Un an après l'affaire Khashoggi, l'Arabie saoudite lance son «Davos du désert» en grande pompe

  29 Octobre 2019    Lu: 1034
 Un an après l

FAYEZ NURELDINE / AFP

L'édition 2018 avait été boycottée par de nombreux politiques et investisseurs après des révélations sur le meurtre du journaliste dissident Jamal Khashoggi.

Hauts responsables américains, présidents étrangers et dirigeants de grandes firmes internationales, l'Arabie saoudite lance mardi son «Davos du désert» en grande pompe, à l'opposé de l'édition décevante de 2018, marquée par un boycott après le meurtre du journaliste dissident Jamal Khashoggi. Les autorités ont annoncé que plus de 300 participants venus de 30 pays assisteront au Future Investment Initiative (FII), un événement annuel de trois jours destiné à afficher le pays comme une économie dynamique attrayante pour les investissements étrangers.

Le conseiller et gendre du président Donald Trump, Jared Kushner, considéré comme un proche du prince héritier, est attendu au côté des secrétaires américains au Trésor, Steven Mnuchin, et à l'Energie, Rick Perry, selon le site du FII. Le Premier ministre indien Narendra Modi, le président brésilien Jair Bolsonaro, le roi Abdallah II de Jordanie et plusieurs chefs d'Etat africains doivent également intervenir à cet événement. Parmi les participants, figurent également les PDG de Blackstone Group et de SoftBank Group, deux sociétés de gestion d'actifs de premier plan, ainsi que les présidents des fonds souverains du Koweït, des Émirats arabes unis, de Singapour et de la Russie.

Beaucoup de responsables cette année n'ont aucun scrupule à se rapprocher de l'Arabie Saoudite

Ryan Bohl, du centre de réflexion américain Stratfor

«Le FII de cette année est très différent de celui de l'an dernier. La menace de sanctions qui pèse sur l'Arabie saoudite en raison de son bilan en matière de droits de l'homme, qui a conduit à des boycotts l'année dernière, est désormais révolue», a déclaré à l'AFP Ryan Bohl, du centre de réflexion américain Stratfor. «Beaucoup de responsables cette année n'ont aucun scrupule à se rapprocher de l'Arabie Saoudite», a-t-il estimé. L'édition de l'année dernière avait été hantée par l'assassinat le 2 octobre 2018 de Jamal Khashoggi, journaliste et figure médiatique, au consulat saoudien d'Istanbul qui avait provoqué une onde de choc mondial. L'affaire avait considérablement terni l'image du prince héritier réformateur Mohammed ben Salmane, dont la responsabilité a directement été mise en cause par l'ONU, promoteur d'une Arabie saoudite ouverte à l'économie mondialisée.

Les yeux sur Aramco

Mais un an après, c'est donc surtout l'entrée en bourse très attendue, et maintes fois reportées, du géant pétrolier public Aramco qui devrait susciter toutes les attentions. Le royaume, premier exportateur mondial de brut, prévoit d'inscrire jusqu'à 5% de l'entreprise la plus bénéficiaire au monde, ce qui, selon les analystes, pourrait valoir entre 1.500 et 2.000 milliards de dollars. «Nombreux observateurs internationaux ainsi que la plupart des participants accorderont plus d'attention à l'introduction en bourse retardée d'Aramco qu'aux conséquences de l'affaire Khashoggi», a confirmé à l'AFP Steffen Hertog, professeur associé à la London School of Economics.

Les retombées mondiales de l'assassinat de Khashoggi ont mis à l'épreuve les alliances traditionnelles du royaume avec les puissances occidentales et jeté une ombre sur l'ambitieux programme de réformes du prince héritier visant à sevrer le royaume de sa dépendance au pétrole. La CIA aurait conclu que le prince héritier, dirigeant de facto du pays ultra conservateur, a probablement ordonné ce meurtre horrible. Dans une interview à la télévision américaine, l'intéressé a dit accepter d'endosser la responsabilité de cette affaire, parce qu'elle s'est produite «sous (son) règne». Il a toutefois nié avoir ordonné le meurtre.

Certaines grandes entreprises internationales chercheront à éviter tout risque de mauvaise réputation et donc éviter le faste de la grande conférence FII, mais poursuivront sans doute les négociations dans l'ombre, selon les observateurs. Après le scandale de l'affaire Khashoggi, le gouvernement saoudien a renforcé sa politique d'ouverture à la culture et aux divertissements en accueillants des concerts spectaculaires de stars internationales, en assouplissant les restrictions aux droits des femmes et en délivrant pour la première fois des visas touristiques.

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Mais Ryad peine encore à attirer les investissements étrangers dont elle a besoin, surtout depuis la répression de 2017, lorsque le somptueux hôtel Ritz-Carlton, qui abrite le FII, a été transformé en prison cinq étoiles pour des centaines de chefs d'entreprise saoudiens et certains membres de la famille royale. (AFP)


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