Rohani prêt à rester dans l'accord sous condition

  10 Mai 2018    Lu: 2299
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Le président iranien s'est dit prêt mercredi à rester dans l'accord nucléaire si l'Europe apporte des garanties sur les échanges économiques.

Le président iranien Hassan Rohani a dit à Emmanuel Macron mercredi qu'il «fera tout pour rester dans l'accord» sur le nucléaire, mais réclamé aux Européens des garanties très rapides prouvant que leurs entreprises continueront à travailler avec l'Iran, ont indiqué mercredi les présidences françaises et iraniennes.

Lors d'un entretien téléphonique de plus d'une heure, les deux présidents ont convenu de mettre en place «sans délai» des «groupes de travail» entre Europe et Iran sur les moyens de présenter dans les semaines à venir «de premières garanties» montrant que les Européens pourront «poursuivre leurs activités économiques en Iran», a précisé l'Elysée.

Hassan Rohani a expliqué qu'«en Iran maintenant la pression est forte pour sortir de l'accord» et qu'il lui fallait ces garanties «que lui-même pourrait exposer au peuple iranien ces garanties pour le convaincre de rester dans l'accord».

Les ministres des Affaires étrangères des trois pays européens signataires, France, Allemagne et Royaume-Uni, se réuniront dès la semaine prochaine avec leur homologue iranien sur ces groupes de travail, a ajouté Paris.

La France déterminée à sauver l'accord

Le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, s'est également entretenu au téléphone avec son homologue iranien, Mohammad Javad Zarif, a indiqué le ministère français. «Il lui a rappelé la détermination de la France à préserver l'accord de Vienne. Elle reste donc engagée dans cet accord et attend de l'Iran qu'il continue de respecter l'ensemble de ses obligations à ce titre», a rapporté le ministère.

«La France invite l'Iran à ouvrir une discussion approfondie sur l'ensemble des questions relatives à la stabilité régionale. A ce sujet, le ministre a rappelé la volonté du chef de l'Etat (français, ndlr) de travailler à un cadre plus large incluant les activités nucléaires et le programme balistique de l'Iran ainsi que la solution des crises au Moyen-Orient», selon le ministère français.

Lors de son entretien avec M. Macron, M. Rohani a précisé que les intérêts de l'Iran devaient être «garantis» avec «des décisions claires et transparentes» en particulier sur la vente du pétrole, les relations bancaires, les investissements et les assurances, selon Téhéran, ainsi que les transports. «Si, dans un laps de temps court, nous arrivons à une décision claire sur l'accord nucléaire, nous pourrons avoir une large interaction entre l'Iran et l'Union européenne», a-t-il ajouté.

Paris prévoit des discussions «dures» avec Washington

Pour sauver l'accord, les Européens doivent donc maintenant obtenir de Washington que leurs entreprises échappent aux sanctions que les Etats-Unis rétabliront dans quelques semaines ou mois contre les entreprises américaines et étrangères qui commercent avec l'Iran.

Paris prévoit des discussions «dures» avec Washington. La France compte faire valoir que les Etats-Unis risquent d'être isolés sur la scène internationale, ou que des entreprises russes ou chinoises pourraient profiter du marché iranien et affaiblir la portée des sanctions, tout en nuisant aux intérêts des entreprises européennes et américaines.

Après la décision annoncée mardi du président américain Donald Trump d'abandonner l'accord nucléaire, le président Rohani avait dit vouloir discuter avec les Européens, les Russes et les Chinois afin de voir si son pays avait intérêt à rester dans l'accord historique signé en 2015.

Ce texte vise à faciliter les échanges commerciaux avec l'Iran et à relancer son économie, en levant de lourdes sanctions internationales, en échange d'un engagement de Téhéran à limiter ses activités nucléaires et à ne jamais chercher à obtenir la bombe atomique.

«Empêcher une escalade»

Le guide suprême iranien, l'ayatollah Ali Khamenei, qui a la haute main sur les grands dossiers du pays dont le nucléaire, avait déjà réclamé mercredi des garanties solides et «réelles» des Européens pour rester dans l'accord.

Le président français a aussi averti M. Rohani qu'en retour il était «très important que l'Iran reste en conformité avec l'accord dans les prochaines semaines et qu'il n'y ait aucun acte pouvant être pris comme une violation de l'accord».

La France a répété qu'elle estimait que Téhéran respectait ses obligations et ne préparait pas secrètement d'arme nucléaire, contrairement à ce qu'a affirmé Donald Trump. «Nous n'avons aucune information sur un programme clandestin nucléaire en Iran. Nous croyons à la robustesse de l'accord nucléaire et au contrôle international de l'Agence internationale de l'énergie atomique» (AIEA), a affirmé l'Elysée.

«L'entretien qui a eu lieu aujourd'hui avec le président iranien contribue à empêcher cette escalade que tout le monde redoute», a commenté la ministre française des Armées Florence Parly à la télévision BFMTV.

Le choix de l'Orient

La Russie et la Chine étant moins exposés au marché américain que les Européens, leurs entreprises apparaissent mieux placées que leurs concurrentes européennes pour résister aux pressions économiques de Washington.

Depuis la signature de l'accord de Vienne, les entrepreneurs chinois se sont montrent assez dynamiques vis-à-vis de la République islamique. D'autre part, l'Iran et la Russie, qui ont pu entretenir des relations tumultueuses au cours de l'histoire, ont opéré un net rapprochement.

Dans un discours récent, M. Khamenei a rompu avec un des slogans phare de la révolution islamique de 1979 («Ni Ouest, Ni Est, République islamique») en affirmant: «En matière de politique étrangère, préférer l'Orient à l'Occident» est «une de nos priorités». En cas d'échec avec les Européens, la voie semble libre pour permettre à l'Iran de se tourner encore davantage vers l'Est.

Riposte attendue

Pour Mark Fitzpatrick, analyste à l'Institut international pour les études stratégiques de Londres (IISS), «l'Iran va riposter (au retrait américain) pour montrer qu'il ne se laisse pas intimider».

Sa «réponse principale» pourrait être «asymétrique» et consister à «nuire aux intérêts américains», par exemple «en Syrie et en Irak», estime M. Fitzpatrick, pour qui une telle réaction ne fait aucune doute mais pourrait cependant «ne pas être immédiate».


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