Brésil: la cour suprême criminalise l'homophobie

  14 Juin 2019    Lu: 846
Brésil: la cour suprême criminalise l

La cour suprême du Brésil a décidé jeudi par huit voix contre trois de criminaliser l'homophobie, une mesure importante pour les minorités sexuelles d'un des pays qui comptent le plus grand nombre d'assassinats de personnes LGBT.

Le Tribunal fédéral suprême (STF) a provisoirement décrété que l'homophobie était équivalente au délit de racisme, en attendant que le Congrès, actuellement à majorité conservatrice et sous forte influence des Eglises évangéliques, élabore une loi spécifique pour réprimer ce type de discrimination.

«Tout préjugé est une violence», a déclaré Carmen Luzia, juge au STF, pour expliquer son vote favorable. «Toute discrimination est une cause de souffrance», mais «certains préjugés causent plus de souffrances que d'autres, parce que ce sont des blessures qui frappent la personne dans son foyer, qui séparent les parents des enfants, [qui séparent] les frères, les amis, pour le simple fait de tenter de vivre quelque chose qui se présente comme naturel», a dit cette juge.

Selon l'ONG Grupo Gay da Bahia (GGB), qui collecte des statistiques nationales depuis quatre décennies, il y a eu en 2017 au Brésil 387 meurtres et 58 suicides dus à ce que l'association appelle «homotransphobie», c'est à dire les sentiments négatifs envers les homosexuels ou envers les transsexuels. Les chiffres donnés par GGB sont de 30% supérieurs à ceux de 2016. Ils impliquent la mort par meurtre ou suicide d'une personne LGBT toutes les 19 heures au Brésil. Le Tribunal fédéral suprême a estimé que le pouvoir législatif était en défaut pour ne pas avoir adopté jusqu'à présent une loi réprimant les comportements homophobes.

Les juges qui ont voté pour la criminalisation de l'homophobie ont estimé qu'en l'absence d'action au Congrès à ce sujet, le STF pouvait se saisir de la question. Mais les trois juges qui ont voté contre ont estimé que la décision de criminaliser l'homophobie incombait au Congrès et non au au STF. «Seul le Parlement peut approuver [la définition] des délits et des peines, seul le Parlement peut légiférer sur le pénal», a déclaré l'un de ces juges, Ricardo Lewandowski.

Les actes de racisme sont punissables au Brésil de un à trois ans de prison ou d'amendes. En conséquence de la décision du STF, ces peines seront désormais applicables aux actes d'homophobie. L'annonce du STF a causé le trouble au Congrès, qui s'est senti dépossédé de ses prérogatives. «La Constitution attribue au Congrès national la capacité de légiférer», a souligné la présidence du Sénat dans un communiqué.

Le Parlement respecte la décision du STF «mais ne peut pas accepter l'interprétation selon laquelle il est en défaut, car il s'oriente en fonction du respect de la démocratie et de la pluralité des opinions», a ajouté la présidence du Sénat. Les Eglises pentecôtistes, qui comptent de nombreux représentants au Congrès brésilien, ne sont pas favorables à des initiatives comme celle qui a été approuvée jeudi par le STF. Nombre de responsables de ces Eglises craignent que la criminalisation de l'homophobie ne restreigne la liberté d'expression de leurs pasteurs, qui rejettent les unions homosexuelles sur la base de textes religieux.

AFP


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