«Fraude!», le slogan qui unit les Chiliens contre les inégalités

  24 Octobre 2019    Lu: 845
«Fraude!», le slogan qui unit les Chiliens contre les inégalités

Apparu sur les réseaux sociaux, omniprésent sur les façades de Santiago, le slogan «Evade» (Fraude!) résume à la perfection les racines de l'explosion sociale qui secoue le Chili depuis près d'une semaine, en critiquant frontalement le modèle économique chilien.

Cet appel à «frauder» formulé par les protestataires chiliens a un double sens. Il fait d'abord référence à l'appel lancé par les lycéens et étudiants le 18 octobre à utiliser le métro sans payer après l'annonce d'une hausse de 3% du prix du ticket, considérée comme injuste par de nombreux usagers. Mais il évoque également les manoeuvres de l'élite politique et économique pour échapper à l'impôt et s'enrichir par la corruption.

«Des années de manifestations pacifiques n'ont servi à rien, c'est pour cela que nous devions faire quelque chose pour qu'on nous écoute», explique à l'AFP Tam, une étudiante, qui préfère utiliser un pseudonyme. À 27 ans, elle a déjà participé aux grandes manifestations lycéennes de 2006, première fronde sociale depuis la fin de la dictature qui avait mis à l'épreuve le premier gouvernement de la présidente socialiste Michelle Bachelet (2006-2010). «On en a assez des abus et s'il faut tout détruire, les gens vont le faire car c'est la seule manière qu'ils ont trouvé pour qu'on les écoute. Le Chili a besoin d'une transformation», estime l'étudiante alors que plus de 70 stations de métro ont été endommagées, et des dizaines de supermarchés, stations-service, pharmacies pillés et incendiés depuis le début des troubles.

Alejandra Lunecke, chercheuse à l'Université catholique (UC) du Chili souligne que «les jeunes ont été les porte-paroles de ceux qui ne sont pas d'accord, ils ont fait bouger les lignes». Derrière les jeunes, il y a une société «qui ne supporte plus de payer, payer». «Ils ont pressé le citron et cela devait finir par s'effondrer», estime Marcela Paz, une professeure de 51 ans.

Le fameux modèle économique ultra-libéral chilien, hérité de la dictature du général Augusto Pinochet (1973-1990), a mis en place un système de retraites par capitalisation totalement individualisée et a privatisé une grande partie des secteurs de la santé et de l'éducation. Mais au fil des ans, seule une minorité bénéficie de ce modèle. Les pensions de la plupart des retraités sont extrêmement basses, et les Chiliens ayant accès à une santé et une éducation de qualité sont peu nombreux.

Ce n'est qu'en 2015 que Michelle Bachelet, pendant son deuxième mandat (2014-2018), avait permis aux plus pauvres d'accéder gratuitement aux études universitaires. Le mécontentement social se cristallise sur l'idée que ce modèle, qui prétend que dans une économie de marché totalement ouverte, comme celle du Chili, tout le monde peut réussir par son travail, ne tient pas ses promesses, analyse Alejandra Lunecke. Le système «privilégie certains, accable la classe moyenne et exclue les plus pauvres», résume-t-elle.

Ainsi derrière le chiffre, envié en Amérique latine, d'un revenu par habitant de 20.000 dollars, les inégalités sont profondes. Les 1% plus riches concentre 26,5% des richesses du pays. A l'inverse, 50% des foyers les plus défavorisés représente 2,1% de cette richesse, selon des données de la Commission économique pour l'Amérique latine et les Caraïbes (Cepalc).

AFP


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