Nouveaux sièges d'Amazon: les subventions publiques suscitent les critiques

  18 Novembre 2018    Lu: 708
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Alors que New York et la banlieue de Washington savourent d'avoir obtenu l'implantation de deux nouveaux sièges d'Amazon, le débat fait rage aux Etats-Unis sur les milliards de dollars d'incitations offertes par ces collectivités pour attirer le géant du commerce en ligne.

Le district de Long Island à New York et Crystal City en Virginie, en bordure de la capitale américaine, sont les heureux élus d'un concours qui a duré des mois pour attirer deux méga-sites où Amazon promet de créer un total de 50.000 emplois, avec 5 milliards de dollars d'investissements à la clé (4,4 milliards d'euros).

Mais cette manne n'impressionne pas les détracteurs, qui avertissent que le montant des incitations fiscales et des investissements des Etats (3 milliards de dollars pour New York et 2,5 milliards pour la Virginie) pourrait effacer les avantages économiques apportés par l'entreprise.

Il est courant aux Etats-Unis qu'un groupe en quête d'une implantation recherche des incitations. Selon un rapport de la Brookings Institution, environ 90 milliards de dollars sont offerts chaque année à des entreprises par les Etats et les administrations locales.

Michael Farren, un expert dans les délocalisations d'entreprises à l'université George Mason, en Virginie, estime pourtant que ces incitations font rarement la différence dans les décisions des groupes.

"Les décisions de délocalisation des entreprises reposent sur des facteurs ayant une incidence plus profonde sur les bénéfices de l'entreprise, comme la disponibilité d'une main-d'œuvre qualifiée", explique-t-il.

Il note qu'Amazon aurait pu obtenir des avantages fiscaux encore plus élevés s'il avait traversé le fleuve Potomac pour s'installer dans le Maryland, au nord de Washington, où on lui offrait plus de 8 milliards de dollars, ou encore à Newark, près de New York, qui avait mis 7 milliards de dollars sur la table.

- "Entreprise profiteuse" -

De tels soutiens financiers suscitent les critiques de ceux qui affirment qu'Amazon n'a pas besoin d'être une "entreprise profiteuse".

"L'une des entreprises les plus riches de l'histoire ne devrait pas recevoir d'aide financière des contribuables alors que trop de familles new-yorkaises ont du mal à joindre les deux bouts", a protesté sur Twitter la sénatrice démocrate de New York Kirsten Gillibrand.

A droite aussi, les subventions accordées à Amazon ont ému. "Des arrangements comme celui d'Amazon ou d'autres grands groupes relèvent du copinage pur et simple. C'est épouvantable!", a écrit l’économiste conservatrice Véronique de Rugy dans la Revue nationale.

Pour M. Farren, ces subsides faussent l'économie. Les villes devraient selon lui se concentrer sur l'amélioration de l'éducation et des infrastructures plutôt que sur la manne apportée par une entreprise pour faire des lieux de vie et de travail attrayants.

Mais Tom Stringer, de la société de conseil en immobilier d'entreprise BDO, relève que les esprits chagrins ne savent pas lire les petits caractères. Car selon lui, les contrats sont structurés comme des "programmes de paiement au fur et à mesure".

"Si Amazon ne livre pas (les conditions promises), il ne bénéficie pas des avantages financiers. Les contribuables sont assez bien protégés", assure-t-il à l'AFP.

Néanmoins, la question de ces subventions publiques est devenue une préoccupation majeure, non seulement à propos d'Amazon, mais aussi dans le cas de Foxconn, une entreprise d’électronique basée à Taiwan, sous-traitant d'Apple notamment, qui a promis de construire une usine dans le Wisconsin.

La transaction avec Foxconn prévoit des subsides de 3 milliards de dollars --pouvant passer à 4 milliards- pour créer 13.000 emplois. Cela revient à une subvention de plus de 200.000 dollars par poste créé, contre environ 20.000 dollars par emploi pour Amazon.

L'accord Foxconn, annoncé par le président Donald Trump, comportait des éléments "très inhabituels", contrastant avec ceux d'Amazon, relève M. Stringer.

Le gouverneur du Wisconsin, Scott Walker, qui avait négocié l’accord avec Foxconn, n'a pas été réélu à son poste ce mois-ci en raison des inquiétudes suscitées par la hausse des coûts et une possible baisse du nombre d’emplois créés.

D'autres grands groupes ont commencé à reconnaître les problèmes que pose la tradition des subventions publiques.

Walt Disney Co. a envoyé cette année une lettre à la ville d'Anaheim, en Californie, demandant de mettre fin aux allègements fiscaux, au prétexte qu'ils avaient créé un "climat acrimonieux".

Les incitations fiscales restent néanmoins "d'une importance capitale" pour attirer les entreprises et stimuler le développement économique, assure l'expert immobilier Tom Stringer. "C'est se moquer du monde de dire qu'elles ne font pas la différence".

Mais il faut que les collectivités soient "intransigeantes en matière de négociations afin que les deux parties bénéficient de ces accords", conclut Darrell West, responsable d'études sur la gouvernance à la Brookings Institution.


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