Les Etats-Unis autorisent un chasseur à importer son trophée de lion tué en Tanzanie

  19 Septembre 2019    Lu: 519
Les Etats-Unis autorisent un chasseur à importer son trophée de lion tué en Tanzanie

Les autorités américaines ont récemment autorisé un chasseur de Floride à ramener un trophée de lion tué en Tanzanie. Une première en trois ans selon l'ONG Center for Biological Diversity qui redoute que des autorisations similaires ne soient données pour d'autres espèces.

Quatre ans après la mort du lion Cecil au Zimbabwe, la chasse aux trophées est de nouveau sous le feu des critiques aux Etats-Unis. Une ONG américaine connue sous le nom de Center for Biological Diversity a révélé que les autorités ont donné le feu vert à un chasseur de Floride pour ramener sur le territoire son trophée de lion venu de Tanzanie.

Selon les écologistes, cela fait trois ans qu'une telle autorisation n'avait pas été donnée, depuis que les lions avaient rejoint la liste des espèces menacées protégées par l'Endangered Species Act en janvier 2016. Le permis aurait été délivré au cours de l'été par l'US Wildlife Fish & Service mais on ignore quand la chasse a eu lieu. Il semblerait que la demande initiale d'importation remonte à novembre 2016.

Interrogé par CNN, John Jackson, l'avocat du chasseur Carl Atkinson, a expliqué que son client tenait à rapporter son trophée afin de "se remémorer son expérience" qui lui aurait coûté 100.000 dollars (environ 90.000 euros) pour 21 jours de safari. Il a également ajouté qu'il "n'est pas éthique de gâcher une quelconque partie de la chasse".

D'après le Center for Biological Diversity, le permis autoriserait l'Américain à rapporter la peau, le crâne, les griffes ainsi que les dents du lion mâle chassé. On ignore si ces "trophées" sont déjà arrivés sur le continent américain, l'autorisation étant valable jusqu'en 2020. Mais cette décision n'a pas manqué de raviver les débats autour de la chasse aux trophées et son rôle dans la conservation.

Une chasse qui aide à la conservation ?

Au cours des derniers siècles, les lions africains ont perdu plus de 90% de leur répartition géographique tandis que leur population a chuté sous la barre des 40.000 individus matures, selon l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). L'espèce Panthera leo figure aujourd'hui sur la liste rouge dans la catégorie "vulnérable" et son déclin se poursuit.

La protection des lions est ainsi devenue un enjeu clé pour de nombreux pays africains, y compris la Tanzanie qui abrite environ 40% de la population et où des chasses aux trophées sont régulièrement organisées. Les partisans de cette pratique affirment qu'elle contribue à la protection de l'espèce, en apportant des revenus pour financer les efforts de conservation.

"Une chasse bien régulée et légale, dans le cadre d'un programme de gestion rationnelle, peut bénéficier à la conservation de certaines espèces en incitant les communautés locales à conserver l'espèce et en apportant des revenus nécessaires à la conservation", a justifié Laury Marshall Parramore, porte-parole de l'U.S. Fish and Wildlife Service reprise par Associated Press.

Ces arguments sont toutefois loin de convaincre les défenseurs des animaux qui affirment qu'en pratique, ces chasses ne sont le plus souvent pas pratiquées de façon durable. Prenant le cas de la Tanzanie, le Center for Biological Diversity explique que le pays a fixé ses quotas en se basant sur ceux de l'année précédente, sans connaitre l'étendue exacte de sa population de lions.

L'ONG dénonce également l'autorisation de chasser des mâles de six ans ou plus, alors que l'âge est difficile à estimer sur le terrain et que ces individus occupent souvent le rôle de chef de meute. "Quand ils sont tués par un chasseur, le nouveau chef du groupe tue la descendance de son prédécesseur, causant la perte, non pas d'un lion, mais de plusieurs", explique-t-elle dans un communiqué.

Les défenseurs des animaux estiment en outre qu'une partie infime des revenus est généralement reversée à la conservation. "La Tanzanie est un bastion pour les lions, mais elle est critiquée par les scientifiques qui dénoncent la corruption et des protections inadéquates de la faune sauvage", a souligné Tanya Sanerib, directrice juridique du Center for Biological Diversity.

L'Endangered Species Act interdit normalement l'importation de trophées des espèces inscrites. Toutefois, la loi stipule que cette importation peut devenir légale si preuve est apportée que la chasse bénéficie à la conservation de l'espèce. L'U.S. Fish and Wildlife Service aurait ainsi décidé d'étudier les demandes au cas par cas.

Bientôt d'autres importations autorisées ?

Cette décision n'est pas qu'une mauvaise nouvelle pour les lions, d'après le Center for Biological Diversity qui craint qu'elle n'ouvre la voie à des autorisations similaires pour d'autres espèces. "C'est une nouvelle tragique pour la conservation des lions et cela suggère que l'administration de Trump pourrait bientôt ouvrir les vannes pour l'importation de trophées [d'autres espèces] depuis la Tanzanie", a estimé Tanya Sanerib.

La menace est loin d'être une simple crainte. En novembre dernier, le gouvernement américain a annoncé son intention de réinstaurer l'autorisation d'importer des trophées d'éléphants chassés au Zimbabwe et en Zambie. Une décision qui a provoqué un tollé et poussé les autorités à opter pour une évaluation au cas par cas.

"Nous nous attendons au pire, et cela pourrait tomber sur les éléphants de Tanzanie", a déploré la directrice juridique. "Cette administration a fait marche arrière et levé l'interdiction sur les importations de trophées d'éléphants au Zimbabwe. Je crains qu'elle ne fasse de même pour la Tanzanie. Face à la crise d'extinction mondiale, nous ne devons pas laisser de riches Américains tuer des espèces en danger pour s'amuser".

La semaine passée, un autre chasseur a demandé l'autorisation d'importer un trophée de rhinocéros noir tué en Namibie pour 400.000 dollars (environ 360.000 euros). L'homme était déjà représenté par l'avocat John Jackson, membre de l'International Wildlife Conservation Council, un comité consultatif controversé du Département de l'Intérieur américain qui soutient la chasse aux trophées et son rôle dans la conservation.

En août dernier, plus d'une cinquantaine de députés européens et des organisations de défense de la nature se sont alliés pour appeler la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (CITES), alors réunie à Genève (Suisse), à interdire la chasse aux trophées ciblant des animaux en danger. Sans succès.

Geo.fr


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