils d'une célèbre journaliste indienne et d'un haut responsable politique pakistanais, dont l'assassinat en 2011 pour avoir défendu une chrétienne avait fait grand bruit, Aatish Taseer s'était attiré l'ire du gouvernement indien en mai avec la parution d'un article en couverture du magazine américain Time. Le texte consacré à Narendra Modi le présentait comme le «diviseur-en-chef» du géant d'Asie du Sud et avait été publié durant les élections législatives indiennes, qui ont triomphalement réélu le nationaliste hindou.

«S'en prendre au statut migratoire d'un journaliste après la publication d'un article critique montre que le Bharatiya Janata Party (formation au pouvoir en Inde, ndlr) est intolérant à la critique et à la liberté de la presse», a déclaré Steven Butler, responsable Asie du Comité pour la protection des journalistes. Suite à des informations de presse jeudi, les autorités indiennes ont confirmé qu'elles avaient révoqué la citoyenneté indienne d'outre-mer d'Aatish Taseer, 38 ans. Démentant tout lien avec l'article de Time, elles affirment «qu'il a caché le fait que son défunt père était d'origine pakistanaise» et n'y est donc pas éligible. L'Inde ne reconnaissant pas la double nationalité, de nombreuses personnes d'origine indienne, ou des Indiens qui ont pris la nationalité d'un autre pays, possèdent le statut d'«Overseas Citizens of India» (OCI), qui leur permet d'entrer, vivre et travailler en Inde sans visa.

Cette décision laisser planer l'incertitude sur le fait que le journaliste, vivant aujourd'hui à New York, pourra un jour remettre le pied en Inde: «ils m'ont mis sur liste noire. Je ne peux plus venir comme citoyen ordinaire en Inde. Ma grand-mère a 90 ans et vit en Inde et il est possible que je ne la revoie plus jamais», a déclaré l'intéressé à la BBC. Les origines d'Aatish Taseer, qui a été élevé par sa mère seule en Inde, sont pourtant de notoriété publique et n'avaient jusqu'ici jamais posé problème à son statut d'OCI, a-t-il souligné. Il est le fils de Salman Taseer, le gouverneur du Penjab pakistanais tué en 2011 pour avoir pris la défense de la chrétienne Asia Bibi, un assassinat qui avait connu un écho mondial. La relation compliquée du journaliste avec son père, qu'il n'a rencontré pour la première fois qu'à l'âge de 21 ans, fait même l'objet d'un de ses livres.

Sans carte d'OCI, il devra demander un visa pour entrer à chaque fois en Inde, dont l'émission sera conditionnée au bon vouloir des autorités. «Le gouvernement est-il si faible qu'il se sent menacé par un journaliste ?», s'est interrogé dans un tweet Shashi Tharoor, membre du parti du Congrès (opposition).

AFP


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